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AideLien : One in five live with chronic painLien : Chronic Pain - Hope through researchLien : Treat pain more aggressively, experts insist
Lien : Un adulte canadien sur cinq souffre de douleurs chroniquesLien : About Suffering : FOR A NEW APPROACH TO SUFFERING, PHYSICAL AND MENTALLien : Pain and the Dying : the Hospice Movement And the Work of Cicely SaundersLien : What Are The Most Common Types Of Chronic Pain?
Lien : Les affres de la douleurLien : Canadian Pain CoalitionLien : premier colloque francophone sur la douleur chroniqueLien : Livre : Repenser la douleur. Sous la direction de Pierre Beaulieu
Lien : Pour ne pas remplacer une douleur par une autre : Des chercheurs s'attaquent à la douleur chronique consécutive aux chirurgies cardiaquesLien : Les douleurs chroniques perturbent la vie et le sommeilLien : Bay Area Pain Medical AssociatesLien : La société canadienne de la douleur
Lien : Pain Relief 4 You After Surgery
Chercheur
Chercheur : Serge Marchand, de l'UQAT / UdeSChercheur : Michael SalterChercheur : Yves De Koninck
Histoire
Histoire : Relief of Pain and Suffering

Le quart des patients qui consultent le médecin pour une douleur le font pour une douleur chronique. C’est dire à quel point ce phénomène est courant avec, en tête de file, le mal de dos, suivi des maux de tête, des douleurs aux articulations et ensuite de toute une panoplie de différentes douleurs chroniques à l’abdomen, à la poitrine, etc.

Quand on parle de douleurs chroniques, les chiffres sont d’ailleurs colossaux. L’Association Internationale pour l’Étude de la Douleur révèle qu’environ 20% de la population mondiale souffrirait de douleurs chroniques. C’est une personne sur cinq.

Aux États-Unis, les sources les plus conservatrices parlent d’environ 50 millions de personnes. Et le coût annuel de traitement et de perte de productivité est estimé à environ 125 milliards de dollars, toujours au États-Unis seulement.

La douleur chronique affecte la même proportion de la population européenne ou canadienne. Et la prévalence croît avec l’âge. Selon une étude pancanadienne, la prévalence de la douleur chronique au Québec chez les hommes et les femmes âgés de plus de 65 ans serait près de 40 %.

En Europe, c’est 75 millions de personnes qui vivent dans la douleur depuis plus de sept ans, dont le cinquième depuis plus de 20 ans sans réussir à avoir le soulagement nécessaire. Conséquemment, 21% de ces personnes vivant avec la douleur chronique ont été diagnostiqué dépressives.

En 2004, un sondage de l’American Chronic Pain Association révélait que dans plus de la moitié des cas, les gens souffrant de douleurs chroniques voyaient leur capacité au travail compromise. L’association de la douleur chronique du Canada déclare pour sa part que les personnes souffrant de douleur chronique manquent en moyenne 16 jours de travail par année.

Quand on sait par ailleurs qu’environ 45 % des douloureux chroniques voient leurs relations personnelles se détériorer à cause de leur mal, on n’est pas surpris d’apprendre que, selon une étude publiée en janvier 2006, près de 14 % des Québécois souffrant de douleurs chroniques font une tentative de suicide. Ce n’est pas tant l’arsenal thérapeutique que l’accessibilité des soins et le manque de ressource qui serait ici en cause.

Par exemple, des chiffres publiés en 2005 indiquent qu'au moins 4500 Québécois souffrant de douleurs chroniques étaient alors en attente d'une première évaluation dans une clinique spécialisée dans le traitement de la douleur. Et que les deux tiers attendaient depuis plus de neuf mois.

Lien : Association québécoise de la douleur chronique : statistiquesChercheur : Philippe SarretLien : Common Pain Problems

La douleur reliée au cancer peut être aiguë ou chronique. La douleur aiguë peut être la conséquence des traitements (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie) alors que la douleur chronique survient par exemple lorsque la tumeur compresse des nerfs, émet certaines substances chimiques ou interfèrent dans l’afflux sanguine et le fonctionnement des organs internes.

Différentes données semblent indiquer que la douleur générée par un cancer affecte négativement le système immunitaire, ce qui pourrait indirectement favoriser la croissance de la tumeur. D’où l’importance de traiter immédiatement tant les douleurs aiguës que chroniques reliées au cancer.

Lien : Types and causes of cancer pain


DIFFÉRENTS TYPES DE DOULEUR
L'EFFET PLACEBO

La fonction de la douleur, pour le scientifique contemporain, n’est plus de guérir, de punir, ou d’ennoblir comme on l’a longtemps cru, mais bien de nous avertir qu’une partie de notre corps est endommagée ou risque de l’être.

