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L'évitement de la douleur

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AideLien : Chronic Pain Can Impair MemoryLien : Depression And Chronic Pain Linked In Stanford Study; May Influence Diagnosis And TreatmentLien : Chronic Pain Harms The Brain
Lien : Newly Identified Drug Relieves SufferingLien : Pain and prejudiceLien : Livre : Feeling Pain and Being in PainLien : Feeling Pain and Being in Pain Reviewed by Murat Aydede
Lien : Pain and deliberate self-harmLien : Surtout, ne pas souffrirLien : Animation: A novel mechanism of allopathic pain, by Michael S.C. CorrinLien : Nerve injury-induced tactile allodynia is mediated via ascending spinal dorsal column projections
Lien : The McGill Pain QuestionnaireLien : Fetal Pain?Lien : Reflex Sympathetic Dystrophy SyndromeLien : Racked with Pain: Millions of people suffer from incurable pain that has no immediate cause. The reason may lie with crossed connections in the nervous system
Lien : LA DOULEURLien : International Association for the Study of PainLien : The Alan Edwards Centre for Research on Pain 
Chercheur
Chercheur : Dr. Serge MarchandChercheur : Serge Marchand , Neurophysiologiste
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Histoire : Livre :  Histoire de la douleurHistoire : A Brief History of PainHistoire : A Short History of Pain PracticeHistoire : Pain: History


Dès l’enfance et jusqu’à l’âge adulte, on observe une différence du seuil de la douleur entre les hommes et les femmes : celles-ci ont tendance à ressentir davantage de douleurs qui leur apparaissent comme plus intenses. Des spécialistes de la douleur comme Jeffrey Mogil pensent que ces differences ne s’expliquent pas seulement par des facteurs socio-culturels (une endurance à la douleur encouragée chez l’homme, par exemple).

Plusieurs de ses expériences mettent en évidence un câblage neuronal différent selon le sexe. Une disparité associée à l’expression différentielle de gènes chez l’homme et chez la femme. Certains de ces gènes amènent par exemple une réponse différente aux analgésiques selon le sexe.

Cette différence de fonctionnement, qui rendrait les circuits de la douleur des femmes plus sensibles, a des répercussions sur la façon même dont se fait la recherche sur la douleur. En effet, près des trois quarts des études se font uniquement avec des souris ou des rats mâles. Cette pratique découle du fait que les fluctuations hormonales des femelles ont toujours été vues comme introduisant une trop grande variabilité dans les résultats, une affirmation que réfute Mogil.

Ce qui peut introduire bien plus d’erreurs à son avis, c’est de continuer à expérimenter seulement avec des animaux mâles et d’étendre les conclusions de ces études au sexe féminin.

Lien : Sex, genes and social factorsLien : Research use of only male mice is 'unacceptable,' expert saysChercheur : Jeffrey Mogil


Comme son nom l’indique, le syndrome de fatigue chronique se caractérise principalement par une grande fatigue que le repos n'arrive pas à éliminer. D’autres symptômes secondaires peuvent aussi être ressentis plus ou moins intensément, par exemple une fièvre légère, des ganglions lymphatiques douloureux, une fatigue persistante après l'exercice, des maux de tête constants ou une sensibilité à la luminosité.

Un système immunitaire déréglé jouerait un rôle important dans l'apparition du syndrome de fatigue chronique. Les allergies et certains virus sont également sur la liste des suspects. Le stress serait un facteur aggravant dans la mesure où il est reconnu comme ouvrant la porte à une multitude de pathologies par l’affaiblissement du système immunitaire.

La fibromyalgie est très similaire au syndrome de fatigue chronique. La principale différence est la présence de douleurs diffuse au niveau du système osseux et musculaire pour la fibromyalgie alors que c’est plutôt la fatigue généralisée qui prédomine dans le syndrome de fatigue chronique. La fibromyalgie, qui affecte environ 3 % de la population, peut cependant aussi être accompagnée de fatigue.

Mais ce sont surtout des douleurs pouvant être localisées en 18 «points sensibles» qui sont le propre de la fibromyalgie. Lorsque ces douleurs persistent plus de 3 mois à 11 ou plus de ces points, le diagnostic de fibromyalgie est appliqué.

La fibromyalgie diffère de l’arthrite par une douleur liée aux muscles, aux tendons et aux ligaments plutôt que localisée uniquement dans les articulations. Contrairement à l’arthrite, elle ne cause pas non plus d’inflammation, uniquement de la douleur. Mais quand on regarde les tissus qui font mal, on ne remarque aucune trace de blessure ou de maladie, d’où l’étrangeté de ce syndrome.

Outres ces douleurs s’apparentant souvent à des sensations de brûlure, les personnes souffrant de fibromyalgie peuvent avoir une grande sensibilité au froid, des raideurs matinales, des troubles du sommeil, des migraines ou des troubles digestifs. Le syndrome entraîne également un sentiment d’incompréhension, voire d’incrédulité, chez les proches qui ne réagissent pas toujours bien devant une personne qui prétend avoir « mal partout ».

Les symptômes de la fibromyalgie apparaissent souvent dans la trentaine. Ils peuvent éventuellement aller en s’atténuant, mais sans jamais disparaître complètement. Peu de traitements sont disponibles hormis des antidépresseurs et des anti-inflammatoires destinés à soulager la douleur.

On ne connaît pas vraiment la cause de la fibromyalgie. On parle d’un désordre biochimique dans lequel la douleur musculaire interagirait avec d’innombrables agents biologiques. Le tout pourrait être déclenché par un stress, un traumatisme ou une infection et être lié à certaines dysfonctions des systèmes neuroendocriniens et immunitaires.

Le syndrome du côlon irritable est un dysfonctionnement du côlon d’origine inconnue qui partage également de nombreux points communs avec la fibromyalgie. Ce sont cependant ici les troubles digestifs qui prédominent : douleurs abdominales, ballonnements dus à l’accumulation de gaz, constipation ou diarrhée.

