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L'émergence de la conscience
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Capsules originales

Expérience :  Quelle conscience pour les autres animaux ?Quelle conscience pour les autres animaux ?
 

Conflits socio-politiques et imagerie cérébrale

Si l’on montre un tube de bonbons à un enfant autiste et qu’on lui demande ce qu’il y a dedans, il répondra des bonbons. On lui montre alors qu’à la place des bonbons, on a mis un crayon dans la boîte. On lui dit ensuite qu’on va montrer le tube à l'un de ses camarades (qui n'a pas vu qu'on a remplacé les bonbons par un crayon) et on demande à l’enfant autiste ce qu’il pense que son camarade va répondre à la même question. Et l’enfant autiste répond « un crayon »… Un enfant normal ou atteint du syndrome de Down réussit ce test sans problème. Mais pas un enfant autiste, qui ne semble pas être capable de s’imaginer l’état mental des autres.


Les théories visant à expliquer l’émergence de notre conscience n’ont pas toutes comme base la nature sociale complexe des groupes humains. Michel Cabanac pense par exemple que la conscience a pu évoluer à partir de la sensation. Ce serait donc l’aspect conscient de nos sensations qui serait le premier élément de la conscience à émerger dans la phylogenèse, et ce dès l’avènement des reptiles.

Cabanac montre d’ailleurs que tout objet mental conscient a conservé la structure de son origine sensorielle, c'est-à-dire qu’il est caractérisé par 4 dimensions: la qualité (la nature de l’objet de conscience), l’intensité (le lion qui entre dans la pièce attire plus notre attention que notre collègue), l’hédonicité (son caractère plaisant, déplaisant ou neutre), et sa durée dans le temps.

Ce postulat, soutient Cabanac, expliquerait pourquoi le plaisir est devenu la « monnaie commune d'échange entre les motivations », nos comportements étant optimisés par la recherche du plaisir.

Lien : Michel Cabanac (Université de Laval), Vidéo Origine de la conscience dans la phylogenèse : arguments expérimentauxLien : Evolution of Sensations and Consciousness Transformation
FONCTION ET ORIGINE ÉVOLUTIVE DE LA CONSCIENCE
LA QUESTION DU LIBRE-ARBITRE

D’où vient la conscience humaine ? Rares sont ceux qui, en considérant les êtres vivants les plus simples comme les bactéries, leur attribuent une conscience. Nombreux sont toutefois ceux qui attribuent une forme de conscience à leur chien, leur chat, aux dauphins ou aux grands singes (avec qui nous avons des ancêtres communs). La conscience doit donc avoir émergé avec la complexification des systèmes nerveux au cours de l’évolution des espèces.

Pour plusieurs, cela implique que la conscience a dû apporter quelque chose de plus aux espèces qui en ont développé une forme particulière. D’où les nombreux travaux sur les fonctions possibles de la conscience. La question des origines de la conscience est donc fortement liée au rôle qu’on va lui attribuer.

L’une des approches les plus fréquente consiste à dire que la conscience a pu être avantageuse pour résoudre les problèmes rencontrés par nos ancêtres primates. Et comme la plupart des primates forment de groupes sociaux, ils font face à de sérieux problèmes découlant de leurs rapports complexes avec leurs congénères. C’est ce qui amène plusieurs auteurs à penser que la plus grande partie de l’évolution de notre intellect se serait faite beaucoup plus en réponse à la complexité de ce monde social plutôt qu’en réponse à l’environnement physique.

Pour bien présenter ces théories sociales de l’origine de la conscience humaine, il faut d’abord rappeler que le seul fait de former une société ne garantit en rien l’évolution d’un gros encéphale susceptible d’être conscient. C’est le cas, par exemple, des sociétés de fourmis. Celles-ci ne se reconnaissent cependant pas comme des individus singuliers. Chacune est interchangeable parce qu’elles ont toutes le même comportement qui est génétiquement déterminé dans leur système nerveux.

À l’opposé, les animaux qui apprennent la majorité de leurs comportements ne sont pas aussi facilement interchangeables. Chacun a ses habitudes et son tempérament propre. Par conséquent, la capacité à distinguer visuellement tel ou tel individu devient importante pour savoir qui sont enclins à partager leur nourriture, qui peut m’aider à me défendre contre des prédateurs ou qui peut potentiellement me retourner une faveur. C’est ainsi qu’un système neuronal spécialisé comme celui pour la reconnaissance des visages a pu évoluer car il fournit un avantage évolutif certain.

Et pour que cet avantage se concrétise, il faut donc non seulement être capable de reconnaître les autres membres de son groupe individuellement, mais aussi être capable de prédire le comportement de chacun d’eux.

C’est cette capacité de se construire une « théorie de l’esprit » des autres que les personnes souffrant d’autisme semblent avoir perdue (voir encadré). Chez l’être humain normal cependant, la rencontre avec d’autres personnes nous porte immédiatement à leur attribuer certains états mentaux. Cette prédisposition est si forte chez nous qu’elle peut être déclenchée par n’importe quel objet pouvant être identifié à un agent doué d'intentionnalité.