Cette valeur d’alerte, indéniablement adaptative, ne concerne cependant que la douleur dite « aiguë ». À celle-ci, on oppose généralement la douleur dite « chronique », qui relève de conditions pathologiques.

Comme le suggèrent les deux épithètes, la durée de la douleur est l'élément prépondérant qui permet d'établir une distinction. Une douleur aiguë peut durer de quelques secondes à plusieurs mois, mais elle va disparaître avec l’accomplissement du processus de guérison. Une douleur devient chronique lorsqu’elle persiste au-delà du temps normal de guérison et continue d’évoluer au-delà de 3 à 6 mois. Elle peut être le résultat d’une blessure qui a mal guéri, ou d’une panoplie d’autres raisons comme le cancer, des nerfs endommagés, l’arthrite, etc.

 


Détail de La Douleur d'Andromaque de Jacques-Louis David, 1783, huile sur toile exposée au musée du Louvre de Paris.

Mais avant d’entrer dans la complexité des douleurs chroniques, décrivons un peu plus en détail les douleurs aiguës. Il s’agit de sensations douloureuses vives et immédiates en réponse à une lésion tissulaire spécifique. Les douleurs aiguës sont bien localisées et s'accompagnent de réactions végétatives (rythme cardiaque et respiratoire accéléré, sueurs, etc.) et de réactions motrices (réflexe de retrait).

Cela va de la simple piqûre d’insecte à la douleur post-opératoire, en passant par l’infection, la brûlure ou la fracture qui peuvent être douloureuses pendant plusieurs mois. Mais dans tous les cas, la douleur est un symptôme qui s’estompe graduellement à mesure que la maladie guérit ou que la peau se cicatrise.

Mais la douleur peut parfois devenir chronique. Tout se passe alors comme si la douleur se dissociait de sa fonction première de protection de l’organisme. Il n’y a alors plus de relation claire entre l'ampleur de la lésion organique et l'intensité de la douleur chronique. Celle-ci altère inévitablement la qualité de vie de l’individu et peut même modifier sa personnalité, interférer avec son travail et affecter ses relations interpersonnelles.

Vivre plus de 6 mois, voire souvent plusieurs années avec un mal de dos (voir l’encadré ci-bas) ou des migraines peut être très invalidant. Dans les pires cas, la personne devient incapable d’effectuer des tâches routinières car il lui est difficile de se concentrer sur quoi que ce soit d’autre que sa douleur. Celle-ci peut devenir cause d’insomnies, d’anxiété, de colère, de détresse, de désespoir et même de dépression.

La dépression chez les patients souffrant de douleurs chroniques peut amplifier la douleur, déprimant d’autant plus l’humeur du patient. Ce cercle vicieux doit être évité à tout prix par un traitement approprié (ces personnes répondent généralement assez bien aux antidépresseurs), mais ne l’est pas toujours à cause du préjugé voulant que quelqu’un qui souffre constamment est nécessairement déprimé.

Pire, il fut un temps, pas si lointain malheureusement, où les nombreux individus qui se plaignaient de douleurs chroniques (voir l’encadré ci-contre) étaient considérés comme des malades imaginaires. Ou encore on disait d’eux qu’ils voulaient simplement de l’attention. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien et que la douleur chronique est une maladie à part entière, un désordre distinct du système nerveux produit et maintenu par une variété de processus cellulaires anormaux.

Multiforme, la douleur chronique peut s’exprimer de façon intermittente, comme dans le cas des migraines. Elle peut également ne laisser aucun répit, bien que la douleur puisse varier d’intensité, comme dans le cas du mal de dos (voir l’encadré ci-bas). Enfin, la douleur chronique peut non seulement être continue, mais augmenter sans cesse d’intensité à mesure que se développe une maladie dégénérative comme l'arthrite rhumatoïde ou le cancer (voir l’encadré).

La douleur chronique peut aussi s’installer à la suite d’un accident, d’une infection ou d’une opération chirurgicale ayant endommagé un nerf. Celui-ci peut alors continuer à émettre des messages de douleur injustifiés puisque les dommages originaux de la blessure sont complètement guéris. Ce type de douleur d’origine essentiellement neuronale est appelé douleur neuropathique.

