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Parenté et origine évolutive des sociétés humaines

Dans la perspective d’une relation à long terme, ce qui retient d’abord l’attention d’un homme pour une femme n’est pas ce qui attire le plus souvent une femme vers un homme.

Le psychologue américain Todd Shackelford a par exemple demandé à plusieurs milliers d’hommes et de femmes issus de 37 pays quels étaient les facteurs les plus importants dans le choix d’une compagne ou d’un compagnon. Les résultats ont montré que les hommes portent surtout leur l’intérêt sur l’apparence physique des femmes, c’est-à-dire leur beauté, leur jeunesse, leur santé apparente. Du côté des femmes, le critère de prédilection pour un conjoint potentiel s’avère le statut social enviable de ce dernier, et tout ce qui vient avec (les revenus, le niveau d’étude, la profession exercée, etc.).

Cette préférence des femmes pour les hommes à statut social élevé est observée depuis longtemps dans les sociétés animales, où l’on trouve une corrélation positive entre le rang de dominanced’un mâle et son succès reproducteur, autrement dit la quantité de petits dont il sera le père. Or il en va tout autrement dans les sociétés modernes actuelles où les gens riches tendent à avoir moins d'enfants que les gens pauvres.

Ce paradoxe embêtant pour la théorie de la sélection sexuelle avait toutefois été résolu par les travaux de Daniel Pérusse qui, dans une étude publiée en 1993, faisait la distinction entre succès reproducteur et effort reproducteur. En d’autres termes, il a simplement tenu compte de la contraception ! Car si le nombre d'enfants, donc le succès reproducteur, est habituellement une conséquence inévitable de l’effort reproducteur, la contraception l’empêche de se manifester pleinement. La contraception permet donc de dissocier les causes proximales des causes distales.

En se basant sur une enquête effectuée auprès de 1 300 personnes, Pérusse a montré que le prestige, le niveau d'éducation et le revenu d’un homme facilitent effectivement l'accès à un plus grand nombre de femmes comme partenaires sexuelles. La théorie de la sélection sexuelle, qui postule une maximisation de l’effort reproducteur, semble donc tenir le coup...

Lien : Mate preferences and mate selectionExpérience : Cultural and reproductive success in industrial societies: Testing the relationship at the proximate and ultimate levelsLien : 'The Naked Woman': Highly Intelligent DesignOutil : La sélection sexuelle et la théorie de l’investissement parental

Il se pourrait bien que certains animaux ressentent une forme primitive d’amour romantique. Les mammifères et les oiseaux démontrent en effet des préférences dans le choix des partenaires pour l’accouplement. Ils se font la cour, ont des parades nuptiales, focussent leur attention sur certains individus, les suivent de manière obsessive, les lèchent ou les caressent tendrement. Bref, ils ont des comportements qui s’apparentent étrangement à l’amour romantique. 

De plus, cette attraction animale a été associée à la production de dopamine dans leur cerveau. Une attraction dont la durée est variable, allant de quelques secondes chez le rat, à environ trois jours chez l’éléphant, et à plusieurs mois chez le chien.

Lien : Comportement sexuel : les bases neurobiologiques

Certaines situations seraient plus propices que d’autres pour “tomber en amour” avec quelqu’un. C’est le cas du regard réciproque (“mutual eye gazing”, en anglais), c’est-à-dire quand deux personnes se regardent simplement dans les yeux. Le caractère réciproque de l’action est cependant ici très important, car règle générale, pour plusieurs espèces de mammifères dont l’être humain, regarder fixement un autre individu dans les yeux sans son consentement est plutôt perçu comme une menace. Vous pouvez en faire l’expérience la prochaine fois que vous prendrez le métro si vous n’êtes pas convaincu…

Mais lorsqu’il y a un accord mutuel, regarder calmement une personne inconnue dans les yeux augmente rapidement la sensation d’apprécier et même d’aimer cette personne ! Et cette sensation ne se produit pas si on regarde autre chose que ses yeux, comme ses mains par exemple.

Il semble donc que, dans un tel échange de regard réciproque, le fait d’avoir la permission de l’autre personne pour ce comportement intimidant amène un mélange de peur et de confiance qui rend les deux personnes vulnérables l’une à l’autre. Et cette vulnérabilité serait la clé du lien émotionnel qui tend alors à se créer.

