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Le sentiment d'être soi |
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Rythmes
cérébraux : osciller pour mieux lier
Le
coming out de la synapse électrique
La
conscience : partout sur le web, et partout tout court ?
De
limportance des oscillations cérébrales lentes
durant le sommeil profond
Reconsidérer
les fondements des sciences cognitives
La
cognition incarnée : 14 cours à lUQAM et sur
ce blogue cet automne
«
La cognition incarnée », séance 5 : Activité
endogène, oscillation et synchronisation de lactivité
dynamique du cerveau
Le
cerveau dynamique : lapport de la physique du chaos
Neurobiologie
de la mort : on a réussi à enregistrer la vague de
dépolarisation finale
Plusieurs facteurs pointent vers
un rôle fonctionnel de la synchronisation neuronale. La
rapidité de nos systèmes de perception qui fonctionnent en temps
réel et exigent un mécanisme de liaison capable d’opérer
très rapidement plaide en faveur d’une intégration temporelle
comme la synchronisation de l’activité électrique des neurones.
Un autre argument en faveur de la synchronisation découle du phénomène
bien connu qui veut que deux neurones qui en stimulent un troisième vont
avoir un effet plus grand sur celui-ci si
leurs potentiels d’action l’atteignent en même temps.
Par conséquent, des neurones faisant feu en synchronie auront tendance
à avoir une «visibilité» et une force associative plus
grande. Enfin, les neurones de nombreuses aires cérébrales
ont déjà une activité oscillatoire spontanée. Coordonner
cette activité pour faire en sorte qu’elle devienne en phase (les
pics d’activité synchronisés entre eux) serait un moyen efficace
et peu coûteux pour générer une synchronisation sur de grandes
distances dans le cortex. | 
Christof
Koch, un réductionniste romantique
Samir Zeki et ses collègues
ont démontré que les différents attributs d’une scène
visuelle, pourtant présentés simultanément, ne sont pas
perçus exactement en même temps. La couleur est perçue
avant l’orientation des lignes, qui elle-même est perçue avant
le mouvement, la différence entre la couleur et le mouvement étant
de l’ordre de 60 à 80 millisecondes. Les
expériences de Zeki sur la perception visuelle des différentes propriétés
d’un objet l’ont amené à suggérer que la conscience
d’un individu serait en fait constituée de plusieurs micro-consciences
correspondant aux différents niveaux de traitement dans le cerveau. L’information
resterait inconsciente jusqu’à ce qu’elle atteigne un «
noeud » dans le système qui la rendrait alors consciente. Notre
conscience serait alors constituée d’une multitude de micro-consciences
éventuellement intégrée dans une «super-conscience»
plus globale grâce au langage. Cette conception des multiples consciences
permettrait, selon ses promoteurs, de concevoir la conscience comme quelque chose
de réellement décentralisé, sans aucun centre
cérébral d’où jaillirait la conscience.
D’autres ont objecté que l’idée même qu’il
y ait dans chacun des sous-systèmes une ligne d’arrivée où
le stimulus devient soudainement conscient nous ramène directement à
cette idée du théâtre cartésien mise à mal par
des philosophes comme Daniel
Dennett. |
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LES ASSEMBLÉES DE NEURONES ET LA SYNCHRONISATION
D'ACTIVITÉ | | Le
problème de liaison pose la question de savoir comment on peut avoir
une perception consciente cohérente et unifiée d’un objet
sachant que ses différents attributs sont traités dans des régions
distinctes du cerveau ? Une première solution serait de dire que tous ces
différents signaux vont converger vers un groupe ou même une cellule
unique qui représenterait cette perception consciente. Car
il faut bien reconnaître qu’on observe dans le cerveau, malgré
la prépondérance des circuits en parallèle, une certaine
forme de convergence à mesure que l’on s’éloigne des
aires corticales primaires pour aller vers les aires dites « associatives
» du cortex. Plusieurs de ces aires ont été identifiées
dans le cortex frontal, temporal antérieur ou pariétal
inférieur. Mais on s’entend pour dire qu’il ne s’agit
pas de lieux où des représentations seraient emmagasinées,
tout au plus y aurait-il certains « codes » capable de reconstruire
les fragments d’activations distribuées ailleurs dans les aires sensori-motrices
du cortex. De même, il est vrai
que l’on retrouve certains neurones situés au sommet de la hiérarchie
du cortex visuel qui répondent spécifiquement aux visages et même
aux visages vus selon un certain angle. Ces neurones nous aident certainement
à reconnaître les visages puisque lorsqu’un accident cérébro-vasculaire
les détruit, l’individu souffre de prosopagnosie,
c’est-à-dire qu’il devient incapable de reconnaître les
visages, même de ses proches. Mais
l’unification de nos perceptions par la convergence, outre quelques cas
particuliers comme la reconnaissance des visages qui a eu de tout temps une immense
importance adaptative, s’avère une voie trop fragile, coûteuse
et en bout de ligne inefficace qui ne semble pas avoir été retenue
par l’évolution (voir la capsule outil ci-contre). Alors
s’il n’y a pas un seul lieu où toute l’information relative
à un objet converge pour devenir consciente, peut-être y aurait-il
un seul temps ? C’est l’autre grande voie, qui semble plus prometteuse
pour solutionner le problème de liaison, celle qui pose, grosso modo, que
des neurones qui sont actifs en même temps «perçoivent la même
chose». En termes plus précis, c’est tout le domaine de la
synchronisation temporelle de l’activité neuronale.