Une des douleurs les plus communes est certainement le mal de dos. En fait, c’est la première cause de consultation dans les centres spécialisés contre la douleur et les statistiques à son égard sont pour le moins éloquentes: environ 80% des adultes souffriront à un moment donné durant leur vie d’un mal de dos; c’est la première cause d’invalidité chez les moins de 45 ans et la première cause des arrêts de travail de moins de 15 jours; enfin, les blessures au dos représentent 25% de toutes les indemnités d’invalidité versées par les compagnies d’assurances. Ce n’est pas pour rien qu’il est souvent qualifié de « mal du siècle ».

Pour celui qui en souffre, le mal de dos peut être très handicapant, limitant les activités de la vie quotidienne et générant un stress lui-même facteur aggravant du mal de dos. Sachant que l’on incline son dos de 1 500 à 2 000 fois par jour, on comprend l’importance de briser ce cercle vicieux le plus rapidement possible!

Mais pourquoi notre dos défaille-t-il si souvent ? Il faut d’abord rappeler que celui-ci est un agencement complexe d’os, de nerfs, de muscles, de tendons et de ligaments, tous capables de produire de la douleur. Il faut aussi constater que l’histoire de chaque dos est souvent parsemée de mauvais traitements dès l'enfance : sac d’école trop lourd, vie trop sédentaire, stress, travaux physiques éreintants et répétitifs, etc.

Plus précisément, notre dos est constitué d’une charpente osseuse — la colonne vertébrale — qui entoure la moelle épinière et la protège. La colonne vertébrale se compose de 24 vertèbres (7 cervicales, 12 dorsales et 5 lombaires) séparées entre elles par des disques intervertébraux qui font office de joints articulés et de coussins amortisseurs. C’est ce bricolage compliqué, légué par l’évolution des vertébrés quadrupèdes qui nous ont précédés, qui a la lourde tâche d’assurer notre posture verticale de bipède.

On ne s’étonnera donc pas que certaines pièces de se puzzle puissent se déplacer légèrement, engendrant du même coup de la douleur. Une douleur que l’on peut ressentir à chacune des trois grandes régions anatomiques du dos : on parle de cervicalgies pour le haut du dos, de dorsalgies pour le milieu du dos et de lombalgies (ou de lumbagos) pour le mal du bas du dos qui est le plus fréquent.

Ces douleurs apparaissent lorsque l’on reste par exemple trop longtemps éloigné de la position normale (penché en avant, mal assis, mal couché), ce qui entraîne la surcharge des ligaments, des muscles et des disques. Autre problème commun : l’entorse vertébrale, ou vertèbre "déplacée", provoquée par un faux mouvement, souvent de torsion du tronc.

On ne parle pas ici de déplacements importants, comme ceux qui surviennent lors d’un accident de la route et provoquent des dommages importants à la moelle épinière, mais bien de déplacements minimes qui réduisent néanmoins la mobilité de la vertèbre. Ce manque de mobilité entraîne bien souvent une contracture des muscles avoisinants, augmentant d’autant plus la douleur.

Le dos peut aussi s'abîmer par la répétition de mouvements mal exécutés ou encore par le port de trop lourdes charges. Une pression trop importante sur la colonne vertébrale peut amener la fuite vers l’arrière d’une partie d’un disque intervertébral et provoquer une hernie discale. Celle-ci peut à son tour comprimer une racine nerveuse et produire une douleur référée dans un membre (voir l’encadré à gauche). Au niveau lombaire, on appelle cette compression une sciatique. La très grande majorité des hernies surviennent dans le bas du dos et seraient responsables d’environ 2% des maux de dos.

Mais si certaines pathologies sont facilement identifiables, grâce à la radiologie, comme les hernies discales ou l’arthrose, dans la grande majorité des cas, aucun indice pouvant expliquer le mal de dos n’est généralement trouvé lors des consultations, même après radiographie ou scanner. Qui plus est, pour 90% des patients, les symptômes douloureux vont s’estomper naturellement en moins d’un mois ou deux.

Cela dit, dès que le dos fait trop souffrir, il vaut mieux consulter un médecin pour ne pas que le mal de dos ne s’installe. Ce dernier pourra vous rappeler des règles d’hygiène simples qui peuvent prévenir les douleurs dorsales : faire de l’exercice régulièrement pour garder un bon tonus aux muscles du dos; plier les jambes au lieu du dos lorsqu’on soulève une lourde charge; éviter le surpoids; éviter aussi des activités générant des coups sur la colonne vertébrale comme le jogging au profit d’activités comme la natation qui détend les muscles du dos tout en les tonifiant.

