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Un cerveau, à quoi ça sert ?

Notre conscience subjective et les modèles pour l’expliquer

Les trois infinis : le grand, le petit et le complexe

La conscience humaine : son «expansion», sa «localisation»…

De l’excitabilité membranaire à la conscience subjective

Des « liens-cadeaux » pour finir l’année 2014

La conscience : partout sur le web, et partout tout court ?

La dynamique des réseaux complexes éclaire la perte de conscience associée au sommeil

Gros podcast qui finit mais laisse des traces; petit site qui persiste et signe !

La contribution du claustrum au sentiment d’être soi

Un cerveau divisé en deux, ça donne une ou deux personnes ?

Que pouvons-nous connaître ?

Podcasts sur la nature biologique de notre « esprit »

La cognition étendue : externaliser pour mieux penser

La conscience comme un sujet de recherche scientifique a longtemps été considéré comme quelque chose de mauvais goût dans les universités. Mais graduellement, dans les années 1980, puis surtout dans les années 1990 avec l'accessibilité de plus en plus grande des techniques d'imagerie cérébrale, la conscience comme champ de recherche multidisciplinaire a peu à peu été reconnue.

Et en ce début de XXIe siècle, l'étude de la conscience est un domaine en pleine ébullition, avec évidemment beaucoup de spéculation et un foisonnement de théories explicatives dont très peu franchiront probablement l'épreuve du temps dans leur forme actuelle.


Parviendra-t-on un jour à donner une explication satisfaisante de la conscience ? Certains en doutent et disent que l’origine de la conscience est si complexe qu’un cerveau humain aurait les mêmes chances de la comprendre qu’un ver de terre de comprendre un singe…

Même si ce doute persiste, nous devons tout de même tenter d’en identifier les différentes propriétés pour pouvoir mieux la définir car de nombreux enjeux cliniques et éthiques en découlent. On n’a qu’à penser aux personnes dans le coma et à la difficulté de déterminer leur niveau de conscience, et les choix parfois difficiles qui en découlent. Ou alors le degré de conscience que l’on accorde à différents animaux, ou au fœtus humain à ses différents stades de développement. Des choix éthiques bien concrets découlent de notre capacité à juger de leur état de conscience, d’où la légitimité de la recherche sur ce sujet.

Lien : Von Economo Neurons, Intuition, and PhylogenyLien : Brain cells and arrangements unique to human cerebral cortexLien : Spindle Neurons and Frontotemporal DementiaLien : DENDRITIC ARCHITECTURE OF THE VON ECONOMO NEURONS
Quelle conscience durant le coma?

QU'EST-CE QUE LA CONSCIENCE?
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Qu’est-ce que la conscience ? Une première approche pour tenter de cerner ce phénomène à la fois si familier et si mystérieux est d’essayer de le définir par la négative. Autrement dit, quand n’est-on plus conscient ? Ce peut être simplement quand on ferme les yeux : on perd alors notre expérience visuelle consciente. Ou quand on se fait arracher une dent sous anesthésie : c’est ici la conscience de la douleur qui disparaît.

La conscience, c’est aussi ce que l’on perd lorsque l’on s’endort. Mais ici, c’est déjà moins simple puisque nous avons conscience de nos rêves. Ces derniers, malgré leur manque de cohérence ou leur côté fantaisiste, sont souvent vécus comme une expérience consciente intense. Ce serait donc plutôt lorsque nous atteignons les stades de sommeil profond que nous perdons réellement conscience. Et même dans ce cas, il serait plus juste de dire que nous avons alors très peu conscience, et non aucune conscience, car une mère peut entendre son enfant pleurer même durant son sommeil profond…

Plusieurs caractéristiques de ce que nous appelons la conscience sont aussi progressivement perdues par les personnes souffrant de la "maladie d’Alzheimer". Celles-ci deviennent détachées de tout ce qui se passe autour et ne sont même plus sûres de leur propre identité. Voir quelqu’un dans le coma après un traumatisme cérébral a quelque chose d’encore plus troublant, parce qu’aucune manifestation consciente n’émane de ce corps pourtant vivant.

Si nous essayons de définir la conscience un peu plus directement, le premier problème qui se pose vient du fait qu’une expérience consciente n’est accessible qu’à la personne qui l’expérimente. Sans parler de la difficulté pour une personne d’exprimer verbalement avec clarté et fiabilité le contenu d’une expérience consciente subjective. C’est tout le problème de ce que l’on nomme les « qualia » ou encore la dimension phénoménologique de la conscience.