Lien : Fibromyalgie et fatigue chronique: un lien biologique possible identifiéLien : LA FIBROMYALGIE EN 2002: Des pistes intéressantesLien : Fibromyalgia NetworkLien : Vivre avec la fibromyalgie: série de six articles
Lien : Association québécoise de la fibromyalgieLien : LA FIBROMYALGIELien : Fatigue Chronique et FibromyalgieLien : Maladie intestinale inflammatoire

 

À la suite de la psychologue Susan Blackmore, on peut se demander s’il ne serait pas plus pertinent, à la place de la traditionnelle question philosophique « pourquoi la douleur fait mal », de se demander plutôt pourquoi la douleur « me » fait mal. En effet peut-il y avoir douleur s’il n’y a pas de sentiment de soi sur lequel agit cette douleur ?

Antonio Damasio affirme que le « soi » est nécessaire pour ressentir la douleur. Pour lui, les patterns neuronaux provoqués directement par le stimulus douloureux ne sont pas suffisants pour que la douleur soit vécue comme douloureuse. Pour avoir toute cette dimension émotionnelle de la douleur, nous devons également savoir que c’est nous qui avons cette douleur. Pour Damasio, il doit donc y avoir quelque chose qui vient après le signal nociceptif et qui se déploie dans les régions appropriées du cerveau pour produire le sentiment douloureux.

Damasio n’étant pas dualiste, ces deux étapes doivent correspondre à des états du système nerveux. Le système de la douleur doit donc rendre accessibles ses patterns neuronaux au système du soi. On retrouve donc ici la notion d’accessibilité au centre de la théorie de l’espace de travail global, où différents systèmes de traitement inconscients rendent disponible aux autres le fruit de leur travail. Mais même alors, il demeure difficile d’expliquer la transformation de cette interaction entre patterns neuronaux en sentiment subjectif de douleur.

Outil : Théories du soiChercheur : Susan Blackmore

 

DIFFÉRENTS TYPES DE DOULEUR
L'EFFET PLACEBO

L’évolution nous a dotés d’un système protecteur hors pair pour préserver l’intégrité de notre corps : la douleur. Un enfant qui touche un fer à repasser brûlant se souvient ensuite toute sa vie d’éviter ce contact. Mais si, pour diverses raisons, cette douleur persiste malgré la disparition des lésions initiales, elle peut devenir un véritable cadeau empoisonné.

Pour s’y retrouver, on peut d’abord distinguer, selon leur durée, la douleur aiguë de la douleur chronique. On peut aussi établir un classement en fonction des mécanismes qui génèrent la douleur. On distingue alors trois grandes catégories : les douleurs par excès de nociception, les douleurs neuropathiques ou neurogènes, et les douleurs psychogènes.

Les douleurs par excès de nociception sont provoquées par l’activation normale de nos voies neuro-physiologiques de la douleur. C'est le coup de marteau sur le pouce qui endommage des tissus périphériques et génère un excès d'influx nerveux dans les nocicepteurs.

 

Les douleurs par excès de nociception peuvent provenir autant de la peau, des articulations et des muscles que des viscères comme le foie, le cœur, les reins, etc. La cause peut être lésionnelle par stimulation mécanique (écrasement, torsion, étirement), thermique (brûlures) ou chimique (agents irritans). Elle peut aussi être inflammatoire ou ischémique (la douleur du muscle qui manque d’oxygène). Le plus souvent, la douleur est renforcée ou entretenue par la libération de substances endogènes qui activent directement ou indirectement les nocicepteurs.

Le traitement de ces douleurs passe donc par la suppression ou la diminution du message nociceptif à différents endroits au niveau périphérique et/ou central, principalement par l’administration d’antalgiques.

Contrairement à la douleur par excès de nociception, certaines douleurs spontanées s'expriment en dehors de toute stimulation périphérique. Elles sont regroupées sous l’appellation de douleurs neuropathiques ou neurogènes (bien que des distinctions sont parfois faites entre les deux termes). Ces douleurs relèvent de lésions que l’on retrouve directement sur les nerfs ou les neurones des voies nociceptives. Il s'agit de dysfonctionnements complexes du système nerveux pouvant affecter à la fois les structures périphériques et centrales.

Les douleurs associées au système nerveux périphérique peuvent provenir de lésions aux nerfs, par exemple la section d’un nerf suite à une coupure ou sa compression suite au déplacement d’une vertèbre. Elles sont ressenties dans le territoire des nerfs atteints comme des décharges électriques, des élancements, des brûlures ou des picotements. Le cas extrême de ce type de lésion nerveuse est la douleur du membre fantôme des amputés (voir l’encadré ci-bas).

Bien que les mécanismes à l’origine de la douleur chronique demeurent mal connus, certains phénomènes survenant naturellement après une blessure semblent y jouer un rôle non négligeable. C’est le cas du processus inflammatoire qui, en mobilisant une multitude de molécules dans la région blessée pour optimiser la guérison, altère les propriétés des nocicepteurs. Ceux-ci peuvent alors subir, dans la région enflammée, une sensibilisation périphérique. Certains de ces nocicepteurs sensibilisés vont alors commencer à émettre des potentiels d’action plus facilement ou même spontanément.

Dans les cas où, pour diverses raisons, la douleur persiste trop longtemps, deux symptômes des douleurs neurogènes peuvent alors se mettre en place : l’hyperalgésie, où un stimulus nociceptif donné provoque davantage de douleur que normalement, et l’allodynie, où un simple stimulus tactile, même léger comme une caresse, déclenche une douleur sévère.

Cette transmission soutenue de signaux douloureux au système nerveux central peut également mener à une sensibilisation au niveau central. Une hyperexcitabilité se développe alors au niveau des neurones de la racine dorsale de la moelle épinière ainsi que dans les centres supérieurs associés à la douleur. La douleur devient en quelque sorte engrammée dans notre système nerveux. Une sensation douloureuse chronique peut alors s’installer et persister bien après la guérison de la blessure initiale.

Des douleurs chroniques d’origine centrale peuvent aussi surgir pour d’autres raisons. Des accidents vasculaires cérébraux (ACV) thalamiques ou sousthalamiques peuvent en être la cause. Ou encore des lésions médullaires traumatiques, inflammatoires ou démyélinisantes (on pense par exemple à la sclérose en plaques). Ces phénomènes peuvent aussi déséquilibrer les contrôles descendants de la douleur, rendant le système de portillon de la moelle épinière trop facilement franchissable par les messages douloureux.