Les trop longues séances de travail en position assise sont aussi à proscrire, bien qu’une revue de 25 études ait démontré que le travail à l’ordinateur, si la position du sujet est correcte, n’est pas responsable de lombalgie. La fréquence des lombalgies augmenterait cependant lorsque la position assise prolongée s’accompagne de vibrations ou de "mauvaises positions". Les risques de maux de dos sont ainsi 5 fois plus élevés chez les camionneurs et 9 fois plus élevés chez les pilotes d’hélicoptère que dans la population en général.

Lien : Back painLien : Common causes of back painLien : Back PainLien : Back PainLien : Douleur du dos - Pourquoi souffre-t-on ?Lien : Mal de dos
Lien : Prévention des douleurs de dosLien : Dix règles pour mieux travailler sur ordinateurLien : SciaticaLien : Hernie discaleLien : LA SCIATIQUE AR HERNIE DISCALEExpérience : Workplace stress, lifestyle and social factors as correlates of back pain : a representative study of the german working population

 

Les douleurs ne se font pas toujours sentir à l’endroit où il y a réellement un problème. On parle alors de douleurs projetées ou référées pour décrire ce phénomène.

Un exemple fréquent survient lorsque l’on se cogne le coude et que l’on ressent un picotement « électrique » dans les 4e et 5e doigts. La compression du nerf ulnaire, qui innerve ces doigts, provoque une série d’influx nerveux qui remontent jusqu’à la moelle et nous donnent l’impression que ce sont les doigts qui ont sont endoloris. Même chose pour les douleurs que l’on ressent aux jambes lorsque le nerf sciatique est irrité au niveau des vertèbres lombaires.

Un muscle spasmé ou irrité dans le cou peut également être à l’origine de douleur à la tête. Un autre cas classique de douleur projetée est celui que ressentent au bras ou à l’épaule gauche les gens qui font une crise d’angine. Encore ici, c’est bien le cœur qui est en difficulté parce qu’il n’est pas suffisamment irrigué, mais la douleur est ressentie dans une autre partie du corps (en plus de l’être souvent directement du côté gauche de la poitrine).

D’autres maladies des viscères peuvent provoquer la même confusion. Une douleur à la vésicule biliaire peut ainsi être projetée au niveau du dos. Ou encore une douleur d'origine rénale, digestive ou vertébrale projetée sur les testicules.

La « convergence viscéro-somatique » expliquerait de nombreux cas de ce curieux phénomène lorsqu’il concerne les douleurs viscérales projetées. En effet, celles-ci n’ont que très peu de voies propres dans la moelle pour remonter jusqu’au cerveau. Les voies nociceptives viscérales convergent pour la plupart sur les mêmes neurones médullaires de la corne dorsale qui reçoivent les voies nociceptives cutanées. Le coût caché de cette économie de moyen semble être la confusion sur la localisation de la douleur qui peut s’ensuivre.

 

     
Liens
Lien : L'effet placebo: pas juste dans la têteLien : Deconstructing the Placebo Effect and Finding the Meaning ResponseLien : Commercial Features of Placebo and Therapeutic EfficacyLien : Alcool et violence: un lien jusqu'où?
Lien : Décortiquer l'effet placebo pour mieux l'utiliserLien : Radiolab : PlaceboLien : L’effet placebo et ses paradoxesLien : Overt versus covert treatment for pain, anxiety, and Parkinson's disease
Lien : A message in a bottle: Extrapharmacological effects of alcohol on aggressionLien : Placebo et effet placebo (première partie) : définition, aspects cliniques, mécanismesLien : Concept of true and perceived placebo effectsLien : Comprendre l’effet placebo pour mieux traiter la douleur
Lien : Effet placeboLien : Genetics of successful placebo response to stressLien : The Psychology of the SaleLien : Swearing increases pain tolerance
Expérience
Expérience : Loss of expectation-related mechanisms in Alzheimer's disease makes analgesic therapies less effective
Capsules originales
Outil : Les questions éthiques soulevées par l’effet placeboLes questions éthiques soulevées par l'effet placebo
Outil : L'anasthésie et l'analgésie L'anasthésie et l'analgésie
Expérience : Acupuncture et effet placebo Acupuncture et effet placebo
Expérience : Le point aveugle Le point aveugle

Controverse et effet placebo : même dans les sondages !

L’effet placebo est loin d’avoir révélé tous ses mystères. À preuve : le phénomène des «placebos ouverts». On dit ouvertement au patient qu’on lui donne une pilule de sucre trois fois par jour. Ils savent donc très bien qu’ils ne prennent aucun médicament actif, mais rapportent néanmoins une amélioration de leur condition !