En fait, on sait que plusieurs situations épeurantes mais sécurisées peuvent être associées à un “éveil érotique” de ceux qui la vivent. Confiance et peur génèrent encore une fois ici ce phénomène “d’attribution émotionnelle”, autrement dit la personne sentant son coeur battre plus vite juge la rencontre plus excitante. D’où les succès amoureux adolescents dans les parcs d’attractions ou les baisers imprévus en haut de la Tour Eiffel…

La vulnérabilité dans les zones de guerre ou lors de prise d’otages peut aussi créer de forts liens émotionnels, comme en témoignent les otages qui développent des liens affectifs avec leur geôlier, un phénomène appelé le syndrome de Stockholm.

Lien : How Science Can Help You Fall in LoveLien : L'amour au sommet de la tour EiffelLien : Stockholm syndrome

LES MULTIPLES VISAGES DU SENTIMENT AMOUREUX

Pour plusieurs anthropologues, l’amour romantique est un phénomène universel qui traverse le temps et les cultures et dont les bases sont solidement ancrées dans le cerveau humain. Comme le montrent les plus anciens artefacts humains, il semble que ce que nous appelons l’amour au sens le plus large ait toujours été au cœur de nos relations avec les autres.

Mais cela ne fait que quelques décennies que la psychologie et les neurosciences ont véritablement commencé à décortiquer ce qui est considéré comme l’une des plus exaltantes expériences humaines. Une expérience où nous ne sommes peut-être que les victimes consentantes d’un irrésistible cocktail biochimique servi dans un bar nommé « cerveau »…

Il faut d’abord distinguer ce que Helen Fisher appelle l’amour romantique des deux autres grands systèmes ayant selon elle coévolué avec lui : le désir sexuel et l’attachement. Alors que le premier permettrait aux individus d’initier le comportement de cour et d’accouplement avec un certain nombre de partenaires, l’amour romantique les motiverait à se concentrer sur un seul partenaire, leur permettant ainsi d’économiser temps et énergie au profit de leur progéniture. Cette progéniture, but ultime du désir sexuel et de l’amour romantique, va ensuite bénéficier du troisième système, celui de l’attachement qui se crée entre les parents, pour grandir dans un environnement stable et pourvu des ressources nécessaires à son développement.

 

 

L’amour romantique entre deux personnes commence souvent par un processus qu’on appelle couramment la passion amoureuse ou simplement « tomber en amour ». Il s’agit d’une expérience subjective assez stéréotypée, involontaire, difficile à contrôler et transitoire. Elle se caractérisée par des pensées obsessives et une attention intense portée à un autre individu auquel on attribue toutes les qualités tout en minimisant les défauts. Cette idéalisation, produite par ce qu’on appelle parfois l’effet « lunettes roses » de l’amour, va amener une extrême empathie pour l’être aimé, ainsi qu’un désir sexuel souvent assorti d’une intense possessivité. Un corollaire, qui a pu être mesuré, est que les hommes remarquent moins les jolies femmes quand ils sont amoureux. Un phénomène appelé la « répulsion attentionnelle » que le dicton populaire « l’amour rend aveugle » avait saisi depuis longtemps…

Tout cela s’accompagne évidemment d’une grande euphorie et d’une augmentation générale du niveau d’énergie. Les nouveaux couples exaltent aussi leur nouvelle relation, affirmant qu’elle est spéciale et qu’ils sont plus proches que les autres couples.

Se développe alors une dépendance émotionnelle et une recherche constante de la fusion émotionnelle avec l’autre. Un phénomène qui mène souvent à un mode de pensée obsessionnel développé à propos de l’être aimé. Une séparation temporaire en dehors de leur volonté générera de l’anxiété chez les nouveaux amoureux. Mais l’adversité tendra souvent à renforcer la passion amoureuse, par un mécanisme qualifié de « frustration-attirance ».