Les souffrances que les douleurs neurogènes engendrent démoralisent les patients et parfois leurs médecins parce qu'elles sont très difficiles à traiter. On estime qu’à peine le tiers des douleurs neuropathiques peuvent être traitées par les antalgiques couramment employés pour les autres formes de douleurs, tels que les analgésiques opioïdes et les anti-inflammatoires non stéroïdiens. De plus, ces médicaments provoquant des effets secondaires importants, plusieurs patients préfèrent interrompre leur traitement.

Les spécialistes s’entendent malgré tout pour dire qu’en traitant le plus rapidement possible les douleurs persistantes on réduit les probabilités de les voir devenir chroniques.

Outre les douleurs par excès de nociception et les douleurs neurogènes, on peut parler d’une troisième origine possible pour la douleur : les douleurs psychogènes. Les personnes qui reçoivent ce diagnostic ne présentent aucune lésion apparente malgré des douleurs qu’ils affirment très présentes. Celles-ci ont souvent des localisations inexplicables à différents endroits du corps et apparaissent à différents moments. Des relations familiales difficiles, des conditions de travail stressantes, de l'alcoolisme ou de la toxicomanie accompagnent souvent ces douleurs psychogènes dont nous ne comprenons pas, en l’état actuel de nos connaissances, les causes physiologiques.

Bien que leur réalité même est encore discutée par certains, plusieurs pensent qu’elles pourraient résulter de la synergie entre une petite lésion agissant comme élément déclencheur et des phénomènes psychologiques d’amplification de la douleur. Sa véritable définition serait alors un abaissement du seuil nociceptif lié à des désordres de l’humeur. Il faudrait alors démontrer chez des patients souffrant par exemple de fibromyalgies (voir l’encadré ci-contre) ou de céphalées de tension (voir encadré ci-bas) qu’il y a effectivement un abaissement du seuil nociceptif. Un certain nombre de résultats iraient en ce sens.

Une autre approche s’efforce de relier certaines de ces douleurs inexplicables du point de vue physique à un passé traumatique ancien, remontant notamment à la période périnatale ou à la prime enfance. On a en effet démontré chez l’animal que le stress périnatal peut modifier le comportement douloureux à l’âge adulte. On serait alors en droit de penser que le système limbique humain peut être lui aussi modifié durant son développement par des traumatismes physiques ou psychologiques anciens.

Toute douleur physique ayant inévitablement aussi un effet sur le psychisme de l’individu, on voit combien sont complexes les rapports entre les deux. Qui n’a jamais éprouvé des douleurs musculaires à la suite d’une tension psychologique provoquée par le stress, la colère ou un surmenage ?

 

Les maux de tête, ou céphalées, sont sans doute parmi les douleurs les plus familières. Généralement bénins, ils n’en demeurent pas moins très invalidants.

Les enfants peuvent également éprouver des maux de tête. Avant la puberté, ils sont plus fréquents chez les garçons, mais cette tendance s'inverse après la puberté. De sorte que les femmes adultes éprouvent davantage de maux de tête que les hommes, les douleurs étant souvent reliées au cycle menstruel. Ces maux de tête bénins disparaissent généralement par eux-mêmes au bout d’un certain temps ou à l’aide d’un analgésique léger.

Les maux de tête peuvent avoir des causes diverses et ne sont souvent que le symptôme secondaire d’autres pathologies. C’est le cas de la sinusite par exemple, qui survient après une infection des voies respiratoires supérieures, comme le rhume. Le mal de tête est ici associé à la présence de l’agent infectieux dans les sinus nasaux.

Dans cette catégorie de maux de tête qui cachent autre chose, on peut citer aussi les maux de tête liés à l’hypertension artérielle, chronique ou à l’effort, ou la névralgie faciale qui provoque une douleur aiguë dans la zone contrôlée par le nerf trijumeau qui transmet les sensations du visage.

Des céphalées peuvent aussi être déclenchées par l’exposition à des produits chimiques, par des hémorragies ou des ischémies, par des traumas crâniens ou aux vertèbres du cou, par le syndrome de sevrage, etc. À l'occasion, les maux de tête peuvent aussi être le symptôme d'un trouble plus grave comme un accident vasculaire cérébral, la présence d'une tumeur au cerveau ou le développement d’une méningite.

Et puis il y a la migraine, un trouble neurovasculaire à facettes multiples qui touche touche entre 10 et 15 % de la population adulte et trois femmes pour un homme. Du grec «hemikranion», la migraine doit son nom au fait qu’elle apparaît souvent d'un seul côté de la tête, bien qu’elle atteigne parfois les deux.

Les douleurs sont habituellement pulsatiles et s'accompagnent souvent d'autres symptômes comme des nausées, des vomissements, des troubles de la vue et une hypersensibilité à la lumière, au bruit et aux odeurs. Une attaque de migraine peut durer quelques heures ou quelques jours pendant lesquels la personne est si perturbée qu’elle doit délaisser ses activités quotidiennes normales. Plus de la moitié des gens souffrant de migraine ont une ou plusieurs crises par mois, et le quart ont au moins une crise par semaine.

La migraine apparaît souvent en plusieurs stades reconnaissables. Certains migraineux ressentent par exemple des signes annonciateurs (le « prodrome ») avant le début d’une crise : excitation, grande fatigue, fringale inattendue, lourdeur des jambes, bâillements, petite diarrhée… Puis, environ 10 à 30 minutes avant que le mal de tête débute, certains expérimentent une « aura » qui peut se manifester visuellement par des scintillements lumineux, des éclairs qui zigzaguent ou carrément des taches aveugles dans le champ visuel. On connaît également des manifestations langagières (troubles de la prononciation, recherche des mots) ou sensorielles (fourmillements) de la migraine avec aura.

Puis arrive le mal de tête, qui commence souvent près de la tempe d’un côté de la tête, et peut s’étendre éventuellement à l’autre, accompagné de tous les symptômes préalablement décrits. Après des heures ou même quelques jours, la douleur se dissipe finalement, laissant la personne ébranlée et épuisée.

Bien que les causes premières de la migraine ne soient pas encore bien comprises, on sait qu’il s’agit d’un trouble neurovasculaire qui, bien qu’ayant son origine dans le cerveau, perturbe plusieurs structures intracrâniennes qui elles vont provoquer concrètement la douleur.