Un phénomène semblable a été observé dès les années 1970 chez des héroïnomanes qui avaient découvert qu’en s’injectant simplement de l’eau quand ils manquaient d’héroïne, ils pouvaient soulager un peu de leurs symptômes de sevrage. Des effets physiologiques typiques des opiacés comme la contraction des pupilles étaient également observés, ce qui a mis en évidence la réponse conditionnée dans l’effet placebo.

Lien : Placebo is not what you think

Si les attentes positives d’un patient peuvent améliorer son état de santé (effet placebo), les seules craintes que suscite un traitement peuvent provoquer des malaises. Et ce, même si le traitement en question n’a aucun ingrédient actif ! C’est l’effet nocebo (du latin «je nuirai»), le revers de la médaille de l’effet placebo.

Tout comme pour l’effet placebo, l’effet nocebo ne relève pas du trouble psychiatrique, mais révèle simplement un aspect du fonctionnement du cerveau humain normal. Dans une étude de 2007 effectuée à l’Université de Turin, en Italie, les hommes qui prenaient un médicament pour la prostate et étaient informés que des dysfonctions érectiles et une baisse de la libido étaient des effets secondaires possibles ont été trois fois plus nombreux à rapporter ces effets secondaires que les hommes à qui on n’en n’avait pas fait mention.

Plusieurs autres études confirment que les patients au courant des effets secondaires possibles de leur traitement ont davantage de ces malaises indésirables que ceux qui n’en ont pas été informé. Pour faire court : lire les effets secondaires possibles sur les boîtes de médicament peut vous rendre malade… Et comme pour l’effet placebo que l’on considère comme une «prime médicamenteuse», l’effet nocebo peut aussi rendre compte d’une partie des effets secondaires de tout médicament actif.

Dans les années 1960, alors que les contraintes éthiques étaient moins élaborées qu’aujourd’hui, on donna à des patients de l’eau sucrée en leur disant que ça allait les faire vomir. Résultat : 80% des patients vomirent effectivement. Autre exemple typique d’effet nocebo : une personne ressent des douleurs abdominales dans les minutes qui suivent l’absorption d’un remède susceptible d’en provoquer, alors même que la molécule active n’a pas encore été absorbée dans le sang !

Encore une autre manifestation bien connue de l’effet nocebo : l’anticipation d’une douleur augmente sa magnitude. Des expériences ont montré que cette appréhension provoquait l’augmentation cérébrale de cholecystokinine, un neuropeptide reconnu pour faciliter la transmission des sensations douloureuses. D’ailleurs, quand on injecte à des patients un bloqueur de la cholecystokinine, l’effet nocebo douloureux disparaît.

Et puis il y a environ le quart des patients ayant reçu des placebos lors de tests cliniques qui se plaignent d’effets secondaires comme des maux de tête ou de la somnolence. Une explication possible est que ces personnes deviennent simplement hyper vigilantes par rapport à des petits malaises que toute personne saine ressent occasionnellement.

Des symptômes comme l’accélération de la fréquence cardiaque, la bouche sèche, la nausée ou la diarrhée pourraient quant à eux s’expliquer par l’anxiété et l’appréhension envers les effets secondaires possibles du traitement. Il s’agit en effet de réponses classiques de l’organisme face au stress et c’est le vaste champ d’étude de la psycho-neuro-immunologie (voir l’encadré ci-contre).

Lien : L'effet noceboLien : The Curse of the Nocebo EffectLien : Power of Suggestion: When Drug Labels Make You Sick
Lien : Book: Meaning, Medicine and the 'Placebo Effect'Lien : When words are painful: unraveling the mechanisms of the nocebo effectLien : Reverse psychology in a pill: anti-placebo

 

Henri Laborit : une pensée plus actuelle que jamais

Liens intimes entre système nerveux et immunitaire

Remettre en question le droit des compagnies de nous empoisonner

Des croyances qui ont des conséquences bien réelles sur le corps

L'EFFET PLACEBO
DIFFÉRENTS TYPES DE DOULEUR

Notre cerveau construit à tout moment une image mentale consciente du monde et agit en fonction de celle-ci. Cette construction l’amène parfois à combler inconsciemment certaines lacunes perceptuelles, comme il le fait pour le point aveugle de notre rétine, par exemple (voir capsule expérience ci-contre).

Les attentes d’un patient par rapport à un traitement donné constituent un autre phénomène qui peut influencer nos perceptions et notre physiologie. C’est le fameux «effet placebo» capable de produire un soulagement sans même qu’il y ait eu ingestion d’un ingrédient actif. Le seul fait de croire que le médicament où le traitement va nous être bénéfique peut produire des modifications organiques bien réelles amenant un soulagement. Et l’inverse est aussi possible : appréhender négativement les conséquences d’un traitement occasionne dans certains cas des symptômes incommodants tout aussi réels. On parle alors d’effet « nocebo » (voir l’encadré).