Un autre problème vient du fait que nous employons le mot conscience à différentes sauces. Cela constitue un obstacle de taille à son étude, bien que dans certains cas ces différences soient surtout des différences de degrés plutôt que de nature. Néanmoins, la confusion nous guette quand on parle de la conscience sans préciser à laquelle de ses nombreuses manifestations on veut faire référence. Car on peut utiliser le mot conscience pour désigner :

- le fait de ne pas être endormi ou de ne pas tomber « sans connaissance »;

- cet état qui peut être modifié par la prise de drogues ou par des troubles mentaux comme la dépression, l’anxiété généralisée, etc.;

- le fait de porter attention à un stimulus externe particulier, comme à un obstacle qui se dresse devant nous, ou à un état mental comme un souvenir, une émotion, etc.;

- la conscience de soi comme construction autobiographique (ou épisodique), qui nous donne le sentiment d’être la même personne que la veille;

- notre capacité à nous diagnostiquer des intentions et des motivations suite à une introspection de nos comportements;

- l’appréciation morale que l’on porte sur ces comportements et qui nous donne l’impression d’avoir un libre arbitre;

- cette petite voix intérieure omniprésente mais qui ne représente pourtant qu’une infime proportion de nos processus cérébraux inconscients.

Comme si ce n’était pas encore assez compliqué, on parle aussi « d’élever la conscience » de nos concitoyens, face à des enjeux politiques par exemple. C’est ce que l’on nomme généralement la conscience morale. Elle se développe durant l’enfance, mais aussi chaque fois que le focus de l’attention passe de soi-même aux autres, à l’ensemble de l’espèce, à la planète toute entière, etc.

Nos connaissances sur ces différents sens du mot conscience sont aussi très inégales. Ainsi, plusieurs structures cérébrales contrôlant la conscience dans le sens de l’éveil sont bien connues. À l’opposé, la conscience comprise comme une expérience subjective particulière vient avec d’énormes problèmes à résoudre.

"Un film, avec son flot ininterrompu d’images reliées thématiquement, son récit visuel façonné par le point de vue et les valeurs de son réalisateur, est loin d’être une mauvaise métaphore pour notre « courant de conscience » lui-même (« stream of consciousness », en anglais). [...] Le mécanisme de notre connaissance du monde en est un de type cinématographique."

- Oliver Sacks,
New York Review of Books, 2004.

 

    
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Histoire : Quand l'histoire des sciences éclaire la philosophie de l'espritQuand l'histoire des sciences éclaire la philosophie de l'esprit

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La cognition incarnée enfin devenue « mainstream » !


La petite blague qui suit, difficilement traduisible en français, résume la position d’un idéaliste sur le rapport matière/esprit :

« What is mind? No matter. What is matter? Never mind. »


Est-ce que les animaux sont conscients ? Et les ordinateurs, le sont-ils ou pourront-ils l’être un jour ? Face à ces questions, l’option dualiste ne peut que dire que les animaux inférieurs ou les machines ne peuvent être conscients que s’ils possèdent cette autre substance qui est associée pour eux à la conscience. Mais comment le savoir ?

L’option matérialiste voit les choses différemment. Pour ses tenants, il n’y a pas de substance spéciale pour l’esprit chez les êtres humains ou ailleurs. Il n’y a que des processus cérébraux, et certains d’entre eux font ressentir «ce que cela fait d’être» qui ils sont à ceux qui les possèdent.

Contrairement aux dualistes qui sont pris dans une logique binaire quant à la présence ou l’absence de leur substance autre chez tel animal ou telle machine, les matérialistes voient donc la conscience comme un continuum.

De cette façon, il est clair que les humains, les singes et les chats partagent une certaine forme de conscience. Mais les roches, les graines et les bactéries n’ont probablement pas de conscience. Entre les deux cependant, il peut exister tout un spectre où la conscience existe à différents degrés.

LES APPROCHES PHILOSOPHIQUES DE LA CONSCIENCE
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Ce n’est pas d’hier que le caractère subjectif de la conscience humaine intrigue et fascine. Bien avant qu’on parle de « problème difficile » de la conscience, nombre de philosophes avaient tenté d’expliquer comment la conscience subjective s’insère dans le monde objectif. D’où les multiples traditions philosophiques avec chacune leur conception du rapport entre le corps et l’esprit, conceptions qui découlent évidemment d'une vision plus large du monde que mettent de l'avant ces philosophies.

Comme il serait trop long de raconter ici l’histoire de chacune de ces traditions philosophiques, nous nous contenterons d’en résumer quatre qui ont eu de tout temps leurs défenseurs : l’idéalisme, le dualisme, le matérialisme et le mystérisme.

L’option idéaliste pose qu’il n’y a rien d’autre dans le monde que des expériences conscientes. Le monde matériel est donc considéré comme une simple illusion de notre conscience.