D’une part, donc, des observations indiquent l’existence d’un « centre » générateur de la migraine dans le tronc cérébral qui serait actif jusqu’à ce que la crise migraineuse ait disparu. Et d’autre part, des phénomènes mieux connus comme le spasme des vaisseaux sanguins cérébraux, c’est-à-dire une contraction suivie d’une vasodilatation des vaisseaux, qui produite concrètement le mal de tête caractéristique. De nombreux médicaments soulageant le mal de tête (Triptants, etc) agissent d’ailleurs en régularisant l’afflux sanguin dans le crâne.

Les modèles de la migraine incorporent aussi de plus en plus le concept de dépression corticale propagée (DCP) – une vague d’activité neuronale accrue que l’on observe à la surface du cortex, suivie d’une dépression de cette activité. Cette DCP serait une étape préliminaire de la migraine et semble être la base physiologique du phénomène de l’aura perçu par certains migraineux.

On pense également que la libération de certains ions ou de certaines molécules issues du cerveau ou du sang dans le liquide céphalo-rachidien durant la DCP activerait les voies nerveuses situées sur les vaisseaux sanguins des méninges, et participerait aux réponses inflammatoires douloureuses.

Plusieurs facteurs, qui affecteraient l’excitabilité neuronale, peuvent déclencher une crise de migraine : des changements hormonaux (pendant le cycle menstruel), certains aliments (le chocolat, les fromages vieillis, la crème glacée, les nitrites, le glutamate monosodique), des boissons (le vin), l’absence d’un repas, des odeurs ou des bruits forts, le manque de sommeil, le surmenage ou le stress.

Des prédispositions génétiques, possiblement exprimées en tant qu’hyperexcitabilité corticale, interviennent probablement. Des gènes situés sur les chromosomes 1, 19 et X sont sur la liste des suspects.

La première chose à faire pour soulager la migraine est de tenter d’en repérer les facteurs déclenchants et de les éviter dans la mesure du possible. La tenue d’un journal quotidien sur ce que l’on a mangé, sur les activités de la journée, la qualité du sommeil, etc, peut aider à identifier ces facteurs déclenchants.

Lorsqu’un épisode se déclenche, le calme, la pénombre et la relaxation sont de mise. Le massage du cou, du cuir chevelu ou des tempes peut aussi soulager certaines personnes. Un linge frais sur le front peut aussi aider.

Les médicaments susceptibles d’atténuer ou de raccourcir les crises migraineuses comprennent les antalgiques (aspirine, paracétamol…), les anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène and naproxène) et les médicaments spécifiques à la migraine (triptans et ergotamine). Ces substances ont cependant, comme tous les médicaments, une efficacité variable selon les patients et des effets secondaires que l’on doit considérer. Et à plus forte raison quand il s’agit de médicaments pris quotidiennement pour prévenir les crises (bêta-bloquants, bloqueurs calciques, antidépresseurs tricycliques, anti-épileptique, etc).

Parmi les approches non médicamenteuses du traitement de la migraine, mentionnons la myothérapie, une approche développée vers le milieu des années 1990. Technique exclusivement manuelle, elle vise à enlever de façon définitive des spasmes musculaires permanents dont l’origine traumatique pourrait être très ancienne dans la vie du patient.

La manœuvre vise donc à décontracter des muscles, souvent situés dans la région du cou, avec des manipulations capables de contrer un réflexe naturel dit « myotatique ». Les muscles retrouvent alors leur état initial et cessent d’exercer des tensions à la base du crâne, tensions qui, lorsqu’elles sont accentuées par le moindre stress, peuvent entraver la circulation sanguine intracrânienne.

L’arrêt naturel du mal de tête après une nuit de repos, la relaxation ou la médication pourrait être dû à un relâchement musculaire suffisant pour faire cesser la crise. Mais pour les tenants de la myothérapie, l’individu demeurera sensible aux facteurs déclenchants tant que les contractures musculaires anciennes n’auront pas été éliminées. Pour eux, les phénomènes vasculaires liés à la migraine et les douleurs cervicales fréquentes qui lui sont associés ne sont donc pas contradictoires, mais plutôt complémentaires : car si la migraine est bien d'origine vasculaire, sa cause est à chercher au niveau de perturbations mécaniques du drainage veineux qui sont, elles, d'origine musculaire.

Lien : Migraine: The headache that’s not really a headacheLien : Headache Network CanadaLien : La sérotonine, les triptans et la migraineLien : Mapping Migraine PainLien : The Biology of Serotonin Receptors: Focus on Migraine Pathophysiology and TreatmentLien : American Council for Headache EducationLien : Migraine
Lien : Édith HamelLien : MyothérapieLien : Société Internationale de MyothérapieLien : CAUSES ET TRAITEMENT DE LA MIGRAINE : NOUVELLE HYPOTHESE, NOUVELLES POSSIBILITESLien : Migraine as inspirationOutil : L'anasthésie et l'analgésieLien : Why do humans have headaches?

 

On utilise le terme membre fantôme pour désigner l’étrange phénomène où une personne amputée d'un membre en ressent encore la présence. Et cela peut durer des années, voire des décennies. Il y a aussi des cas rapportés de seins fantômes, de mâchoires fantômes et même de pénis fantômes qui ont des érections fantômes !

Ce phénomène ne serait qu’une curiosité amusante si ce n’était qu’environ 80 % des amputés (50 à 98 % selon les sources) vont ressentir à un moment donné des douleurs qui semblent provenir de leur membre amputé. Et dans certains types d’amputation, plus du tiers vont ressentir des douleurs sévères.

On parle donc de douleurs fantômes pour décrire ce phénomène accablant. Très difficiles à traiter avec les approches traditionnelles, ces douleurs fantômes peuvent être décrites en terme de brûlement, d’élancement, ou comme si le membre était replié dans une position inconfortable.

L’idée d’une douleur à un membre inexistant est si étrange que lorsque Silas Weir Mitchell utilisa pour la première fois l’expression de « membre fantôme » en 1872, à une époque où des milliers de soldats étaient amputés pour des blessures ou de la gangrène, il écrivit anonymement par peur du ridicule.

Plusieurs mécanismes ont été avancés pour rendre compte de ce phénomène. Par exemple, quand des nerfs endommagés guérissent et se régénèrent, ils ne le font pas toujours correctement. Une activité spontanée peut alors s’installer dans ces nerfs qui pourrait être perçue comme autant de signaux douloureux par le patient. Des chirurgiens ont bien tenté de réamputer le membre plus haut, dans l’espoir de moins abîmer les nerfs, mais malheureusement sans grand succès.