Si l’on commence à entrevoir les mécanismes sous-jacents de l’effet placebo, celui-ci demeure très variable selon les situations et les individus. Il dépend donc de nombreux facteurs qui ne sont pas encore tous bien compris. Mais on peut subdiviser ces facteurs en quatre grands domaines : l’objet placebo en tant que tel, le médecin traitant, le patient et la maladie.

On sait maintenant que les caractéristiques physico-chimiques de l’objet qui sert de placebo peuvent influencer grandement l’ampleur de l’effet placebo.

D'abord, le simple nom du placebo peut influencer son efficacité. Un placebo présenté comme étant de la morphine soulage davantage la douleur qu’un placebo présenté comme de l’aspirine.

La nature du placebo a ensuite une grande influence. Une étude a montré que les capsules placebos sont plus efficaces que les comprimés placebos. Et d’autres que les injections placebos sont plus efficaces que les pilules placebos. L’ampleur de l'effet placebo semble donc s’accroître à mesure que l'intervention thérapeutique devient davantage invasive.

L’action d’un placebo peut ensuite être influencée par son prix. Les placebos présentés comme très coûteux renforcent la crédibilité en leur pouvoir et augmentent leur efficacité.

La dose ou le nombre de prises joue également sur l’effet placebo. Des auteurs ont par exemple constaté que l’augmentation de la dose de placebo s’accompagnait d’une fréquence plus élevée d’effets indésirables (comme des troubles digestifs, de la somnolence et des vertiges) lorsque l’administration se poursuivait pendant plusieurs jours.

L'effet placebo peut aussi avoir une interaction synergique avec un médicament actif. Par exemple, on donne à deux groupes de sujets des informations les incitant à croire, ou à ne pas croire, au pouvoir analgésique d’un placebo. Après la prise du placebo, une analgésie a été observée dans le groupe « qui croyait » dans la substance, mais aucun dans le groupe « qui n'y croyait pas ». Si on donnait ensuite aux deux groupes de l’aspirine, une analgésie plus importante était observée dans le groupe « qui croyait ». La conséquence pratique de cette synergie est que l’effet placebo peut permettre de réduire les doses d’antalgiques.

Le temps d’action d’un placebo est généralement plus court que pour un ingrédient actif. C’est vrai dans le cas de la douleur, mais particulièrement dans le cas de la dépression où l’effet peut se faire sentir après un ou deux jours, alors que les antidépresseurs agissent en principe à partir de deux ou trois semaines.

Le pic d’activité, c’est-à-dire le moment d'activité maximale, est également similaire ou même plus précoce avec le placebo qu’avec un vrai médicament.

La durée d’action d’un placebo antalgique peut aller jusqu’à deux semaines, puis disparaît progressivement. On trouve cependant plusieurs cas où l’action a duré pendant plus d’une année, notamment pour le trouble panique.

Le médecin joue un rôle de premier plan dans l’effet placebo. Certains pensent que l’origine du phénomène prend sa source dans la dissymétrie de la relation médecin / malade.

Le rituel médical, son aspect protocolaire, les titres de compétence du médecin, la durée de la liste d’attente, tout cela impressionnerait favorablement le patient pour lui faire croire qu’il ira mieux, croyance à la base de l’effet placebo.

La conviction avec laquelle le médecin présente le médicament au patient, en insistant par exemple sur sa puissance de traitement, est un facteur influençant particulièrement l'effet placebo.

La bienveillance ou l’empathie du médecin à l’égard de son patient est un autre facteur très important pour maximiser l’effet placebo. On rappelle souvent avec raison que la médecine n’est pas seulement une science, que c’est aussi l’art de traiter d’autres êtres humains. Et en ce sens, il est évidemment souhaitable de favoriser les apports non spécifiques de l’effet placebo lors des consultations médicales.

Une étude a par exemple comparé l’efficacité antalgique sur le côlon irritable de séances d'acupuncture placebo « chaude », avec un accueil chaleureux, une écoute attentive et de nombreuses explications, et une séance d'acupuncture placebo « froide », sans échanges verbaux avec le thérapeute. Dans les deux cas, les aiguilles étaient piquées superficiellement et hors des méridiens reconnus par les acupuncteurs. Une amélioration significative a été observée pour le placebo « froid » par rapport à un groupe contrôle n’ayant pas été traité, et une amélioration encore plus considérable fut observée pour le placebo « chaud ».