George Berkeley (1685-1753)

Dans sa forme radicale proposée par George Berkeley au XVIIIe siècle, l’idéalisme règle du coup le difficile problème de l’interaction matière/esprit puisque tout est esprit et qu’il n’y a plus de matière. Mais cela constitue un tel affront au sens commun que déjà plusieurs de ses contemporains rejetaient cette position. Une position qui va à l’encontre du réalisme à la base de toute la méthode scientifique mais qui est toutefois difficile à disqualifier complètement : toute preuve concrète du monde physique peut toujours être transformé en une impression de ce monde. De plus, ses avantages philosophiques sont séduisants et ont influencé toute une tradition de penseurs (Hegel, Schopenhauer, Husserl, Bergson, etc).

Ceux qui ne veulent rejeter ni l’existence du monde matériel, ni l’existence de l’esprit se réclament de la tradition dualiste. Pour eux, il existe tout simplement deux mondes, celui de la matière et celui de l’esprit. Les dualistes doivent alors expliquer comment une vie de l’esprit est possible dans un corps de chair. Se pose alors la question, très difficile pour le dualisme, de l’interaction possible entre ces deux réalités.

René Descartes pensait que les échanges entre le corps matériel et l’âme immatérielle se faisaient par la glande pinéale. Descartes avait en effet noté que cette structure semblait la seule à n’être pas bilatérale dans le cerveau, mais bien centrale et unique. Connaissant aujourd’hui l’importance de la glande pinéale pour l’horloge biologique humaine, cela peut sembler quelque peu farfelu, mais à l’époque de Descartes c’était une solution honnête à une question cruciale qui demeure le talon d'Achille des options dualistes.

La position matérialiste, déjà défendue dans l’Antiquité par Démocrite, Épicure ou Lucrèce, affirme qu’il n’y a rien d’autre dans le monde que de la matière. À l’instar de l’idéalisme, il s’agit donc d’un monisme (position qui n’admet l’existence que d’une seule substance), mais la substance unique est ici la matière. Par conséquent, la conscience subjective n’est que le produit des interactions neuronales de notre cerveau. Pour les tenants de sa version la plus radicale, quand nous aurons décrit le fonctionnement de tous les processus cérébraux à l’origine des différentes composantes de la conscience, nous aurons dit tout ce qu’il y a à dire sur celle-ci.

Démocrite (vers 460-370 av. J.-C.)

L’option mystérienne plaide pour sa part qu’il n’y a probablement pas de solution à ce problème et que la conscience restera pour nous toujours un mystère.

Pour les tenants de cette position, le vertige que l’on ressent face au problème difficile de la conscience pourrait être dû aux capacités cognitives restreintes de notre cerveau. Nous serions ainsi incapables de nous représenter comment l’activité neurale peut produire un sentiment subjectif pour les mêmes raisons qu’il nous est impossible de retenir 100 chiffres dans notre mémoire de travail ou de visualiser un espace à 7 dimensions : à cause des limites cognitives de notre outil de pensée.

Les critiques formulées à l’endroit de chacune de ces options ont amené leurs défenseurs à raffiner chacune d’elles, ce qui a donné lieu à de nombreuses variantes, en particulier pour le dualisme et le matérialisme.


    
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Chercheur : Wilhelm Wundt
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Modèles et concepts en neuroscience

Recherche spécialisée versus démarche multidisciplinaire

La nécessaire multidisciplinarité pour comprendre le cerveau

« La cognition incarnée », séance 1 : Survol historique des sciences cognitives et présentation du cours

Bien qu’il soit désigné comme un structuraliste, c’est-à-dire quelqu’un qui mettait l’accent sur la structure des associations entre les phénomènes mentaux, Edward B. Titchener reconnaissait aussi un aspect fonctionnel à la psychologie, approche qui avait été privilégiée entre autre par William James.

Lien : Edward Bradford TitchenerLien : William James

Les psychologues behavioristes reçurent l’appui de certains philosophes. Gilbert Ryle (1900-1976), par exemple, s’opposait à la notion de subjectivité individuelle qu’il associait à un «fantôme dans la machine» pour montrer son incohérence. Tout au plus pouvait-il y avoir pour lui des attributs mentaux à nos comportements, autrement dit de simples dispositions à agir d’une manière plutôt qu’une autre.

Un autre philosophe associé à cette école dite du «behaviorisme logique» fut Ludwig Wittgenstein (1889-1951). Celui-ci affirmait qu’une vérification publique des états mentaux est essentielle pour le langage humain fonctionne. Un langage dont les affirmations ne pourraient être vérifiées que par une seule personne n’aurait pas de sens. Par conséquent, pour lui, nos affirmations sur nos états mentaux subjectifs ne veulent donc rien dire parce qu’elles ne sont vérifiées que par nous-mêmes.

