Capsule outil: L’attirance physique et la beauté

On pourrait croire que l’attirance physique est strictement une affaire de goûts personnels et d’influences culturelles. Mais de nombreuses expériences montrent que notre conception de la beauté est grandement influencée par notre héritage évolutif et par des circuits cérébraux « pré-câblés ».

On distingue en fait trois grands mécanismes à l’œuvre derrière l’attirance que l’on éprouve pour certaines personnes : la sélection naturelle, la sélection sexuelle et l’apprentissage culturel.

La beauté est donc non seulement « dans l’œil de celui qui regarde », mais aussi dans son cerveau. Un cerveau sculpté par la sélection naturelle et donc préférant les individus en santé, et évitant ceux susceptibles d’être porteur de maladies ou de malformations.

Nombre de psychologues qui étudient la question pensent en effet qu’un visage symétrique et une peau impeccable, des critères de beauté couramment admis, nous persuadent inconsciemment que la personne n’est pas malade et constitue donc un bon prospect pour l’accouplement.

Et ce penchant inné pour la beauté via la symétrie associée inconsciemment à de “bons gènes” serait fonctionnel très tôt. Des études ont par exemple montré que des bébés de 6 mois (et même de 2 mois!) portaient plus d’attention à des visages préalablement jugés attirants par des adultes. Difficile de voir ici une influence culturelle des magazines de mode…

Ce n’est pas non plus une surprise de constater que l’évolution nous incite à être attiré davantage par des gens dont l’âge correspond plus ou moins au maximum de fertilité. C’est en tout cas assez clair pour la femme dont le pic de fertilité est au début de la vingtaine. Et différentes approches ont démontré que les femmes jugées les plus attirantes ont généralement autour de 21 ou 22 ans. Comme les hommes demeurent fertiles une grande partie de leur vie, la beauté masculine serait moins influencée par l’âge, se maintenant par exemple à son maximum jusqu’à la fin de la vingtaine.

Un phénomène intéressant, qui avait déjà été mis en évidence par Francis Galton à la fin des années 1870, est qu’un visage dont les traits sont dessinés à partir de la moyenne des traits de nombreux visages a l’air plus attirant que la grande majorité des visages ayant servi à calculer la moyenne. Cette capacité que nous aurions de nous construire un visage moyen de référence nous ferait trouver moins beau les visages qui s’écarteraient trop de cette moyenne. Ce phénomène pourrait expliquer les préférences pour les visages du même groupe ethnique que le nôtre (que nous avons habituellement plus côtoyé). Et son explication évolutive résiderait dans le fait que les individus ayant hérité de caractéristiques trop atypiques sont souvent désavantagés dans une population, donc moins intéressants pour la reproduction.

Deux autres études, se rapportant cette fois-ci à des traits physiques de l’ensemble du corps et pas seulement du visage, vont en ce sens. La première porte sur la longueur des jambes. On a par exemple démontré que des photos d’hommes et de femmes avec des jambes plus courtes que la moyenne étaient perçues comme moins attirantes par les deux sexes. Mais si des jambes plus longues étaient considérées comme plus attractives, cela ne semble vrai que pour un léger pourcentage de l’allongement par rapport à la moyenne. Des jambes excessivement longues ont diminué l’appréciation esthétique des images de corps présentées chez les deux sexes. Les auteurs de cette étude pensent que des jambes trop courtes ou excessivement longues pourraient être associées à des problèmes de santé, et acquérir ainsi inconsciemment une valeur négative.

Une seconde étude montre qu’il semble y avoir un rapport optimal entre la circonférence de la taille et celle des hanches pour évoquer la jeunesse et la bonne santé. Plusieurs autres travaux parlent d’un ratio de 0,7 pour les femmes et de 0,9 pour les hommes qui auraient une attractivité sexuelle maximale. En 2010, on a aussi pu établir une corrélation entre le rapport taille-hanche de 0,7 chez la femme et une activation maximale du circuit de la récompense dans le cerveau de l’homme. Le caractère universel de cette préférence avait toutefois été débattu à fin des années 1990.

Le deuxième mécanisme influençant nos critères de beauté, la sélection sexuelle (voir la capsule ci-bas), permet de rendre compte, par exemple, des quelques visages d’un groupe qui sont jugés plus attirants que le visage issu de la moyenne. Car on s’est aperçu que c’est en accentuant certains traits particuliers qu’ils différaient de la moyenne, des traits que l’on a depuis associé à la féminité ou à la masculinité. Ainsi, les visages féminins ayant des sourcils plus arqués, des yeux plus grands, un nez plus petit, des lèvres plus pulpeuses, une mâchoire plus étroite ou un plus petit menton sont jugés plus jolis. Des traits souvent opposés seront plus appréciés pour les hommes, comme une arcade sourcillière plus prononcée, des sourcils plus touffus qui sont placés plus près des yeux, un nez, une bouche et une la mâchoire inférieure plus large, etc.