Une autre expérience célèbre est celle d’un médecin de famille anglais, K.-B. Thomas, sur 200 de ses patients se plaignant de douleurs diverses pour lesquelles il lui était impossible de faire un diagnostic précis. À une première moitié, il fit un diagnostic rassurant en leur disant qu’ils se rétabliraient très vite. À l'autre moitié, il resta vague et proposa à chacun de revenir si la situation perdurait. Deux semaines plus tard, 64 % des patients du premier groupe allaient mieux contre 39 % de ceux du second groupe.

Plusieurs vont jusqu’à conclure que le seul fait d’être dans une relation thérapeutique comporterait une part plus ou moins grande d'effet placebo. Il s’agirait d’une manifestation de ce que certains ont appelé « l’effet Hawthorne », où le seul fait de se savoir étudié ou écouté induit chez le sujet des changements favorables, que ce soit en terme de productivité dans le cas de la chaîne de montage de Hawthorne, ou de santé comme dans l’effet placebo.

Il est difficile d’identifier des traits de personnalité qui correspondraient à un type de patient répondant toujours aux placebos. Cela indique sans doute que la réponse au placebo dépend de nombreux autres facteurs qu’une simple prédisposition individuelle.

Cela dit, les attentes qu’entretient un patient face à un traitement donné ont une grande influence sur l’apparition d’un effet placebo. Ces attentes sont à ce point importantes que, si un patient doute de l'efficacité d'une chirurgie qui pourrait par exemple le soulager d'un mal de dos chronique, certains médecins vont essayer d'éviter cette intervention.

Les croyances d’un patient peuvent aussi influencer l’efficacité d’un placebo particulier. Les personnes croyant en des entités surnaturelles ont ainsi mieux répondu à l’effet placebo d’essences florales lorsqu'elles leur étaient présentées en évoquant de telles entités que si on les présentait comme un simple médicament issu de l’industrie pharmaceutique. Et vice-versa pour les personnes plus rationnelles et sceptiques.

La nature et l’intensité de la maladie peuvent influencer l’effet placebo. Les maladies ayant une large part psychosomatique augmentent les chances de réponse placebo. Celles produisant une souffrance intense avec un grand désir de la voir disparaître aussi.

L’effet placebo est aussi plus efficace avec les troubles ayant une composante subjective, comme la dépression, l’anxiété ou la douleur.

 

On dispose de deux grandes stratégies lorsque l’on veut évaluer l’efficacité d’un médicament : soit éliminer l’effet spécifique en donnant un comprimé présenté comme le médicament, mais ne contenant pas l’agent actif, autrement dit administrer un placebo; ou soit éliminer l’effet non spécifique en cachant au patient l’administration de l’agent actif.

Contrairement aux tests cliniques classiques où l’effet placebo crée une amélioration observable chez le patient ayant reçu un placebo à son insu, la seconde approche, celle dite «de l’administration cachée» de l’agent actif, fonctionne un peu à l’inverse. Si par exemple un patient est sous perfusion intraveineuse, il est facile de lui administrer un antidouleur à son insu, puis de lui faire évaluer par un questionnaire le niveau subjectif de sa perception douloureuse. On fait ensuite la même chose en lui administrant «ouvertement» exactement la même dose de l’antidouleur, c’est-à-dire que le médecin va lui faire une injection avec une seringue en expliquant au patient la nature et les effets escomptés du médicament. Une auto-évaluation de la douleur moindre dans ce second cas indique alors une composante non spécifique probablement attribuable à l’effet placebo.

Ces études montrent que les effets antalgiques sont beaucoup moins efficaces avec l’administration cachée, et ce, tant pour les médicaments actifs que pour les placebos. Par exemple, si l’on dit à un sujet portant un garrot serré à son bras qu’une injection intraveineuse de sérum physiologique présenté comme un puissant antalgique calmera sa douleur, alors il éprouve un soulagement. Ce qui n’est pas le cas pour la même injection pratiquée sans qu’ils n’en soient conscients.

Une autre expérience a montré que la dose d’analgésique nécessaire pour réduire la douleur de moitié était beaucoup plus élevée avec l’administration cachée, et ce pour les quatre substances antalgiques testées. La même tendance était observée dans le décours temporel de l’effet qui venait plus tard avec l’administration cachée.