D’où sa célèbre analogie de la subjectivité personnelle avec une boîte propre à chacun et à l’intérieur de laquelle personne d’autre que nous ne pourrait voir. Tout le monde pourrait se mettre à parler, par exemple, d’un coléoptère qui se trouve dans sa boîte et chacun pourrait très bien parler de choses complètement différentes, ou de rien du tout. Bref, pour Wittgenstein, pour que nos contenus mentaux aient une quelconque valeur objective, il fallait qu’ils soient connectés aux comportements qui les rendent directement observables.



L'APPORT DES SCIENCES COGNITIVES
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Vers le milieu du XXe siècle, on vit plusieurs figures marquantes de disciplines comme la psychologie, l’informatique, la linguistique, l’anthropologie, les mathématiques et la neurobiologie se réunir lors de colloques pour tenter de mettre en commun leurs connaissances. Leur but ? Accoucher d’une nouvelle science interdisciplinaire capable de comprendre l’esprit humain dans ses multiples facettes. Vaste programme…

Ce qu’on a appelé les « sciences cognitives », dans la foulée de ces rencontres, vise donc à mettre en commun les données de nombreuses disciplines afin de mieux comprendre des phénomènes aussi divers que la perception, le langage, le raisonnement ou la conscience.

Avant de présenter les grands courants au sein des sciences cognitives, il est bon de revenir un peu en arrière pour rappeler le contexte de leur émergence. La question du fonctionnement de l’esprit humain et de son rapport avec le cerveau et le corps ne date pas d’hier, et de nombreuses approches philosophiques ont été proposées au fil des siècles.

De sorte qu’au XIXe siècle et au début du XXe, il existait une tradition de recherche en psychologie appelée structuralisme. Représentés par des chercheurs comme Wilhelm Wundt et Edward B.Titchener, les structuralistes utilisaient l'introspection pour tenter de décrire les composantes élémentaires de l'esprit humain. Une perception sensorielle reposait par exemple pour eux sur la structure des associations entre de nombreuses sensations (d'où le nom de “structuralisme”).

En décrivant les combinaisons possibles de ces éléments, les structuralistes pensaient pouvoir en déduire des lois aussi générales et puissantes que celle du monde matériel. Outre le dualisme implicite de cette approche, celle-ci fut critiquée pour la difficulté de vérifier expérimentalement l’introspection qui était à la base du structuralisme.

Ainsi naquit un mouvement radicalement opposé au structuralisme : le behaviorisme. Pour ses pionniers comme John B. Watson et B. F. Skinner, on ne pouvait bâtir une approche scientifique de la psychologie sur des états subjectifs de nature essentiellement privée. Au contraire, cette nouvelle psychologie devait être basée uniquement sur l’étude expérimentale du comportement (d’où le nom qui vient de « behavior », comportement en anglais), et non plus sur les jugements individuels relatifs à nos sentiments et nos états d’âme.

Pour faire de la psychologie une véritable science, seuls seront donc étudiés les phénomènes observables, c’est-à-dire les stimuli qui s’exercent sur l’organisme et les réponses que donne cet organisme. Le cerveau est par conséquent considéré comme une "boîte noire" dans le sens où ce qui s’y passe est, par nature, inobservable.

Les processus mentaux non observables étant exclus du champ de la psychologie scientifique, des notions comme la conscience et les concepts qui s’y rattachent perdent alors tout intérêt.

Ce courant comportementaliste fit néanmoins beaucoup de découvertes, en particulier sur le conditionnement opérant des comportements, en expérimentant avec des rats et des pigeons. Inutile de dire qu’il s’agissait d’une école extrêmement centrée sur l’influence de l’environnement sur nos processus mentaux. Watson allait même jusqu’à dire que la structure de notre esprit est entièrement façonnée par les récompenses et les punitions de notre environnement, et par aucune influence génétique.

Pour caricaturer cette position behavioriste radicale, ses détracteurs faisaient remarquer qu’un behavioriste qui en rencontre un autre n’aurait pas d'autres choix que de lui dire : « Vous allez bien aujourd’hui ! Et moi, comment vais-je ?»…

Pendant ce temps-là, vers le milieu du XXe siècle, la série de conférences tenues à New York dont on parlait plus haut déclencha la création d’un courant de pensée qui allait recevoir le nom de cybernétique (voir capsule outil à gauche).

La cybernétique s’intéressait à la façon dont circule l’information tant chez les êtres vivants que dans les systèmes complexes artificiels conçus par l’être humain. Par conséquent, on ne s’étonnera pas que l’informatique, qui en était alors à ses balbutiements, s’en soit beaucoup inspirée. À la même époque se développait aussi la linguistique en tant que véritable domaine scientifique consacré à l’une de nos capacités mentales les plus sophistiquées, le langage.

Les écrits de certains linguistes comme Noam Chomsky contre le behaviorisme ont mis en évidence les lacunes de cette approche dans l’étude d’un phénomène complexe comme le langage humain. Ces attaques ont été dans les années 1960 pour le behaviorisme ce que les écrits de Watson avaient été pour le structuralisme au début du siècle : un dur coup.