La guérison incorrecte des nerfs ne semble donc pas la seule cause possible des douleurs fantômes. La douleur initiale du membre, celle qui conduit souvent à l’amputation, peut également en être à l’origine. Cette douleur pourrait continuer à exister, probablement parce qu’elle était devenue “engrammée” dans le système nerveux central.

Les traitements basés sur la composante centrale de l’origine de la douleur sont d’ailleurs parmi les plus prometteurs. On a en effet pu démontrer que les douleurs fantômes étaient proportionnelles à des modifications de la représentation des régions du corps dans le cortex sensoriel. Bien qu’on ne sache pas encore véritablement comment ces modifications subséquentes à l’amputation génèrent de la douleur, on a constaté que tout ce qui tend à réduire ou à inverser ces modifications diminue les douleurs fantômes.

C’est le cas des amputés qui utilisent plusieurs heures par jour une prothèse électrique animée par des signaux provenant des muscles du patient. Ou des tâches où le toucher répété de la peau dans la région du moignon améliore la discrimination tactile à cet endroit et réduit aussi les douleurs fantômes, possiblement en redonnant au cortex une partie des influx sensoriels perdus suite à l’amputation.

Ramachandran a créé un système de "boîte miroir" donnant aux amputés l'impression de voir leur bras manquant. En regardant leur main intacte touchée, les amputés ont alors l'impression que la main disparue l’est aussi, et cette sensation apaise la douleur. Et la vue d'une tierce personne se caresser la main, procure une sensation similaire dans le membre disparu, ce qui pourrait impliquer certains neurones miroirs.

D’autres expériences avec cette "boîte miroir" suggèrent que la douleur fantôme pourrait aussi être reliée à la perte du contrôle moteur du membre amputé. Quand la personne amputée bouge sa main intacte dans ce dispositif, elle a l’illusion de bouger sa main amputée et cela a également pour effet de diminuer la douleur fantôme. Certains ont même obtenu des résultats encourageants en faisant simplement imaginer à des personnes des mouvements de leur membre paralysé (qui peuvent aussi générer des douleurs fantômes).

Ces résultats pointent tous vers l’idée, de plus en plus considérée, qu’en recréant une image corporelle complète et cohérente, on apaise les douleurs générées par le membre absent. Il semble en effet que l’imput sensoriel en provenance du membre amputé et la commande motrice interrompue vers ce même membre produisent un décalage entre la représentation corporelle précâblée dans le cerveau et l’échange d’influx qui y survient effectivement. Et pour des raisons encore inconnues, ce décalage provoquerait de la douleur.

         
Liens
Lien : Greater Response to Placebo in Children Than in Adults: A Systematic Review and Meta-Analysis in Drug-Resistant Partial EpilepsyLien : L’effet placebo et ses paradoxesLien : PlaceboLien : Effet placebo: votre cerveau est-il doué pour libérer des antidouleurs naturels?
Lien : Revealed: how the mind processes placebo effectLien : Placebo effects on human μ-opioid activity during painLien : The Benson-Henry Institute for Mind Body Medicine at Massachusetts General Hospital (BHI)Lien : Link between brain anatomy, personality, and the placebo analgesic response
Lien : Review - Talking Cures and Placebo EffectsLien : Placebo effect on human opiod pain systemLien : The placebo effect is hard wired into the brainLien : The placebo effect affects pain signalling in the spine
Chercheur
Chercheur : André Leblanc
Expérience
Expérience : Commercial Features of Placebo and Therapeutic EfficacyExpérience : The mechanism of placebo analgesiaExpérience : Placebo and nocebo effects are defined by opposite opioid and dopaminergic responsesExpérience : Activation of the Opioidergic Descending Pain Control System Underlies Placebo Analgesia
Capsules originales
Outil : Expérience mystique et méditation : les corrélats neurobiologiquesExpérience mystique et méditation : les corrélats neurobiologiques
Outil : Les questions éthiques soulevées par l’effet placebo Les questions éthiques soulevées par l'effet placebo
 Outil : L'anasthésie et l'analgésie L'anasthésie et l'analgésie

Controverse et effet placebo : même dans les sondages !

 

L’importance du conditionnement comme source des attentes à l’origine de l’effet placebo a été mise en évidence par une expérience originale de Fabrizio Benedetti et ses collègues. Ils ont d’abord administré de la morphine à deux reprises à des athlètes durant leur entraînement. Puis, le jour de la compétition, les athlètes ont reçu une injection similaire mais contenant seulement une solution physiologique, sans la morphine. Malgré cela, les chercheurs ont tout de même observé une activation du système endorphinique des athlètes qui leur a permis d’augmenter leurs performances et de mieux endurer la douleur ! Voilà qui pourrait causer quelques maux de tête aux comités antidopage…

Expérience : Opioid-Mediated Placebo Responses Boost Pain Endurance and Physical Performance: Is It Doping in Sport Competitions?

 


Outre la douleur, la maladie de Parkinson est une autre affection particulièrement sensible à l’effet placebo. Cette maladie dégénérative, qui entraîne une perte de contrôle musculaire, est causée par un manque d’un neurotransmetteur, la dopamine. Pour compenser ce déficit, on traite les patients parkinsoniens avec de la L-DOPA, un précurseur de la dopamine qui permet d’augmenter les taux de dopamine dans le cerveau.

Or plusieurs études ont montré que l’administration d’un placebo active les neurones encore capables de sécréter de la dopamine, presque comme lors de l’absorption de L-DOPA. Cette augmentation de dopamine est particulièrement évidente dans l'un des centres de la motricité de notre cerveau, le striatum.

Rappelons que le système dopaminergique est aussi très important pour les mécanismes de récompense du cerveau humain et jouerait vraisemblablement un rôle dans les attentes de soulagement suscitées par l'administration du placebo au malade. L’amélioration clinique que l’on peut observer, tout comme les témoignages d’une meilleure qualité de vie rapportés par les patients, semble aussi avoir une bonne durée (quelques semaines, mais parfois des années).

