Le financement de ce site est assuré par vos dons, merci!
 
Que d'émotions!
aide

Peur, anxiété et angoisse

Désir, amour, attachement


Liens
AideLien : Origins of Humanness in the Biology of LoveLien : La douleur de l’exclusionLien : BIOLOGY OF LOVE
Lien : Promoting Compassionate Concern in Social Work: Reflections on Ethics, Biology and Love

Capsules originales

Outil :  La gestion du stressCe que nous révèlent les cerveaux divisés sur le langage.
Histoire :  La culture de la peur en Amérique, une longue histoire  L’hominisation, ou l’histoire de la lignée humaine.


Chercher du sens à la vie devant la mort

Pour Maturana et Verden-Zoller, une émotion n’est pas simplement quelque chose de positif ou de négatif que l’on ressent. Il s’agit plutôt de « dispositions à agir » qui ont été le moteur de l’évolution biologique de notre espèce.

Pour eux, ce que l’on a l’habitude de distinguer comme des émotions dans notre vie de tous les jours correspond à certains types de comportements qui nous permettent d’entrer en relation avec les autres. Différentes émotions peuvent ainsi être définies comme différents domaines relationnels possibles, ou encore comme des dispositions dynamiques du corps pour certains comportements relationnels.

Et c’est en ce sens qu’ils parlent de l’amour comme d’une émotion fondamentale, autrement dit comme un mode de relation qui n’a pas besoin d’être appris puisqu’il est pour eux intrinsèque à notre condition humaine.


Ce n’est pas par un raisonnement ou une déduction logique que nous apparaît le  caractère souhaitable ou répréhensible d’un comportement, mais bien par les émotions qu’il suscite en nous.

Il ne fait pas de doute que nous utilison la raison pour justifier ou condamner certaines conduites lorsque nous parlons. Mais ce qui détermine la valeur morale  positive ou négative que nous ressentons face à telle ou telle action, ce sont des phénomènes affectifs qui s’appuient sur l’empathie et l’acceptation mutuelle.

Lien : Le goût derrière nos choix, même politiques

L'AMOUR COMME CIMENT SOCIAL

Comment se fait-il que nous puissions à la fois prendre soin de nos proches, avoir des préoccupations éthiques plus larges, et en même temps nier tout cela par des agressions et des guerres justifiées rationnellement ?

Poser cette question, c’est poser celle de la « nature humaine » et des types de  rapports sociaux qui en découlent. Vaste question qui a animé des siècles de débat en philosophie, en sociologie ou en anthropologie. Certains primatologues ont par exemple montré que la coopération et la compétition sont deux grandes familles de comportements que l’on retrouve chez bien d’autres espèces de primates. Ils rappellent que « l’autre » peut être un obstacle à la satisfaction de besoins personnels (auquel cas, il y a de la compétition) ou un outil pour les satisfaire (auquel cas, il y a de la coopération). Ces deux processus, qui modulent ainsi toute notre vie sociale et se parent de tous les vernis culturels imaginables, ont cependant des bases biologiques.

Dans Origins of Humanness in the Biology of Love, Humberto Maturana (voir le premier encadré à gauche) et Gerda Verden-Zoller postulent que ce sont les liens de coopération qui ont eu la plus grande influence sur le développement cognitif singulier de la lignée humaine, et en particulier sur ce que nous appelons couramment nos émotions (voir le second encadré à gauche).  

Maturana et Verden-Zoller considèrent comme primordial le flot d’émotions (« émotioning », dans leurs écrits en anglais) qui traverse notre vie quotidienne et qui oriente la façon particulière dont nous, les êtres humains, organisons nos rapports avec les autres.  

Et parmi toutes les émotions, celle qui pour ces auteurs est la plus fondamentale, celle qui a fait de nous une espèce « parlante » (« languaging beings »), est ce qu’ils appellent tout simplement « l’amour ».