L’esprit humain était de moins en moins considéré comme une boîte noire et toutes ces nouvelles disciplines (cybernétique, informatique, linguistique, etc) commencèrent de fructueuses interactions que certains nommèrent la « révolution cognitive ».


    
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Lien : NeurevolutionLien : Daniel Andler (ENS),  Les neurosciences cognitives sont-elles réductrices?
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Expérience : protocole de cartographie fonctionnelle du cerveau avec IRMf et TEP Protocole de cartographie fonctionnelle du cerveau avec IRMf et TEP

La discussion (informelle) des modèles en (neuro)science

Le philosophe Daniel Dennett compare le modèle classique de la conscience à une scène de théâtre. Ce qui est conscient serait alors la partie de cette scène qui se retrouve pour ainsi dire sous le feu des projecteurs. Ce modèle implique donc la présence d’un spectateur qui puisse être en mesure d’apprécier quelle partie de la scène est éclairée, autrement dit sur quoi porte la conscience à un instant donné.

Le recours à un tel homoncule (ou « petit homme ») pour rendre possible la conscience nous entraîne tout droit dans ce que l’on appelle une régression à l’infini, soutiennent des philosophes comme Dennett. Car qui va permettre à notre spectateur de prendre conscience de la partie de la scène éclairée, sinon un autre spectateur qui serait situé dans sa tête à lui, et ainsi de suite jusqu’à l’infini ?

Or aucun centre de contrôle se rapprochant de cet homoncule n’est connu dans le cerveau et les neurosciences pointent plutôt vers d'innombrables assemblées de neurones inter-reliées dont l’activité de la plupart demeure inconscient. En ce sens, les théories de la consciences issues des neurosciences risquent fort d’être aussi différentes du modèle classique que la théorie de la relativité l’a été pour la physique newtonienne…

Lien : Infinite regressLien : Recours à des homoncules (Homunculus)

Une part importante de la démarche scientifique consiste à essayer d’invalider une hypothèse de départ en concevant des expériences appropriées. Dans le cas du modèle du théâtre cartésien de la conscience, on cherchera par exemple à démontrer que la conscience n’est pas un événement tout ou rien mais peut prendre des formes intermédiaires, donc être une variable. Comment ? En essayant, dans un premier temps, de trouver au moins un autre état possible puisque le propre d’une variable est de pouvoir… varier ! D’où les nombreuses expériences en neurosciences visant à mettre en évidence des processus mentaux inconscients ou partiellement conscients.

Appliqué à d’autres disciplines, la découverte de la gravité presque nulle dans l’espace comparée à la gravité terrestre en serait un exemple. C’est d’ailleurs en imaginant différentes grandeurs et différentes directions à la gravité que Newton a pu solutionner le vieux problème du mouvement des astres.

Découvrir des conditions de comparaison a même été la clé permettant l’émergence de disciplines entière comme la biologie (les espèces ne sont pas fixes mais varient sur des temps géologiques), les sciences de la Terre (la position des continents n’est pas stable mais à la dérive), etc. Et toutes ces percées se sont heurtées, comme pour l’étude de la conscience, à de fortes résistances à leur époque.

LES FAILLES DU MODÈLE CLASSIQUE DE LA CONSCIENCE
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Malgré les nombreux sens que l’on donne au mot conscience dans le langage courant, nous avons souvent une image qui nous vient à l’esprit lorsqu’on entend ce mot : celle d’un petit « moi » confortablement assis dans notre tête et qui regarde ce qui se passe dans le monde comme un spectateur regarde un film. De temps en temps, ce spectateur peut commenter ce film avec la « petite voix intérieure » que nous connaissons bien ou alors décider librement d’un comportement inspiré par ce film.

 

Dans cette conception populaire, la conscience est vue comme un contenant d’idées et d’images, avec une fenêtre sur le monde pour la perception d’un côté et une porte pour l’action de l’autre. Qualifié par certains de « réaliste naïf », ce modèle est celui du sens commun, celui que nous avons souvent par défaut.

 

Illustration du modèle classique de la conscience.

 

Le philosophe Daniel Dennett, un farouche opposant à ce modèle (voir l’encadré), l’a surnommé le « théâtre cartésien » parce que les idées y sont examinées « à la lumière de la raison » qui les éclaire comme un projecteur éclaire une scène de théâtre ou l’écran d’une salle de cinéma.

 

La régression à l’infinie engendrée par le recours à un homoncule dans le modèle du théâtre cartésien de la conscience (voir l’encadré). D’après Jennifer Garcia.
Le théâtre cartésien, dont on retrouve les origines non seulement chez Descartes mais aussi chez Platon, est l’une des métaphores les plus intuitives et les plus tenaces de la conscience humaine. Pas étonnant puisqu’elle s’accorde à merveille avec plusieurs autres conceptions sur la pensée. Ne dit-on pas que l’on a quelque chose «dans la tête» ou encore simplement «je vois» (…sur la scène du théâtre) quand on comprend une idée ?