(d’après
Francis Crick, 1994) | Christof
von der Malsburg fut l’un des pionniers, au début des années
1980, à explorer l’hypothèse qu’une activité
synchronisée des neurones traitant différentes propriétés
d’un objet pourrait être la clé du problème de liaison.
Andreas Engel et Wolf Singer ont par
la suite confirmé le bien-fondé de cette hypothèse. Plusieurs
de leurs expériences semblent en effet indiquer que les objets représentés
dans le cortex visuel le sont effectivement par des assemblées de neurones
faisant feu simultanément. | Pour
reprendre l'exemple d'une
valise verte posée à côté du chapeau bleu, chacun
des deux objets sera représenté par une vaste assemblée de
neurones dans le cerveau. Chaque assemblée comprendra des neurones capables
de détecter différents attributs de chaque objet, comme la couleur,
le mouvement ou l’orientation de ses lignes et contours, etc. Et c’est
par la synchronisation de ces différents neurones codant pour ces différents
attributs que serait obtenue l’image cohérente et unifiée
de la valise. Quant aux neurones codant les différents
attributs du chapeau (N4, N5, et N6 dans la figure ci-dessous), ils feront également
feu en synchronie pour fournir une image unifiée du chapeau mais, comme
l'illustre la ligne pointillée, le feront de manière décalée
dans le temps par rapport à l'assemblée de neurones codant pour
la valise (N1, N2, et N3). Et c’est ainsi que nous pourrions percevoir consciemment
deux objets distincts qui se détachent d’un fond lui aussi distinct
(qui serait représenté par une troisième assemblée
de neurones), et non un amalgame de lignes et de couleurs indifférencié. 
Francis
Crick
et Christof Koch allaient pousser encore un cran plus loin
l’idée de la synchronisation temporelle en proposant que cette activité
synchronisée, lorsqu’elle se fait entre 35 et 75 hertz (Hz), pourrait
être le corrélat neuronal de la perception visuelle consciente. Dans
les années 1980, l’étude du cortex visuel du chat avait en
effet révélé qu’un grand nombre de neurones pouvaient
faire feu en même temps avec un rythme allant de 35 à 75 Hz environ,
rythme que l’on désigne généralement par l’expression
« oscillations gamma » ou simplement « oscillations à
40 Hz ». De nombreuses études subséquentes
tant chez l’animal que chez l’être humain ont démontré
que cette fréquence élevée d’oscillation de l’activité
neuronale est reliée de près à l’intégration
perceptuelle, à la construction de représentations cohérentes
et à des processus d’attention
sélective. Crick et Koch ont donc développé une théorie
où la clé de la perception consciente se trouve non seulement dans
la synchronisation de l’activité neuronale mais dans la synchronisation
d’activité neuronale oscillant à des fréquences avoisinant
les 35 à 75 Hz. En résumé, selon
cette hypothèse : - si deux neurones oscillent
de manière synchrone dans le spectre gamma (autour de 40 Hz), alors ces
deux neurones contribuent à une même représentation consciente;
- si deux neurones oscillent de manière synchrone
en dehors du spectre gamma, alors ils contribuent à une même représentation
qui n’est pas consciente (par exemple, un objet du champ visuel auquel on
ne porte pas attention);
- si deux neurones sont
actifs mais ne montrent pas de cycles oscillatoires ou oscillent mais ne sont
pas synchronisés, alors ils représentent des attributs qui ne sont
pas liés ou qui sont liés à différentes représentations.
Crick et Koch pensent aussi que cette formation
d’assemblées
transitoires de neurones oscillant à l’unisson autour de 40 Hz
ne s’effectuerait pas qu’au niveau du cortex visuel mais pourrait
recruter des neurones dans tout le cortex. Dans ce cas, la couleur et la forme
de l’objet ne seraient pas les seuls paramètres qui seraient associés.