En effet, de tout temps les animaux sauvages ou domestiques, les planètes, le vent, les volcans, la mer, les bateaux ou les autos se sont fait attribuer des intentions par les humains.

En fait, n’importe quelle forme géométrique dotée de mouvement ou de changements spontanés provoque chez nous l’attribution d’états mentaux.

Qui ne comprend pas, dans l’animation ci-contre, que le petit cercle et le petit carré sont «effrayés» par le gros triangle et que celui-ci les «poursuit» et les «pousse» dans l’enclos pour les «capturer» ? Pourtant, il ne s’agit que de formes géométriques se déplaçant sur une surface plane.

Durant son développement un enfant comprend graduellement que les autres ont des désirs, des intentions, des motivations, bref un point de vue différent du sien. De la même manière plusieurs auteurs pensent qu’une conscience de soi aurait émergé progressivement au cours de l’évolution à mesure que les groupes sociaux se complexifiaient et donnaient un avantage à ceux qui étaient capables de se mettre dans la peau des autres.

Pour Nicholas Humphrey par exemple, c’est cette élaboration d’une théorie de l’esprit pour les autres qui aurait mené à la possibilité de nous construire une théorie de l’esprit appliquée à nous-même, et donc de nous reconnaître des désirs, des intentions, des motivations… On voit poindre ici quelque chose qui ressemble à ce qu’on appelle la conscience subjective.

Une autre théorie qui postule des origines autres que sociales pour la conscience humaine est celle de Derek Denton. Pour lui, avant même la sensation, celle du monde extérieur, il y a la perception du monde intérieur. La conscience apparaîtrait donc pour lui avec les " émotions primordiales " comme la soif, la faim, le besoin d'air ou la sensation d'étouffement, le désir sexuel, la douleur, etc. Ces émotions indiquent à l'organisme que son existence est en jeu, s'imposent à lui et le poussent à l’action.

Pour Denton, les premiers signes de la conscience se seraient donc manifestés très tôt au cours de l'évolution. Les premiers mammifères (et même d’autres animaux évolutivement plus anciens, telle la seiche) qui auraient réussi à se créer des « scènes mentales » pour adapter leur comportement aux besoins vitaux signalés par la soif ou la faim auraient pu ainsi améliorer leur survie.

Lien : Les émotions primordiales et l'éveil de la conscienceLien : Interview with Derek Denton

 

    
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Lien : The "I" IllusionLien : MINDSTUFF: A GUIDE FOR THE CURIOUS USERLien : Libet's short delay
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Chercheur : Benjamin Libet
Capsules originales
Outil : L'imagerie cérébrale L'imagerie cérébrale

Libre arbitre et neuroscience

Daniel Wegner : un apport scientifique difficile à oublier

L’activité endogène du cerveau force à repenser plusieurs phénomènes

Libre arbitre et neuroscience

Certains ont pensé qu’en ajoutant du hasard, un peu comme dans l’approche probabiliste en physique quantique, on pourrait briser le déterminisme de la nature. Mais cette proposition en laisse plusieurs insatisfaits car elle ne formule pas, au fond, ce qu’ils voudraient entendre : que leur propres efforts, et non la chance, font une différence dans la façon dont ils mènent leur vie.

Outil : Similitudes et différences entre le cerveau et l'ordinateur

 


Se demander si c’est notre conscience qui est la cause première de nos actes volontaires ne remet pas nécessairement en cause le rôle certain que joue la délibération rationnelle ou les émotions dans nos prises de décision. Peser le pour et le contre d’une action, que ce soit avec la raison consciente ou des émotions inconscientes, est quelque chose de très utile et qui a effectivement été sélectionné très largement par l’évolution dans le règne animal.



LA QUESTION DU LIBRE-ARBITRE
FONCTION ET ORIGINE ÉVOLUTIVE DE LA CONSCIENCE

S’il fallait décerner un prix au problème philosophique le plus débattu dans l’histoire, celui du libre arbitre remporterait probablement la palme. Quoi de plus normal, à première vue, de penser que nous sommes bien l’auteur de nos faits et gestes. Seulement voilà, très tôt dans l’Antiquité grecque le caractère déterministe des lois de la nature, qui commençait à voir le jour, fut mis en opposition avec notre libre arbitre.

Car si l’univers suit des lois déterministes, alors tout ce qui advient est inévitable et il n’y a plus de place pour notre libre arbitre. Cette position où tout ce que nous faisons est déterminé par des causes qui nous dépassent a, on s’en doute, des implications morales importantes, c’est-à-dire des implications sociales sur notre rapport aux autres.