 

Une recension des caractéristiques de cette conception de la conscience donnerait quelque chose comme la liste suivante :

  • la perception est une fenêtre transparente sur le monde;

  • les actions ont comme causes les intentions générées librement par la conscience;

  • ces intentions se forment dans la conscience sur la base de prémisses consciemment accessibles;

  • cela implique qu’il existe un lieu dans le cerveau où les informations sont collectées pour être rendues conscientes, un lieu où la conscience jaillit de façon tout ou rien;

  • les mécanismes de la perception et de l’action sont complètement transparents et accessibles à l’examen de la conscience sur demande;

  • la cognition inconsciente n’est pas reconnue dans ce modèle.

 

Mais à mesure que les données des neurosciences s’accumulaient, ce modèle était de plus en plus critiqué. En particulier à cause du peu de place qu’il accorde à toutes les activités que nous pouvons effectuer inconsciemment. À tel point que les publications d’aujourd’hui sur la «conscience» sont en fait remplies d’expériences démontrant la présence de processus inconscients dans notre cerveau. Mais pourquoi une telle insistance sur la recherche de processus inconscients ?

 

Dans l’histoire des sciences, de nombreuses percées importantes sont venues du fait qu’une entité qu’on assumait comme une constante (par exemple la gravité ou la pression atmosphérique) s’est finalement avérée être une variable (voir l’encadré).

 

Or le modèle du théâtre cartésien nous présente la conscience comme une manifestation « tout ou rien », unitaire et indivisible, bref comme une constante. Mais l’est-elle vraiment ?

 

Devant ce modèle de la conscience, comme devant n’importe quel autre modèle, la démarche scientifique consiste à essayer de l’invalider, de voir si par exemple on ne pourrait pas le prendre en défaut sur certains points, sur la présence de processus inconscients par exemple, ou encore sur un caractère graduel de la conscience.

 

Voilà donc pourquoi tant de neurobiologistes cherchent (et réussissent) à mettre en évidence des processus mentaux inconscients tant dans la perception, la pensée ou l’action. Comme le modèle classique de la conscience ne laisse aucune place aux processus inconscients, chaque démonstration de leur existence équivaut à une faille dans le modèle. Et ces failles sont si nombreuses que le modèle n’est pas loin de s’écrouler…

    
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Notre conscience subjective et les modèles pour l’expliquer

Podcasts sur la nature biologique de notre « esprit »


« L'Homme n';a désormais plus rien à faire de l'Esprit;, il lui suffit d'être un Homme neuronal. »

- Jean-Pierre Changeux, L’Homme neuronal (1983).

« Et à ceux qui seraient portés à objecter que l’observation d’un cerveau ne nous montrera jamais la conscience, l’intelligence ou l’amour, Jean-Pierre Changeux fait sienne cette boutade: quand on ouvre un réveil, c’est la même chose, on ne voit pas l’heure qu’il est… »

- Daniel Baril, Forum (18 novembre 2002).

Lien : Jean-Pierre Changeux dissèque «l’homme neuronal» aux Belles Soirées


L’idée centrale du matérialisme éliminativiste est la possibilité d’éliminer des théories anciennes par de nouvelles plus pertinentes pour rendre compte des progrès des sciences.

L’histoire des sciences est d’ailleurs remplie de ces problèmes jugés d’abord insolubles et pour lesquels on a par la suite trouvé une meilleure explication. La chaleur est par exemple l’un de ces phénomènes dont on a longtemps pensé qu’il ne serait jamais expliqué. Jusqu’à ce que l’on comprenne ce qu’étaient les molécules et comment des molécules qui s’agitent plus rapidement causent des températures plus élevées.

Même chose pour les chromosomes au début du XXe siècle. On ne pouvait alors imaginer comment ces grosses molécules, qui en plus avaient l’air toutes semblables, pouvaient être porteuses des plans de l’organisme dans toute sa complexité. Il a fallut attendre le début des années 1950, avec la découverte de la structure de l’ADN par James Watson et Francis Crick, pour comprendre le code génétique et éclaircir ce qui avait été vu à peine 50 ans plus tôt comme un mystère.

De la même façon, pour le matérialisme éliminativiste, la clarté des modèles neurobiologiques viendra des détails qui seront progressivement compris, tout comme la clarté des mécanismes de la vie elle-même est venue des détails de la mécanique moléculaire de la réplication de l’ADN, de la transcription de celui-ci, de sa traduction en protéine, etc.