Lien : Parkinson's DiseaseLien : Mind-body Connection In Placebo Surgery Trial Studied By University Of Denver ResearcherExpérience : Placebo-responsive Parkinson patients show decreased activity in single neurons of subthalamic nucleus

 


Comme plusieurs sources médicales indiquent que plus de 10% des hommes et plus de 20 % des femmes feront l’expérience d’une dépression au cours de leur vie, il n’est pas étonnant de constater que les antidépresseurs soient parmi les médicaments les plus prescrits. Or l’efficacité réelle de leur ingrédient actif par rapport à l’effet placebo est régulièrement débattue.

Ainsi en 1998, après l’analyse de 38 études préalablement publiées, Irving Kirsch et Guy Sapirstein concluaient que les placebos produisaient environ 75 % des améliorations observées avec les vrais antidépresseurs. Les auteurs ajoutaient même que le 25% propre aux antidépresseurs pourrait être dû à une réponse placebo accrue suite aux effets secondaires provoqués par l’ingrédient actif, ou bien à d’autres facteurs non spécifiques (voir l’encadré à droite).

En 2000, une autre méta-analyse de résultats déjà publiés trouvait une réduction de 30% des tentatives de suicide dans les groupes placebos comparé au 40% de réduction des groupes ayant reçu un véritable antidépresseur.

Toujours en analysant plusieurs études, Kirsch et son équipe ont montré en 2008 que 79% des patients déprimés ayant reçu un placebo se portaient toujours bien, comparativement à 93% des patients traités aux antidépresseurs, 12 semaines après un traitement de 6 à 8 semaines.

Certains chercheurs ont même soulevé l’hypothèse que la réapparition des symptômes que l’on observe souvent après un certain temps d’utilisation des antidépresseurs, et généralement interprétée comme une tolérance à l’antidépresseur, pourrait être explicable en grande partie à la disparition de l’effet placebo.

Ce qui étonne le plus dans toutes ces analyses est de constater à quel point l’effet placebo peut être puissant pour traiter la dépression. On note cependant que l’efficacité des antidépresseurs semble se démarquer davantage de l’effet placebo plus la dépression est profonde.

Quoi qu’il en soit, dans les discussions animées qui ont cours sur ce sujet depuis des années, il semble que l’on ne remette plus en cause, dans certaines circonstances, un effet supérieur des antidépresseurs à l’effet placebo. Cet effet semble cependant souvent moins important que les compagnies pharmaceutiques voudraient nous le faire croire. L’ampleur de ce qui les distingue d’une simple pilule de sucre n’étant pas toujours très grand, voire peut-être parfois proche de zéro. Le débat se poursuit…

Lien : Antidépresseurs ou placebo ? La controverseLien : Antidépresseurs inefficaces après 6 mois? L'effet placebo pourrait être terminéLien : Against Depression, a Sugar Pill Is Hard to BeatLien : Antidepressant-Placebo Debate in the Media : Balanced Coverage or Placebo Hype?
 Lien : Antidepressants: The Emperor's New Drugs?Lien : Symptom reduction and suicide risk in patients 
L'EFFET PLACEBO
L'ÉVITEMENT DE LA DOULEUR

Si l’effet placebo est indissociable de toute intervention thérapeutique, c’est qu’il fonctionne à partir de nos attentes. Or le cerveau humain est prédisposé, lorsqu’il interagit avec ses semblables, à se créer des attentes, ce que d’autres appellent une théorie de l’esprit.

Deux mécanismes psychologiques seraient particulièrement à l’œuvre pour engendrer ces attentes : la suggestion et le conditionnement.

La suggestion est l’acte par lequel une idée est introduite dans le cerveau d’autrui et acceptée par lui. Amener une personne en état d’hypnose est l’une des nombreuses choses qui peuvent être faites par suggestion, bien que le cerveau se retrouve dans un état distinct lorsque la personne atteint effectivement cet état d'hypnose.

Dans le cas de l’effet placebo, c’est le médecin qui suggère au patient l’idée qu’un traitement va améliorer son état. Cette suggestion provoque alors en quelque sorte le rétrécissement du champ de conscience du patient autour de la chose suggérée, c'est-à -dire l’idée que tel médicament va lui faire du bien. Cette pensée consciente induit alors de réels changements physiologiques dont les mécanismes sont encore mal connus.

Le conditionnement est un autre phénomène, inconscient celui-là, derrière l’effet placebo. Son fonctionnement a été bien décrit par Ivan Pavlov dès le début du XXe siècle : une réponse inconditionnelle (la nourriture qui fait saliver le chien, ou la pilule d’analgésique qui soulage la douleur), suite à un apprentissage, crée une association permanente, de sorte qu’un stimulus neutre peut ensuite produire une réponse conditionnée (un son de cloche associé aux repas qui fait saliver le chien, ou une pilule de sucre qui soulage la douleur).

Et ce conditionnement pourrait être très profond puisque tout Occidental, quand il est malade, a appris qu’il faut aller chez le médecin et que celui-ci va nous administrer un médicament qui va éventuellement nous guérir. La séquence « douleur, docteur, comprimé, guérison » est donc très bien ancrée dans notre esprit. La simple démarche de prendre un rendez-vous chez le médecin pourrait donc déjà mettre en marche l’effet placebo, par conditionnement.

Loin de s’opposer, suggestion et conditionnement auront donc des effets additifs difficiles à dissocier et qui se renforcent mutuellement pour redonner confiance au patient. Cette confiance contribuera aussi à diminuer l’anxiété et le stress du patient, et donc aussi les effets physiologiques néfastes bien connus qui leur sont associés.

On connaît maintenant certains des mécanismes physiologiques qui sont mis en jeu durant l’effet placebo. Ils ont surtout été étudiés en ce qui concerne l’effet placebo analgésique, mais d’autres troubles où l’effet placebo est notable, comme la maladie de Parkinson, ont aussi généré des hypothèses quant à des mécanismes neurobiochimiques y contribuant (voir encadré).

Pour ce qui est de la douleur, la découverte des endorphines et des voies nerveuses naturelles du contrôle de la douleur ont rapidement constitué des pistes susceptibles de donner un fondement biologique à l’effet placebo.