On dit de la passion de l’amour romantique qu’elle est plus forte que le désir sexuel pour la simple et bonne raison que rares sont les personnes qui sombrent dans la dépression ou même se suicident ou commettent un homicide si quelqu’un refuse de coucher avec elles. Malheureusement, tous ces comportements se rencontrent chez des personnes rejetées d’une relation amoureuse.

Qu’est-ce qui peut bien donner à ces comportements un caractère aussi important? La réponse aurait beaucoup à voir avec une autre expérience très puissante que peuvent éprouver les humains : la dépendance à certaines substances psychoactives.

Car à bien des égards l’amour romantique ressemble à une dépendance. Il partage avec elle de nombreuses caractéristiques comme l’obsession, la focalisation mentale, les fluctuations émotionnelles, la distorsion de la réalité, les changements de personnalité, la prise de risque ou la perte de contrôle de soi. Traverser un pays entier sur un coup de tête pour quelques baisers de l’être aimé a certes quelque chose qui peut faire sourire. Mais ce n’est pas sans rappeler la dépendance psychologique (ou « craving », en anglais) d’une personne droguée en manque et prête à tout pour obtenir sa dose.

Également, tout comme avec une drogue, la nécessité, pour diverses raisons, de mettre un terme à la relation amoureuse peut être vécue très douloureusement et amener de nombreuses « rechutes ».

Les études d’imagerie cérébrale ont montré que ces analogies comportementales trouvent un écho au niveau de l’activation des voies nerveuses sous-jacentes. En effet, quand des sujets contemplent une photo de leur amoureux sous le scan, on peut voir s’activer les régions particulières de leur cerveau associées au système de la récompense. Ces régions sont riches en récepteurs de la dopamine, le neurotransmetteur fortement impliqué dans les phénomènes d’euphorie et de dépendance.

D’autres neurotransmetteurs, comme la noradrénaline ou la sérotonine, conjuguent aussi leurs effets à ceux de la dopamine pour expliquer l’hyperactivité, le caractère obsessionnel et toutes les autres sensations exaltantes d’une nouvelle relation amoureuse.

Enfin, les études comparant le cerveau de gens « tombés en amour » depuis peu à celui de gens dans différents états émotionnels (excitation sexuelle, sentiment de bonheur ou euphorie induite par la cocaïne) montrent que le pattern d’activation du cerveau « en amour » est unique. Il y a cependant une superposition partielle et une grande proximité entre ces différents états émotionnels positifs.

D’ailleurs, d’autres types de relations qui jouent un rôle significatif dans la vie d’un individu et qu’on pourrait qualifier de voisin de l’amour romantique pourraient bien avoir leur signature neuronale propre, tout en étant assez semblables à celle de l’amour romantique. On pense ici à l’amour filial, aux amitiés de longue date, ou une aptitude à la compassion plus générale pour ses semblables.

 

Il n’y a pas une seule manière d’être amoureux et les motivations qui amènent les gens à vivre en couples sont nombreuses. De plus, notre sentiment amoureux pour une autre personne évolue dans le temps. Sans compter le fait que deux personnes s’aiment rarement de la même façon, ou pour les mêmes raisons.

Il n’est donc pas facile d’élaborer des théories pour voir plus clair dans tous ces types d’amour. Et effectivement, il existe plusieurs “taxonomies de l’amour” structurées à partir d’un petit nombre de catégories d’amour de base qui, en se combinant, ne permettraient peut-être pas de classifier l’ensemble des conduites amoureuses possibles, mais du moins baliser certaines tendances normatives.

L’une des plus connues est la “théorie triangulaire de l’amour” du psychologue Robert Sternberg. Elle pose trois entités différentes qui peuvent, seules ou combinées, expliquer sept grands types de relations amoureuses. Ces entités sont: la passion (l’attraction physique et le désir sexuel); l’intimité (le sentiment de proximité et de lien de confiance mû par l’échange de confidences) et l’engagement (l’intention partagée de construire et de maintenir une relation à long terme avec l’autre).

Sternberg affirme qu’une relation amoureuse donnée peut être décrite par l’une des sept catégories, issu des combinaisons possibles entre ces trois entités, dont l’intensité peut évidemment varier. Ces différentes formes d’amour s’illustrent bien à l’aide d’un triangle où les trois sommets représentent les trois entités de base.