D’ailleurs, pour continuer l’analogie souvent employée entre l’explication de la vie et celle de la conscience, si la vie correspond à de la chimie, la conscience se ramène à une forme d’activité neuronale dans le cerveau. Nos objets mentaux seraient ainsi des objets neuronaux. Inutile de dire que le matérialisme éliminativiste s’oppose au fonctionnalisme pour qui la connaissance de notre cerveau est inutile pour comprendre la cognition humaine.

Histoire : Quand l'histoire des sciences éclaire la philosophie de l'esprit

Ce sont les techniques d'imagerie cérébrale, développées dans les années 1970 et 1980, et largement accessibles depuis les années 1990, qui ont permis de véritablement faire entrer les neurosciences dans les sciences cognitives, en permettant de visualiser des variations de l’activité cérébrale lorsque le cerveau exécute une tâche.

Les chercheurs en neurosciences cognitives (voir l'encadré à droite) ont entrepris de dresser des ponts entre des états mentaux (perçus, ressentis, et donc subjectifs) et des états neuraux (donc des états physiques du cerveau, observables et mesurables).

Ces programmes de recherche tentent ainsi d’identifier ce que l’on appelle les « corrélats neuronaux de la conscience », c’est-à-dire des processus qui surviennent dans les circuits du cerveau lors d’une expérience consciente particulière. Les neurosciences cognitives opèrent donc clairement selon une vision du monde matérialiste et font pour cette raison l'objet de critiques de la part d’autres courants philosophiques.

Mais le fait est que les neurosciences sont maintenant au centre des sciences cognitives, elles qui n’en étaient, il y a quelques décennies à peine, qu’une branche quelconque soumise aux grandes orientations de recherche imposées alors par l’intelligence artificielle.

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Le nombre de livres publiés, le nombre de colloques ou de numéros spéciaux de revues consacrés aux relations entre cerveau et conscience est devenu simplement confondant. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. Émettre une hypothèse sur les mécanismes de la conscience était encore jugé comme prématuré par la communauté scientifique dans les années 1980.

 

L’engouement qui s’est développé rapidement par la suite dans les années 1990 vient, pour une grande part, des recherches en neurosciences et de l’accessibilité d’appareils d’imagerie cérébrale de plus en plus performants (voir capsule outil à gauche).

Les mentalités ont donc beaucoup changé en ce qui concerne l’étude des bases neurobiologiques de la conscience. Comme le résumait John Searle à propos de l’utilité d’une revue comme le Journal of Consciousness Studies : « On ne sait pas comment ça marche et on a besoin d’essayer toutes sortes d’idées. »

Ce brassage d’idées a donné lieu à beaucoup de théories neurobiologiques de la conscience qui ont souvent des concepts clés en commun. C’est un peu ce qu’essaie d’illustrer la figure ci-dessous en présentant quelques auteurs importants de ces théories au centre et quelques concepts communs souvent utilisés à quelques nuances près par des théories voisines.

 

Plusieurs voient dans cette convergence conceptuelle un signe annonciateur de l’avènement d’une théorie « mature » de la conscience. Chose certaine, ces concepts issus des neurosciences permettent d’aller au-delà du modèle classique de la conscience et d’éviter ses pièges et ses lacunes. Cela dit, l’essence subjective de « ce que cela fait » d’être conscient demeure un aspect très difficile à aborder scientifiquement.

Certains scientifiques accordent à cet aspect subjectif de la conscience une importance réelle mais ajoutent que de meilleures méthodes pour interpréter ces données subjectives seront nécessaires pour poursuivre efficacement l’investigation de la conscience.

D’autres tentent de minimiser l’importance de la nature subjective de notre conscience. Francis Crick pense par exemple que ce n’est que lorsque nous arriverons à comprendre les mécanismes neurobiologiques de la conscience que nous serons en mesure de comprendre les qualia auxquelles il ne faut donc pas pour l’instant accorder trop d’importance. Il s’agit là d’une stratégie courante en science qui consiste à se concentrer sur ce qui est davantage accessible à l’expérimentation en espérant que ce qui l’est moins se clarifiera par la suite à la lumière des résultats expérimentaux obtenus.

Un des précurseurs de cette approche pour étudier de la conscience est le neurobiologiste français Jean-Pierre Changeux qui a défendu une théorie neuronale de la pensée dans son livre L'Homme neuronal paru en 1983.

Changeux posait clairement alors une relation causale entre structure du cerveau et fonction de la pensée. Il en découle que la conscience est issue d'interactions entre neurones où l'influx nerveux emprunte un chemin qui serait idéalement objectivable. Un chemin qui, il faut le rappeler, n’est pas fixe mais s’auto-modifie avec l’usage, modifiant ainsi constamment nos représentations du monde.