Il y aurait également toutes sortes d’autres caractéristiques
rattachées à l’objet comme l’odeur, le goût, les
émotions, etc., l’ensemble formant ainsi une représentation
consciente complète de l’objet observé. Voilà
donc un mécanisme élégant par lequel le cerveau pourrait
distinguer, parmi toutes les représentations ayant été liées,
celles
qui sont conscientes de celles qui ne le sont pas. Crick
et Koch avaient d’abord proposé, à la fin des années
1980, que la synchronisation des oscillations proches de 40 Hz était un
mécanisme suffisant pour assurer l’émergence d’une perception
consciente. Au début des années 2000, ils ont nuancé leur
position en affirmant que les phénomènes conscients semblent être
issus d’une compétition entre différentes «
coalitions » de neurones (voir l'encadré ci-bas) où
les coalitions gagnantes déterminent le contenu de la conscience à
un instant donné. Et ce qui leur semble plus plausible maintenant à
propos de la synchronisation des oscillations à 40 Hz, c’est qu’elle
pourrait être le mécanisme par lequel se résout cette
compétition, en favorisant la sélection d’une assemblée
particulière. Cette notion de compétition de tous les instants entre
assemblées de neurones rejoint d’ailleurs le plus récent concept
de « noyau
dynamique ». Engel et Wolf croient eux aussi
que la synchronisation, bien que nécessaire, ne serait pas suffisante pour
générer la conscience. Pour eux, l’information devrait aussi
entrer dans une forme de mémoire
à court terme, une suggestion qui renvoie ici à quelque chose
de semblable à un espace
de travail global. On le voit, l’hypothèse
de la synchronisation des oscillations autour de 40 Hz, bien qu’elle apporte
indéniablement quelque chose de plus à notre compréhension
de la conscience, n’est pas le fin mot de l’histoire. Elle a par exemple
connu d’autres développements intéressants, notamment en
ce qui concerne le mécanisme de sélection des représentations
conscientes parmi les représentations
inconscientes.
Parmi les données
expérimentales les plus intéressantes concernant l’activité
neuronale et la conscience figurent les expériences de Nikos Logothetis.
En enregistrant l’activité de cellules isolées du cortex visuel
du macaque, Logothetis a démontré que l’activité de
certains neurones pouvait être corrélée avec le caractère
conscient ou inconscient d’un stimulus chez ce primate. La
technique employée ici est la même qui a permis de mettre en évidence
les différentes
régions spécialisées dans le traitement de différents
aspects des stimuli visuels (forme, couleur, mouvement, etc.). Mais
lorsque l’on découvre que les neurones d’une région
donnée répondent systématiquement à une propriété
particulière d’un stimulus, cela ne nous dit pas si l’animal
perçoit consciemment cet aspect du stimulus. On sait d’ailleurs que
plusieurs propriétés visuelles extraites par les aires visuelles
les plus primaires ne correspondent à aucune perception consciente puisque
ces neurones conservent leur réponse même chez l’animal sous
anesthésie générale, et donc inconscient.
L’originalité des expériences de Logothetis est qu’elles
permettaient justement de faire cette distinction entre ce qui est simplement
représenté par l’activité neuronale et ce qui est perçu
consciemment. Pour ce faire, il utilisa des
stimuli rivaux, c’est-à-dire des stimuli qui ont des
interprétations mutuellement exclusives. Dans
le cas qui nous intéresse ici, c'est la direction du mouvement du stimulus
qui pouvait être interprétée comme allant tantôt vers
le haut, tantôt vers le bas. Lors d'un entraînement préalable,
on apprend au singe à indiquer avec la main la direction du mouvement qu'il
perçoit, vers le haut ou vers le bas. Dans
l’aire MT, responsable de la détection du mouvement, Logothetis a
par la suite trouvé des neurones ayant une réponse qui fluctue en
accord avec la réponse comportementale apprise par le singe. Certains neurones
répondaient par exemple fortement quand le singe signifiait à ce
moment-là qu’il percevait un mouvement apparent vers le haut. Les
mêmes neurones étaient beaucoup moins actifs quand le singe indiquait
qu’il percevait un mouvement apparent vers le bas. Cette
découverte était importante car elle établissait clairement
que l’activité de neurones situés dans les aires sensorielles
du cortex ne correspond pas toujours uniquement aux propriétés d’un
stimulus extérieur. Si l’on compare par exemple pour un neurone donné
les essais où il était très actif versus les essais où
il l’était moins, on constate qu’absolument rien n’avait
changé dans le stimulus extérieur ou dans les conditions générales
de l’expérience. La seule différence qui correspond au
changement d’activité de ce neurone est la perception du mouvement
rapportée par le singe grâce à une réponse comportementale
apprise auparavant. Certains pourraient objecter que
ces neurones ne font qu’accompagner l’output moteur de cette réponse
comportementale, mais considérant leur localisation et leur connectivité,
c’est une hypothèse qui s’avère pour le moins difficile
à soutenir. Ce type d’expérience
sur l’activité de neurones isolés semble donc montrer un effet
direct des processus attentionnels d’ordre supérieur sur les centres
de traitement sensoriels. Quant à savoir si l’activité de
ces neurones de l’aire MT forme à elle seule les
corrélats neuronaux de la conscience du mouvement, la question
reste ouverte… | |
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