Les changements hormonaux qui surviennent à l’adolescence favorisent ces différences, la testostérone allongeant par exemple la mâchoire, les oestrogènes augmentant le volume des lèvres, des seins, des hanches… Toutes des caractéristiques de la femme qui “parlent” au mâle et lui indique que celle-ci est fertile. Bref, c’est le même principe de base de la sélection sexuelle qui a favorisé l’émergence de la fameuse queue du paon mâle, un handicap pour le vol vu sa taille, mais un atout qui a toujours su séduire davantage les femelles, d’où sa persistance dans la population (car séduction réussie = accouplement = petits qui héritent de cette caractéristique).

D’ailleurs, les femmes qui se maquillent tendent intuitivement à exagérer, par le rouge à lèvre ou l’épilation des sourcils, ces caractéristiques féminisantes. Sans parler des nombreuses chirurgies esthétiques visant à augmenter la taille des lèvres ou des seins pour qu’ils deviennent ce que les éthologistes appellent des stimuli “supra-normaux”. 

Du côté masculin, ces parangons de virilité ne sont curieusement pas ceux qui attirent le plus les femmes lorsqu’il s’agit d’évaluer s’ils feraient un bon père pour leurs enfants. En fait, le choix d’un partenaire est beaucoup plus complexe pour la femme qui doit en calculer toutes les implications sur le long terme, étant donné tout l’investissement en temps et en soins que cela représente pour elle (voir la capsule théorie de l’investissement parental ci-bas). Donc santé et fertilité oui, mais pas trop de penchant pour des conduites trop masculines, comme l’agressivité, qui pourraient constituer une menace pour la famille.

Plusieurs études ont même démontré que le type d’homme préféré par les femmes varie en fonction du stade de son cycle menstruel : les femmes qui ovulent ont tendance à préférer les hommes à la physionomie plus masculine; et celles qui sont dans leurs phases moins fertiles les hommes avec un visage plus doux, plus androgyne.

L’influence du stade du cycle mentruel se fait sentir à bien d’autres niveaux, comme la simple démarche d’un homme. Les femmes sont en effet davantage attirées vers des démarches plus viriles lorsqu’elles sont en phase d’ovulation, et plus vers des démarches moins masculines lorsqu’elles sont en phase menstruelle.

Par ailleurs, les femmes qui ont de la facilité à s’engager dans des relations sexuelles spontanées seraient, elles aussi, plus sensibles aux démarches viriles. Cette ouverture sexuelle, qui depend en partie du type d’éducation sexuelle reçu, se laisserait davantage guider par des indices d’origine génétique, comme la démarche, que par d’autres critères plus sociaux (tempérament, sensibilité, niveau de revenus ou d’éducation, etc.) plus considérés par les femmes ayant reçu une éducation plus restrictive sur le plan sexuel.

Les données montrant que l’effet facilitateur de l’ovulation sur le comportement sexuel des femmes ne s’arrêtent pas là. Les jeunes femmes accepteraient environ trois fois plus facilement de donner leur numéro de téléphone à un garçon lorsqu’elles sont en période d’ovulation. Même chose pour les mots à connotation sexuelle qui attirent plus rapidement l’attention des femmes lorsqu’elles ovulent. Les femmes seraient également plus attirantes pour les hommes à ce moment et s’habilleraient aussi de façon plus provocante à ce stade de leur cycle.

D’autres études compliquent encore le tableau… de chasse de la femme: le revenu ou le statut social élevé d’un individu peut le rendre attirant aux yeux des femmes malgré un physique quelconque. Cela ne semble cependant pas être le cas chez l’homme pour qui une femme jugée peu attirante le demeurera malgré un statut social élevé. 

Cet exemple nous amène à notre troisième mécanisme infuençant nos critères de beauté, l’apprentissage culturel. En effet, bien que le statut social élevé d’un mâle soit un critère largement recherché chez les femelles primates, les manifestations visuelles ou comportementales de ce statut élevé sont fortement teinté d’un apprentissage culturel chez l’humain.

L’apprentissage est donc le mécanisme d’ajustement fin (“fine-tuning”, en anglais) qui permet aux mécanismes de séduction d’être spécifiquement adaptés à une culture, et même à un mode de vie (ville, campagne, etc.) ou à une histoire de vie particulière. Bref, c’est ce qui fait qu’on n’est pas tous attirés par les mêmes personnes.

L’aspect culturellement appris de la beauté s’observe par exemple entre différents groupes ethniques qui ne se trouvent généralement pas attirant de prime abord. Mais lorsqu’un groupe a un statut socio-économique plus élevé que l’autre, les traits physiques de ceux-ci tendent à devenir des critères de beauté pour les groupes ethnique de statut moindre. On pense par exemple aux nombreux noirs américains qui faisaient “défriser” leur cheveux quand ce n’était que des blancs qui occupaient des postes politiques ou économiques importants aux États-Unis. Or depuis l’apparition de noirs à des postes de pouvoir, on note une appréciation esthétique grandissante pour les traits négroïdes comme les nez plus larges ou les cheveux très frisés.

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