La similitude observée entre certains concepts des principales théories neurobiologiques de la conscience se reflète donc également dans l’identification de circuits neuronaux et de structures cérébrales jouant un rôle clé dans la pensée consciente. Il est évident que toutes les parties du cerveau ne participent pas à part égale aux processus conscients. Il existe de nombreux processus inconscients qui se déroulent par exemple sous le cortex et qui n’ont pas leur contrepartie consciente.

Par conséquent, il est important de noter que les neurosciences cognitives ne cherchent pas à analyser le fonctionnement isolé de ces structures mais cherchent au contraire à comprendre le fonctionnement ordonné du cerveau dans son ensemble, au niveau le plus intégré possible, c'est-à-dire au niveau où canaux ioniques, récepteurs, synapses, neurones et réseaux neuronaux entrent en jeu de manière collective et simultanée.

Devant l’impatience de philosophes qui considèrent comme encore confus les modèles de la conscience proposés par les neurobiologistes, ces derniers admettent sans problème qu’ils en sont seulement au premier round d’un long combat pour percer les mystères de la conscience.

Et ils rappellent qu’en science, on doit d’abord chercher des corrélations entre des observations avant de commencer à inférer des mécanismes causaux (voir encadré). Dans cette perspective de travail à long terme, plusieurs critiques adressées à la recherche de ce que l’on appelle les « corrélats neuronaux de la conscience » perdent de leur pertinence.

Un neurobiologiste comme Christof Koch met en pratique cette approche du petit à petit. En faisant des expériences sur les formes les plus élémentaires d’attention, il espère que leur compréhension éventuelle amènera une simplification des problèmes qui nous apparaissent aujourd’hui comme irrésolubles.

Comme plusieurs neurobiologistes, Kock admet la possibilité que de nouvelles lois du monde physique encore méconnues puissent être nécessaires pour expliquer la conscience. Ou même que celle-ci reste à tout jamais un mystère. Mais ce sera aux scientifiques du futur de porter ce jugement qui, pour lui, ne pourra être fait qu’une fois la démarche empirique épuisée, si une telle chose est possible…

Et il n’y a pas que des neurobiologistes pour s’opposer à la vision d’un David Chalmers qui fait de la conscience un problème difficile au point qu’il devient hors de portée des neurosciences. Des philosophes, dont les plus représentatifs sont sans doute Paul et Patricia Churchland, trouvent également contre productive cette façon de voir la conscience humaine comme un cas distinct de tous les autres problèmes que pose la compréhension de l’esprit humain.

Pour eux, et pour d’autres philosophes et chercheurs qu’on désigne sous l’expression de « matérialistes éliminativistes », toutes les questions sur la conscience pourront se ramener à ce que Chalmers appelle les problèmes «faciles» et éventuellement être résolus. En clair, les concepts de la psychologie populaire que nous utilisons pour expliquer nos états mentaux (intention, croyance, désir, etc.) ne seraient que des approximations destinées à être remplacées par des modèles neurobiologiques encore à développer.

Et le fait qu’il est présentement très difficile d’imaginer une solution au problème de la conscience ne nous dit strictement rien sur la possibilité ou non d’expliquer ce phénomène, affirme Patricia Churchland. Pour elle, il est trop facile de conclure qu’un phénomène comme la conscience est inexplicable sur le seul fait que la psychologie humaine actuelle est incapable de l’appréhender.



Pour plusieurs, une seconde « révolution cognitive » est en cours depuis la dernière décennie du XXe siècle, celle des neurosciences cognitives.

Pour bien comprendre ce qu’on entend par neurosciences cognitives, il faut se rappeler que, jusqu’à la fin des années 1960, les différents domaines de recherche sur cerveau étaient encore très cloisonnés. Les chercheurs étaient spécialisés en neuro-anatomie, neuro-histologie, neuro-embryologie, neurochimie, etc. Mais personne ne travaillait encore avec l’éventail complet des techniques disponibles, ce qui s’avéra éventuellement nécessaire étant donné la complexité de l’objet d’étude.

D’où l’invention du terme « neurosciences », introduit aux États-Unis à la fin des années 1960, pour désigner cette volonté d’aborder le « continent cerveau » avec une approche multidisciplinaire. Les neurosciences englobent donc aujourd’hui des disciplines comme la neurophysiologie (le fonctionnement des neurones), la neuroanatomie (la structure anatomique du système nerveux ), la neurologie (les conséquences cliniques des pathologies du système nerveux), la neuropsychologie (conséquences cliniques des pathologies du système nerveux sur la cognition et les émotions) ou la neuroendocrinologie (les liens entre le système nerveux et le système hormonal) et les centres de recherche ont tendance à en regrouper plusieurs sous le même toit pour favoriser les échanges et les publications conjointes.

Quant aux neurosciences cognitives, il s’agit simplement des neurosciences qui s’intéressent plus particulièrement aux fonctions cognitives supérieures (comme le langage ou la conscience).

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