Dans une étude pionnière publiée en 1978, Jon Levine a testé l’implication des endorphines lorsque l’effet placebo atténue une douleur subséquente à l’extraction de molaires. Donner une injection de solution saline (donc un placebo) à un patient en lui disant qu’il s’agit d’un médicament antidouleur est alors, pour certains patients, aussi efficace qu’une dose de 6 à 8 milligrammes de morphine. Mais si on donne ensuite à ces patients « placebo répondeurs » un antagoniste spécifique de la morphine appelé naloxone, qui bloque donc également l’effet de nos propres morphines endogènes, celui-ci augmente significativement la douleur de ces patients. Alors que la même dose de naloxone ne cause aucune douleur additionnelle aux patients qui n’avaient pas répondu à l’effet placebo.

Ce travail a connu un retentissement considérable puisqu’il révélait les premières bases biologiques de l'effet placebo pour la douleur en plus de démontrer un lien direct entre des attentes psychologiques et un effet biologique.

Mais comme rien ne reste simple longtemps avec le cerveau, Richard Gracely montrait, en 1982, que l’effet antalgique d’un placebo peut exister même après l’inhibition des endorphines par la naloxone. La même année, Priscilla Grevert démontrait quant à elle que la naloxone n’a aucun effet significatif sur les douleurs ischémiques expérimentales (par manque de sang, et donc d’oxygène). Mais aussi que cette même naloxone diminue l’effet antalgique du placebo au fur et à mesure de la répétition de l’expérience chez le même sujet.

D’où l’idée que l’effet placebo pourrait être régi à la fois par des mécanismes endorphiniques et non endorphiniques. Certains pensent que l’effet placebo centré sur les attentes serait causé par les endorphines, mais que l’effet placebo plus issu d’un conditionnement pourrait dépendre d’autres mécanismes.

D’ailleurs, les structures cérébrales où l’on commence à situer ces mécanismes neurophysiologiques derrière l'effet placebo antalgique sont compatibles avec cette logique. L’activation de récepteurs opioïdes de type « mu » durant l’effet placebo a par exemple été détectée dans les cortex cingulaires antérieurs, orbitofrontaux et insulaires, le noyau accumbens, l’amygdale et la substance grise périaqueducale.

Par ailleurs, une activation dopaminergique associée à l’effet placebo a aussi été rapportée dans les noyaux gris centraux ventraux, incluant le noyau accumbens. Et inversement, des réponses à l’effet nocebo ont provoqué une diminution de la libération de substances opioïdes et de dopamine dans ces régions.

On observe donc une activation du circuit de la récompense lors de fortes réponses placebos, avec augmentation de libération de dopamine dans le noyau accumbens. Cela suggère un rôle possible de ces structures dans la motivation nécessaire à l’effet placebo. L’implication du cortex frontal, également fréquemment rapporté, pourrait pour sa part contribuer au rappel de l’administration du placebo et au renforcement des attentes positives à son endroit.

Les régions cérébrales impliquées dans ces phénomènes font donc partie du circuit typiquement impliqué dans la motivation et la recherche de gratification. Comme ces structures activent aussi des voies inhibitrices descendantes de la douleur dans la moelle épinière, la réponse placebo semble bien être un cas typique de contrôle « de haut en bas » (« top down »). Les patients dont la pathologie affecte les centres supérieurs, comme le cortex préfrontal dans le cas de la "maladie d’Alzheimer", semblent d’ailleurs moins sensibles à l’effet placebo.

 

Dans les grands médias, et même dans certaines publications scientifiques, on attribue souvent l’amélioration d’un patient suite à la prise d’un placebo (comme une pilule de sucre ou une injection de sérum physiologique) comme étant due entièrement à l’effet placebo. On fait alors l’erreur d’attribuer l’entièreté de cette amélioration aux attentes positives du patient. Il est vrai que ces dispositions psychologiques positives peuvent amener des changements physiologiques favorables. Mais l’effet placebo n’est pas le seul de ces « effets non spécifiques » pouvant contribuer à cette amélioration.

Il existe d’autres de ces « effets non spécifiques », désignés ainsi en opposition aux effets spécifiques de l’ingrédient actif d’un médicament. Ceux-ci peuvent donc eux aussi contribuer à l’évolution favorable d’une douleur ou d’une pathologie. Un des plus communs est tout simplement l’évolution naturelle de la maladie. Le corps réussit bien souvent à se guérir lui-même si on lui laisse le temps. Ce phénomène d’auto-guérison peut donc aussi jouer, surtout si on lui laisse justement le temps nécessaire pour faire son œuvre.

Plusieurs chercheurs qui s’intéressent à l’effet placebo préconisent d’ailleurs, lors des tests cliniques, de suivre en plus du groupe recevant le médicament et celui recevant un placebo, un troisième groupe contrôle qui ne reçoit absolument rien. Ceci pour tenter de distinguer l’évolution naturelle de la maladie du véritable effet placebo.

Par ailleurs, l’évolution naturelle de certaines maladies dégénératives (comme la maladie de Parkinson) est très bien connue et va vers une détérioration de l’état du patient. L’amélioration de cet état suite à la prise d’un placebo peut alors être attribuable en grande partie à l’effet placebo.

Outre l’évolution naturelle de la maladie, l’amélioration observée ou rapportée par un patient après la prise d’un placebo peut être attribuable à plusieurs autres facteurs, de nature eux aussi non spécifique.

Mentionnons l’« effet Hawthorne » selon lequel le seul fait de participer à une recherche scientifique modifie le comportement du malade. Les patients qui participent par exemple à des essais cliniques reçoivent beaucoup d’attention du médecin qui leur explique des choses sur leur état de santé. Cela suffit, pour plusieurs, à leur donner un sentiment de prise en main qui améliore leur condition.

Un autre phénomène qui peut faire évoluer positivement l’état de santé d’un malade est tout simplement ce qu’on appelle la régression à la moyenne, c’est-à-dire la tendance des paramètres biologiques qui ont des variations aléatoires à évoluer vers des valeurs moyennes. Les patients ont par exemple tendance à consulter le médecin dans des moments où leurs symptômes sont les plus gênants. L’évolution la plus probable est alors le retour à des valeurs de base moyennes. Une tension artérielle anormalement élevée lors de la première consultation a statistiquement plus de probabilités d’être redescendue à une valeur plus près de la normale lors de la consultation suivante.