Le mot amour étant souvent utilisé à toutes les sauces, il est bon de préciser qu’il n’a pas ici de connotation morale qui en ferait quelque grande vertu d’un point de vue religieux ou philosophique. On réfère plutôt aux origines évolutives de cette émotion au cœur du mode de vie du type particulier de primate que nous sommes. 

On considère que, biologiquement, l’amour peut être redéfini comme une émotion prédisposant à la confiance et à l’acceptation de l’autre. Et donc qu’aimer, chez l’être humain doué de langage, c’est accepter l’autre comme un interlocuteur légitime et lui ouvrir une place pour exister à nos côtés. Et c’est en ce sens que l’amour est, pour ces auteurs, à la base même des rapports sociaux entre les humains, puisque sans acceptation des autres à nos côtés, il n’y a pas de processus social, et donc pas d’humanité.

Les travaux de Verden-Zoller ont par exemple montré à quel point l’acceptation sans condition de l’enfant par sa mère et la confiance totale qu’elle génère chez l’enfant sont fondamentales pour son développement harmonieux. Et l’on sait aujourd’hui quelles hormones, l’ocytocine en tête, contribuent à cet attachement mère – enfant (le sens de « mère » pouvant toutefois être ici étendu à toute figure d’attachement, un homme par exemple).

Dans ces conditions favorables, l’enfant peut laisser libre cours à ses jeux, à la découverte de son corps. Par la suite, en entrant en contact avec d’autres individus à la garderie ou à l’école, il poura extrapoler cette attitude de confiance facilitant l’intégration sociale tout en perpétuant cette façon d’être dans les groupes humains. Il sera en cela aidé par la néoténie importante de notre espèce, c’est-à-dire la conservation durant toute la vie adulte de caractères juvéniles.

Cela dit, la compétition et la recherche de la dominance au sein d’une hiérarchie sont des phénomènes chez tous les primates, y compris les humains, enfants ou adultes. Et il ne fait pas de doute pour ces auteurs que la guerre et l’exploitation sont omniprésentes chez l’humain avec, comme c’est souvent le cas, une puissance décuplée, notamment par les manipulations langagières et les justifications rationnelles (voir la capsule expérience en haut à gauche).

Pour Maturana et Verden-Zoller, nous serions toutefois avant tout des animaux « aimant », mais qui auraient  progressivement valorisé une culture de compétition et d’agression, plutôt que l’inverse (des êtres dont la nature biologique fondamentale serait le déni de l’autre, mais qui seraient capables d’aimer occasionnellement).

Cette prépondérance du lien amoureux au sens large de reconnaissance de l’autre et de sa légitimité émerge bien entendu progressivement tout au long de l’hominisation (voir la capsule histoire en haut à gauche). La séquence temporelle précise des événements qui l’ont rendu possible est encore débattue mais, on commence à en saisir les moments marquants.

 

Humberto Maturana est un biologiste chilien dont les travaux ont eu une influence en philosophie et en sciences cognitives, avec la notion d’autonomie comme fil conducteur de ses travaux.

Au début des années 1970, avec son étudiant devenu collègue Francisco Varela, il élabore le concept d’autopoïèse comme définition minimale d’un système vivant. Ses travaux sur la perception visuelle et son implication au sein de ce qu’on a appelé la « deuxième cybernétique » l’amènent à distinguer le point de vue interne du système autonome du point de vue externe de l’observateur « objectif ».

Cette épistémologie « constructiviste » a des implications jusque dans la théorie de l’évolution où, avec Varela, il attire l’attention sur la « dérive génétique » («natural drift», en anglais), contribution importante découlant de leur conception de « couplage structurel » d’un organisme avec son environnement.   

Depuis l’an 2000, il a fondé son propre centre de recherche (« Instituto de Formación Matriztica”, en espagnol), où il poursuit sa réflexion sur les bases biologiques des cultures humaines, du langage et de l’amour. Bref de cette façon de vivre (“way of living”, en anglais) particulière au coeur de l’existence humaine.

  Présentations | Crédits | Contact | Copyleft