Capsule expérience: Ce que nous révèlent les cerveaux divisés sur le langage.

La communication entre les deux hémisphères cérébraux est rendue possible par des faisceaux d'axones, ou commissures, qui les relient entre eux. La plus volumineuse, appelée corps calleux, est composée d'environ 200 millions d'axones qui passent d'un hémisphère à l'autre.

Dans les années 1950, l'équipe de Roger Sperry a découvert que le sectionnement du corps calleux chez le chat ou chez le singe n'a curieusement pas d'effets notables sur le comportement de l'animal. Seul des protocoles expérimentaux particuliers ont montré que ces animaux réagissaient parfois comme s'ils avaient deux cerveaux.

Cette absence de déficits majeurs chez l'animal au corps calleux sectionné a donné l'idée aux chirurgiens d'opérer ainsi certains patients dont les crises d'épilepsie sévères et fréquentes leur ruinaient l'existence. Le foyer épileptique de certains de ces patients étant localisé dans un seul hémisphère, l'opération empêchait avec succès la propagation de la crise d'épilepsie à l'autre hémisphère. Ces individus au " cerveau divisé " (" split-brain ", en anglais) retrouvaient alors une vie convenable et, comme les animaux au cerveau divisé, ne montraient pratiquement pas de séquelles à la séparation de leur cerveau dans la vie de tous les jours.

 

Le neurospsychologue Michael Gazzaniga, qui travaillait au début de sa carrière avec Roger Sperry, a mis au point plusieurs dispositifs permettant d'étudier les différences fonctionnelles des deux hémisphères chez ces patients. L'idée était de faire en sorte que des stimuli ne parviennent qu'à un seul hémisphère pour voir comment cet hémisphère réussit seul à traiter tel stimulus.

 

Pour étudier le langage, Gazzaniga demandait au sujet de fixer un point central sur un écran et projetait à droite ou à gauche de ce point des images, des mots ou des phrases. En projetant l'image assez brièvement pour que les yeux n'aient pas le temps de bouger, on peut ainsi " parler " à l'un où l'autre des deux hémisphères : le droit reçoit l'information projeté dans le champ visuel gauche, et le gauche celle projetée dans le champ visuel droit.

Les sujets peuvent ainsi répéter sans difficulté les chiffres, les mots ou les images projetées dans champ visuel droit puisque l'hémisphère gauche qui les traite est dominant pour le langage. De même, si on lui demande de fermer les yeux et de palper des objets avec sa main droite, il peut les décrire sans problème.

Il en va cependant tout autrement pour les stimulus présentés dans le champ visuel gauche ou les objets manipulés par la main gauche : le sujet est incapable de les décrire. Pour les stimuli visuels, il dit même qu'il n'a rien vu !

Bien que l'hémisphère droit démontre des lacunes dramatiques dans le traitement du langage, il n'est pas dénué pour autant de toute capacité langagière. Il peut lire et comprendre des chiffres, des lettres et des énoncés courts, à condition que la preuve de cette compréhension ne soit pas donnée verbalement.

Par exemple si l'on présente un mot à l'hémisphère droit seulement, le sujet répond qu'il ne voit rien, car son hémisphère gauche dominant pour le langage n'a effectivement rien vu à cause du corps calleux coupé. Mais si l'on insiste en demandant au sujet d'utiliser sa main gauche pour choisir une carte avec le dessin du mot qu'il a vu, ou de prendre l'objet en question en le palpant, il réussit sans problème. L'hémisphère droit ne peut donc pas s'exprimer avec des phrases complexes, mais il peut clairement reconnaître les mots.

Dans une autre expérience, on avait présenté à l'hémisphère droit d'une femme la photo d'un nu. Questionnée sur la nature de la photo, la patiente s'est mise à rire en expliquant qu'elle ne savait pas pourquoi elle riait mais que c'était peut-être à cause de la machine qui projetait les images.

Certaines expériences effectuées avec des personnes au cerveau divisé ont aussi amené Gazzaniga à élaborer son concept " d'interprète " situé dans l'hémisphère gauche de notre cerveau. Dans l'une de ces expériences classiques, le patient au cerveau divisé devait pointer avec ses deux mains deux objets correspondant à deux images vues sur l'écran divisé, donc par chacun de ses hémisphères isolés. Dans l'essai illustré ici, la main gauche pointe la pelle parce que l'hémisphère droit, qui la contrôle, a vu la scène d'hiver, et la main droite pointe la poule parce que le cerveau gauche a vu la patte de poule.

Mais lorsqu'on demande au patient d'expliquer pourquoi sa main gauche pointe la pelle, son hémisphère parlant (le gauche), n'a pas accès à l'information vue par le droit et " interprète " son comportement en répondant que c'est parce qu'on utilise une pelle pour nettoyer le poulailler ! Ce type d'expérience montre à quel point notre cerveau est prompt à fournir des justifications langagières pour expliquer notre comportement.

Ces expériences ont donc contribué à mettre en évidence la latéralisation du langage en plus de montrer d'autres différences fonctionnelles entre les hémisphères droit et gauche.

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Chercheur: Michael Gazzaniga  Chercheur :  WHOLE-BRAIN INTERPRETER : Michael GazzanigaChercheur :  Roger Wolcott SperryChercheur :  SPERRY RogerChercheur :  Roger W. Sperry - AutobiographyOutil : Théories du soi

 

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Un cerveau divisé en deux, ça donne une ou deux personnes ?

 

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