D’où les débats vigoureux entre ceux qui voient là une incompatibilité majeure et qui affirment que si l’univers est déterministe, et comme nous en faisons partie et n’échappons pas à ses lois, le libre arbitre ne peut être autre chose qu’une illusion. Et d’autre part, ceux qui avancent différentes propositions pour tenter de sauver le libre arbitre et le rendre compatible avec le caractère déterministe de l’univers (voir l'encadré).

Car l’impression que nous avons d’être à l’origine de nos actes est un sentiment puissant. À tout moment, nous ressentons naturellement que c’est « nous » qui causons nos actions en décidant consciemment de les faire. On peut donc reformuler la question du libre arbitre ainsi : est-ce que la conscience volontaire joue bel et bien un rôle dans nos prises de décision ?

Pour y voir plus clair, il faut d’une part faire la distinction entre un agent capable de causer un certain nombre d’effets dans le monde, et d’autre part le fait que ce soit la conscience volontaire qui puisse être la cause première de ces effets.

Les êtres humains, comme tous les animaux d’ailleurs, sont très certainement des agents dans le sens où ils agissent constamment sur le monde qui les entoure. Mais est-ce que les mouvements volontaires à l’origine de ces actions prennent naissance dans leur conscience ? Voilà la question.

Les techniques d’imagerie cérébrale (voir la capsule outil à gauche), qui permettent de suivre la dynamique de l’activation neuronale associée à un acte volontaire, peuvent nous aider à y répondre. Grâce à ces techniques, on a pu observer que nos gestes sont initiés dans les régions préfrontales de notre cerveau. Des signaux sont ensuite envoyés aux régions prémotrices qui programment le mouvement dans le détail, puis aux régions motrices qui l’exécutent. Et c’est la même chose pour le langage, avec l’aire de Broca qui produit l’output moteur qui va éventuellement activer les muscles de la bouche et du larynx qui nous permettent de parler.

Ceci étant, on peut raffiner encore un peu plus notre question en la reformulant comme suit : sommes-nous capables de déclencher consciemment cette activité cérébrale qui semble mener ensuite irrémédiablement à une action volontaire ? Pour cela, il faudrait bien entendu que notre décision consciente précède, d’une durée aussi courte soit-elle, cette activité cérébrale associée à la préparation puis à l'exécution d'un geste volontaire.

Bien que les études d’imagerie qui viennent d’être décrites datent des années 1990, on sait depuis les années 1960 que toute action motrice volontaire est précédée d’un « potentiel évoqué primaire » (« readiness potential », en anglais) sur le tracé de l’électroencéphalogramme (ou EEG) du sujet. Il s’agit concrètement d’une déflexion importante du tracé qui survient un peu moins d’une seconde avant l’action proprement dite.

Voilà l’observation qui amena le neurophysiologiste Benjamin Libet à réaliser l’une des expériences les plus controversée de l’histoire des neurosciences. Libet s’est simplement demandé si cela voulait dire que l’individu éprouvait le désir conscient d’agir un peu moins d’une seconde avant toute action volontaire. Car si c’est bien la décision consciente qui initie l’action, alors ce sentiment subjectif de désirer consciemment faire une action devrait survenir avant, ou au pire, en même temps que le début du « potentiel évoqué primaire ».

Libet conçut donc une expérience où il pouvait chronométrer trois événements : le début d’un mouvement volontaire simple comme fléchir le poignet; le début du « potentiel évoqué primaire » sur l’EEG; et le moment où le sujet avait l’impression subjective de décider consciemment d’effectuer le mouvement.

Copyright Jolyon Troscianko (www.jolyont.co.uk/ )

Ses résultats démontrèrent que c’est le « potentiel évoqué primaire » qui commence le premier à environ 550 millisecondes (ms) avant l’action. Et c’est seulement ensuite, un bon 350 ms après, que le sujet rapporte commander consciemment le mouvement, qui survient finalement 200 ms plus tard (voir la figure ci-dessous).



Comment peut-on interpréter ce résultat ? Il semble que la conscience volontaire arrive beaucoup trop tard pour être à l’origine de l’action. Et si le cerveau peut initier nos mouvements volontaires avant même l’apparition d’une volonté consciente de faire ces mouvements, quel rôle reste-t-il pour la conscience ? Est-ce alors la fin de notre libre arbitre ?

Cela nous ramène en tout cas à l’hypothèse que notre conscience subjective ne serait qu’une illusion, comme certains l’ont soutenu depuis longtemps et comme semble le démontrer cette expérience. Mais il serait bon de rappeler ici qu’une illusion n’est pas quelque chose qui n’existe pas mais plutôt quelque chose qui n’est pas ce qu’il semble être.

L’impression subjective persistante que nous sommes à l’origine de nos actes pourrait être bien réelle mais pas ce qu’elle semble être, en l’occurrence la cause première de tous nos comportements volontaires. Il faudrait alors se demander comment on peut apprendre à vivre avec cette autre conception du libre arbitre.

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