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De
l'embryon à la morale |
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Le « dilemme moral
de Heinz » est un exemple classique de dilemme posé
par Kohlberg à ses sujets. Il se résume comme
suit.
La femme de Heinz est très malade. Elle peut mourir
d’un instant à l’autre si elle
ne prend pas un médicament X. Celui-ci est hors de prix
et Heinz ne peut le payer. Il se rend néanmoins chez
le pharmacien et lui demande le médicament, ne fût-ce
qu’à crédit. Le pharmacien refuse. Que
devrait faire Heinz ? Laisser mourir sa femme ou voler le médicament
?
Ce qui va intéresser Kohlberg n’est pas tant la
réponse apportée par le sujet que la structure
du raisonnement y ayant mené. Ainsi, on peut choisir
une même issue au dilemme mais pour des raisons différentes
qui vont révéler les fondements du jugement moral
du sujet.
Un enfant dira par exemple que Heinz doit laisser mourir sa
femme pour ne pas aller en prison, et un autre enfant parce
que sinon Dieu le punirait de laisser mourir sa femme. Ou encore
un adulte pourrait dire qu’il doit laisser mourir sa
femme parce que le vol est interdit par la loi, et un autre
qu’il doit voler le pharmacien parce que la non-assistance
à personne en danger est punissable par la loi. Mais
les deux adultes révéleraient ici un raisonnement
moral conventionnel au stade 4 de Kohlberg.
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Lawrence Kohlberg a été l’un
des premiers, à la suite de Jean
Piaget, à s’intéresser au développement
moral de l’individu. En soumettant ses sujets à des
dilemmes moraux sous forme de petites histoires, Kohlberg leur demandait
de porter un jugement moral sur le comportement de l’acteur
principal de l’histoire. En s’attardant surtout sur
les raisons évoquées pour porter leur jugement, Kohlberg
en vint à dégager trois
grands niveaux de jugement moral, lesquels se subdivisent à
leur tour en deux pour former six stades successifs où la
personne tient de plus en plus compte des autres dans sa façon
de se comporter.
Les deux premiers stades, dits
« préconventionnels », ont lieu avant que
l’individu ne prenne conscience des conventions sociales.
Au stade 1 (entre 2-3 ans et 5-6 ans environ),
il cherche surtout à éviter la punition que les
détenteurs de l’autorité
(les parents par exemple) peuvent lui donner. |
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Au stade 2 (entre
5 et 7 ans, jusqu’à 9 pour certains), il apprend
qu’il est dans son intérêt de bien agir
parce qu’il y a des récompenses
à la clé. |
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Les deux stades suivants sont décrits
comme « conventionnels » car ce n’est plus
l’individu mais le groupe social (famille, amis) qui
est vu comme détenteur du pouvoir. Au stade
3 (entre 7 et 12 ans environ), l’individu ressent
le besoin de satisfaire aux attentes des membres de son groupe
d’appartenance. Ce faisant, il cherche à préserver
des règles engendrant un comportement prévisible. |
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Au stade 4 (entre 10
et 15 ans en moyenne), les conventions qui orientent le comportement
s’étendent à celles de la société dans
laquelle évolue la personne. En réfléchissant
au bien-fondé
d’une action, l’individu se demande si elle est
conforme aux normes et aux lois de la société
dans laquelle il évolue. |
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Les deux derniers stades se situent
au-delà des balises d’une société
donnée et sont qualifiés pour cette raison de « postconventionnels ».
Au stade 5 (dès 12 ans pour certains),
l’individu a l’impression d’avoir un engagement
contractuel, librement consenti, envers chaque personne de
son entourage. Cet engagement se fonde sur une estimation rationnelle
des bienfaits que chacun pourrait retirer de l’existence
de ces règles et d’une recherche du consensus. |
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Au stade 6, ce sont
des principes moraux universels qui influencent les jugements
du bien ou du mal. La personne admet que les lois et les accords
sociaux ont une certaine validité, mais si les lois
entrent en conflit avec ses principes fondés sur la
dignité humaine, il respectera plutôt ces derniers
qu’il considère comme une exigence intérieure. |
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Pour Kohlberg, les gens franchissent
ces stades dans l'ordre indiqué, la plupart des enfants possédant
une moralité préconventionnelle, et la plupart des
adultes une moralité conventionnelle. Quant au niveau postconventionnel,
Kohlberg évaluait à seulement 20 ou 25 % la proportion
des adultes qui l’atteignent.
Kohlberg a un peu plus tard décrit un stade 7, appelé
mystique, qui désigne un stade méta-éthique
: le sujet devient capable de problématiser toute action
ou intention en se demandant pourquoi celle-ci pourrait être
morale.
Cette modélisation du développement moral, bien
qu'elle soit critiquable à bien des égards, a
l’intérêt de rappeler certaines lignes de force
qui structurent le cheminement d'un individu pour construire son
rapport aux autres.
Une étude a été
menée chez 183 militants opposés aux politiques
nucléaires, aux impôts, etc. Comparé aux
non résistants, ces militants rejetaient plus fortement
les autorités sociales et politiques et croyaient que
la conscience individuelle était un meilleur guide
de conduite que les lois. Ces conceptions morales les place
donc dans les stades 5 et 6 de Kohlberg. En comparaison, les
conservateurs se situaient surtout au stade 4 et les libéraux
au stade 5.
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