D’autres facteurs non spécifiques peuvent donner l’impression qu’on a affaire à un effet placebo « réel », alors qu’il ne s’agit que d’un effet placebo « perçu » et causé par d’autres facteurs. Tout ce qui est sujet à une évaluation subjective comme la douleur ou la fatigue peut ainsi être influencé par divers phénomènes psychologiques. Les participants à un test clinique peuvent ainsi avoir un biais positif par rapport à l’évolution de leur état parce qu’ils veulent croire que le temps ainsi investi servira à quelque chose. Ils peuvent aussi simplement ne pas vouloir décevoir le médecin en lui donnant des réponses polies allant dans le sens du meilleur scénario possible pour le test. Bref, les patients peuvent simplement se convaincre qu’ils vont mieux.

L’importance de ces autres facteurs non spécifiques a conduit certains chercheurs à minimiser l’importance réelle de l’effet placebo. Dans une étude qui a fait grand bruit lors de sa parution en 2001, Hrobjartsson et Gotzsche ont cherché à préciser l’importance relative de l’effet placebo et de l’évolution naturelle de la maladie. Pour ce faire, ils ont analysé 29 essais cliniques en double aveugle sur le traitement de la douleur. Ils concluent que l’importance accordée à l’effet placebo est probablement beaucoup plus grande que ce qu’elle ne l’est en réalité.

Des critiques ont à leur tour été faites à cette étude, notamment en soulignant que les groupes sans traitement qui avaient servi de contrôle à Hrobjartsson et Gotzsche étaient des patients sur des listes d’attente. Peut-être n’ont-ils alors pas vu de grandes différences simplement parce que ces groupes n’étaient pas vraiment qualitativement différents d’un groupe avec traitement par placebo ? En effet, affirment leurs détracteurs, les malades en attente sur une liste s’orientent souvent vers d’autres formes de traitement, et bénéficiant alors eux aussi d’une prise en charge mettant en jeu une relation médecin–malade, l’un des facteurs les plus déterminants de l’effet placebo.

D’autres ont repris le travail de Hrobjartsson et Gotzsche en distinguant le type d’information donnée aux patients. Ils retrouvent alors un effet placebo plus important dans certaines études, celles dont l’objectif était spécifiquement l’étude de l’effet placebo. Les patients de ces études se font dire qu’ils vont recevoir un traitement actif alors que dans les études comportant un placebo uniquement comme contrôle, le patient sait qu’il peut tomber sur une pilule de sucre. Il est donc probable que dans le premier cas, les attentes soient plus fortes, ce qui expliquerait la disparité.

Cela étant dit, dans les études où l’on compare trois groupes, soit un groupe traité, un groupe qui reçoit un placebo et un groupe qui ne reçoit rien, le groupe placebo améliore généralement de façon significative son état par rapport au groupe n’ayant rien reçu.

Lien : Is the Placebo Powerless?— An Analysis of Clinical Trials Comparing Placebo with No TreatmentLien : placebo effect Lien : Placebo has strength in numbers Lien : Placebo effectExpérience : When a placebo is not a ‘placebo’: a placebo effect on postprandial glycaemiaExpérience : When a placebo is not a ‘placebo’: a placebo effect on postprandial glycaemiaLien : L’effet placebo n’existe pas !  


Nicholas Humphrey a élaboré une théorie permettant d’expliquer l’origine évolutive de l’effet placebo. Humphrey rappelle d’abord que nombre de symptômes désagréables dont nous voudrions nous débarrasser sont en réalité des défenses contre des menaces encore plus grandes pour l’organisme. Et la douleur en est l’exemple le plus évident, sa principale fonction étant de nous signaler une blessure pour nous inciter à nous immobiliser et ainsi favoriser la guérison. Les rares individus qui ne ressentent pas la douleur sont là pour nous rappeler l’importance de celle-ci.

Et on pourrait dire la même chose d’autres symptômes comme la fièvre, par exemple, qui est une réponse du corps favorisant l’élimination des bactéries ou des virus par élévation de la température. Ou de toute réponse immunitaire, qui produit par exemple de l’inflammation.

Or ces réponses adaptatives souvent complexes ont inévitablement un coût pour l’organisme. Un coût qui peut, dans certaines circonstances, s’avérer trop élevé pour les bénéfices espérés. La douleur ressentie à la suite d’une foulure de cheville est-elle toujours la meilleure chose qui puisse vous arriver ? Probablement si vous étiez en train de prendre une simple marche de santé. Mais sans doute pas si vous êtes poursuivi par un lion affamé ! Mieux vaut alors supprimer temporairement la douleur paralysante (ce que fait très bien notre système antidouleur naturel), quitte à empirer la blessure, et tenter de fuir, plutôt que de servir de repas au félin.

La même question se pose lors d’une infection : est-ce le bon moment de déclencher une réponse immunitaire coûteuse, ou devrait-on garder ses énergies au cas où quelque chose de plus sérieux encore arriverait ? Si vous êtes en sécurité à la maison et que vous avez du temps de convalescence devant vous, alors oui, il est probablement préférable d’y mettre le paquet pour combattre le virus. Mais peut-être pas si vous êtes dans un environnement incertain où d’autres dangers peuvent surgir. La question cruciale est donc toujours quelque chose comme : que va-t-il se passer ensuite ?

Et l’idée de Humphrey consiste à dire que si l’individu est convaincu que de bonnes conditions seront réunies pour l’avenir, alors il peut baisser la garde et allouer toutes les ressources dont dispose son corps pour l’auto-guérison. Et par extension, Humphrey pense que toute condition qui contribue à nous procurer cette tranquillité d’esprit va nous amener à allouer beaucoup de ressources à notre guérison.

D’où l’analogie flagrante avec les facteurs connus, comme les attentes positives, qui favorisent l’effet placebo. Et pour Humphrey, l’importance de la relation médecin – patient si souvent rapportée pour l’effet placebo viendrait du fait que nous sommes une espèce hautement sociale. En effet, l’expérience personnelle est trop restreinte pour être la meilleure source de connaissance quand on dispose d’un langage qui nous donne accès à l’expérience de tous les autres. Cette « permission extérieure », comme l’appelle Humphrey, est la plus susceptible de nous convaincre que les conditions sont réunies pour allouer toutes nos ressources à la guérison. D’où l’importance de l’effet placebo quand on va voir le médecin ou, de tout temps, le shaman, le guérisseur, le gourou ou tout autre thérapeute charismatique...

Lien : Great Expectations: The Evolutionary Psychology of Faith-Healing and the Placebo Effect
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