L’arrêt « ouvert » ou « caché » d’une thérapie à la morphine confirme d’ailleurs ces résultats, le retour de la douleur se faisant plus rapidement avec une douleur plus vive quand les patients se faisaient dire que le traitement allait être arrêté que lorsqu’on l’arrêtait à leur insu. Ce phénomène peut aussi rentrer dans ce que l’on appelle l’effet nocebo (voir encadré), la peur du retour de la douleur pouvant avoir ici un effet hyperalgésique.

Exactement les mêmes résultats ont été obtenus avec l’administration ouverte ou cachée de l’anxiolytique diazépam chez des patients ayant une anxiété importante à la suite d’une opération, de même qu’avec le protocole de retrait ouvert ou caché de cette thérapie.

Il est donc possible d’étudier l’effet placebo sans même avoir recours à l’administration d’une pilule placebo. Un corollaire de ceci est qu’une pilule placebo administrée à l’insu d’un patient n’aura jamais d’effet sur lui. Ceci est tout à fait compréhensible puisque le patient ne saurait alors se créer d’attentes sans une explication du traitement. Cela rappelle également l’importance de la relation entre le médecin et le patient parmi tous les facteurs qui favorisent l’effet placebo.


L’effet placebo est un cas particulier d’une capacité plus générale du cerveau : celle de pouvoir influencer en profondeur le fonctionnement du corps. C’est tout le domaine de la psycho-neuro-immunologie, une discipline qui s’est développée à partir des travaux de Robert Ader à partir du milieu des années 1970.

Celui-ci a réussi à conditionner des rats en associant la prise d’un liquide sucré à une substance immunosuppressive, de sorte que l’eau sucrée seule parvenait ensuite à diminuer les défenses immunitaires de l’animal. C’était la première évidence scientifique que le système nerveux peut influencer le système immunitaire.

Depuis, de nombreuses expériences sont venues confirmer que le cerveau et le système immunitaire, les deux systèmes adaptatifs majeurs du corps humain, communiquent constamment entre eux. Et ils le font surtout grâce à deux voies principales : l’axe hypothalamo-hypophysio-surrénalien et le système nerveux sympathique, comme l’avaient déjà pressenti des précurseurs de la discipline comme Hans Selye ou Henri Laborit.

Il est intéressant de considérer le phénomène de l’effet placebo à la lumière de l’évolution de la psycho-neuro-immunologie. Avant les années 1970, on considérait encore les effets potentiellement néfastes du stress sur la santé comme quelque chose d’un peu ésotérique. Or aujourd’hui la psycho-neuro-immunologie est un domaine de recherche très actif et plus personne dans la communauté scientifique ne conteste ces interactions entre la pensée et le corps. Plusieurs chercheurs pensent que l’effet placebo est en train d’atteindre un peu le même seuil d'acceptation générale.

Les études sur l’effet placebo mettent en effet de plus en plus en évidence des cascades de réactions biochimiques impliquant par exemple la sécrétion d’endorphines capables d’atténuer la douleur. D’autres guérisons associées à l’effet placebo pourraient venir d’un impact positif plus général des attentes favorisant l’efficacité du système immunitaire. On a d'ailleurs maintes fois confirmé, à l'opposé, qu'un stress chronique sévère entraîne une baisse des fonctions immunitaires qui ouvre alors la porte à plusieurs pathologies, incluant les maladies cardiovasculaires et la dépression. Sans compter les cellules pré-cancéreuses ou les virus constamment présents dans notre organisme qui sont éliminés de manière routinière par un système immunitaire en santé, mais qui peuvent prospérer quand celui-ci est déprimé.

Ce qui ne veut pas dire, pour caricaturer un peu, qu’on peut guérir un cancer avec un sourire. Mais peut-être peut-on en prévenir certains en évitant d’affaiblir son système immunitaire. Et l’on sait aujourd’hui que les pensées et les attentes générées par le cerveau peuvent affecter la neurochimie des mécanismes complexes qui nous maintiennent en santé.

Lien : Neural top down control of physiologyLien : PsychoneuroimmunologyHistoire : Father of PNI reflects on the field's growthChercheur : Robert AderLien : Expectations and associations that heal: Immunomodulatory placebo effects and its neurobiologyLien : Placebos and painkillers: is mind as real as matter?
Lien : Livre : La Solution intérieure. Vers une nouvelle médecine du corps et de l’espritLien : Peptides opioïdes,substances opiacées et réponse immunitaireLien : Les apports de la recherche expérimentale : le lien entre stress/détresse et pathologie organiqueChercheur : Anne HaringtonLien : Psychoneuroimmunology – Cross-talk between the immune and nervous systemsLien : Elaborate interactions between the immune and nervous systems
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