Les 7 formes d’amour selon Sternberg se résument alors ainsi :

Avec de l’intimité seulement, Sternberg évoque une forme amoureuse proche de l’amitié (« liking ») vraie, ou de la relation médecin / patient. S’il n’y a que de l’engagement, il parle de partenariat ou d’amour vide (« empty love ») comme dans les mariages arrangés. L’amour avec la passion seule s’apparente au désir, à l’amour entiché ou romantique (« infatuation »), bref c’est le coup de foudre rapide qui peut disparaître aussi rapidement. Le véritable amour romantique (« romantic love ») serait celui formé de passion et d’intimité (mais sans garantie d’engagement). La complicité ou l’amour de compagnonnage (« companionate ») est fait d’intimité et d’engagement, souvent rencontré chez les gens en couples depuis plusieurs années quand la passion s’est atténuée. L’amour admiratif ou niais (« fatuous love ») surviendrait quand il y a de la passion et un engagement, mais sans avoir développé véritablement d’intimité, quand l’engagement est motivé seul par la passion. Finalement, l’amour dit « consommé » (« consummate ») inclut les trois composantes de base et constituerait le rapport idéal d’amour, difficile à obtenir et encore plus à maintenir.

Selon Sternberg, chaque individu peut être défini par deux triangles, celui qui caractérise sa relation amoureuse présente, et celui de sa relation amoureuse idéale. Les couples les plus durables étant ceux, selon Sternberg, qui ont des triangles compatibles. Il insiste aussi sur le fait que chaque triangle est la résultante de nos influences précoces et de notre parcours individuel subséquent, et que par conséquent, il n’est jamais définitivement fixé et que chacune de ses composantes va inévitablement varier au fil du temps. Une évolution souhaitable étant pour lui celle où les composantes de base manquantes ou trop faibles sont développées.

Voilà donc un premier modèle théorique permettant de mieux comprendre la naissance et le plus ou moins bon fonctionnement d’une relation amoureuse. Comme l’autre modèle que nous allons maintenant aborder plus succinctement, il ne décrit que des patterns généraux, chaque relation entre deux personnes étant unique.

Cet autre modèle, celui d’Ellen Berscheid, ramène les différentes formes d’amour à quatre grandes catégories dont les étiquettes recouvrent d’ailleurs certaines de celles de Sternberg. Selon Ellen Bersheid, un adulte d’âge moyen a expérimenté au moins un ou deux des types d’amour suivants :

La complicité ou l’amour de compagnonnage (« companionate love ») est ici associé aussi à de l’amitié, donc à des affinités mutuelles qui s’établissent lentement, mais qui sont ensuite relativement stables dans le temps. Il s’agit d’un état que l’on retrouve souvent au sein des couples mariés. L’amour romantique (« romantic love ») est identifié à la passion qui nous fait « tomber en amour ». Il serait fait de sentiments à la fois tendres et sensuels envers l’autre, un subtil mélange de complicité et de désir sexuel. La compassion (« Compassionate Love ») s’apparente à la sollicitude et à l’altruisme, donc à une tendance à supporter, à comprendre et à accepter l’autre de manière inconditionnelle. Des chercheurs comme Bowlby ou Maturana pensent que cette attitude bienveillante mutuelle serait innée et nous offrirait une base sécurisante à partir de laquelle on peut explorer le monde. Enfin, l’attachement adulte (« Adult Attachment Love ») se caractérise par un fort lien affectif envers une « figure d’attachement » associée à la protection, au confort et à la stabilité émotionnelle. Ce sentiment peut émerger de l’expérience répétée de la compassion sur une période de temps suffisamment longue pour cimenter ce lien de confiance.

Lien : Evolution, Emotion, and Reason: Love (Guest Lecture by Professor Peter Salovey)Lien : Typologies distinguishing different types and functions of loveLien : Triangular theory of loveLien : Les types d’amourExpérience : Individual Attachment Style Modulates Human Amygdala and Striatum Activation during Social AppraisalLien : The Pros And Cons Of LikemindednessLien : Why We Love: 5 Books on the Psychology of Love Outil : La monogamie humaine : causes et conséquences

 


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