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Chercheur
Chercheur : CAROL GILLIGAN (1936-Current)

Plusieurs études ont montré qu’il existe des différences culturelles dans la manière d’évaluer un dilemme moral. Une même expérience menée avec des Américains de tradition chrétienne et des Indiens de tradition Indou a ainsi montré que, en terme de responsabilité sociale, les premiers s’en remettaient davantage à des notions d’individualité et de liberté de choix, alors que la culture indienne amenait ses sujets à mettre davantage l’emphase sur les relations interpersonnelles et l’influence de la communauté.

D’autres différences sous-entendant les mêmes a priori culturels ont aussi été mises en évidence entre ces deux communautés, comme par exemple la propension à pardonner certains comportements qui semble plus valorisée dans la communauté indienne que dans l’américaine.


Tant du côté de Kohlberg que de celui de Gilligan, on postule que le jugement moral découle d’un modèle interne qui est constant pour un individu donné, peu importe la situation avec laquelle il est confronté. Mais cela ne semble pas toujours être le cas. Une étude plus récente a par exemple montré que 85% des sujets ont pris leurs décisions morales en se basant sur trois stades différents de la théorie de Kohlberg, et 25% l’ont fait en se basant alternativement sur cinq stades différents ! Si de tels stades peuvent être définis, l’abandon complet d’un stade inférieur lors du passage à un stade supérieur semble loin d’être évident…

LE DÉVELOPPEMENT MORAL


Kohlberg a élaboré ses trois grands niveaux de moralité et ses six stades moraux particuliers en s’appuyant sur des dilemmes moraux. Or le propre du dilemme moral est de placer l’individu devant le choix d’un jugement ou d’une action qui n’est pas sans conséquence pour autrui. C’est pourquoi certains ont avancé que l’on ne peut pas véritablement parler de stades moraux aux stades 1 et 2 parce que l’enfant est encore trop centré sur lui-même.

De nombreuses autres critiques ont d’ailleurs été faites à l’endroit du modèle de Kohlberg. Ainsi, qui dit développement moral suppose forcément des critères à même de mesurer l’évolution de cette morale. Or les critères qui rendent un raisonnement moral pour Kohlberg présentent certains présupposés philosophiques dans la mesure où cette définition en est datée dans le temps. Il aurait été très difficile par exemple d’évoquer des principes universels de droit de la personne (stade 6 de Kohlberg) à l’époque de la Grèce Antique puisque les hommes n’étaient pas conçus égaux entre eux, les femmes et les esclaves n’ayant pas le droit de vote. De même un peu plus tard, sous la domination du christianisme, il pouvait y avoir conflit entre les normes en usage et les normes édictées par Dieu et par l’Église, ce qui ne devait pas rendre la tâche facile à une personne au stade 4 de Kohlberg...

Certains psychologues croient pour leur part que les renforcements positifs et négatifs que reçoit un enfant à la maison auraient davantage d’influence sur son développement moral qu’une progression naturelle par stades comme celle proposée par Kohlberg.

Les travaux de Kohlberg ont aussi soulevé plusieurs questions sur le plan méthodologique. Par exemple, lorsqu’une personne affirme qu’elle ferait telle ou telle chose après la lecture d’un dilemme moral, agirait-elle nécessairement de la sorte si ce dilemme se présenterait réellement à elle ? Autrement dit, notre action n’est-elle pas influencée par bien d’autres facteurs que notre seul jugement moral sur celle-ci (pressions sociales, dépendances, peur, etc.) ? Ou encore : est-ce qu’un enfant évalué un certain jour par un chercheur particulier se verrait attribuer le même stade moral par un autre chercheur quelques jours plus tard ?



Et qu’en est-il des différences entre les hommes et les femmes ? On sait que les femmes accordent plus d’importance aux relations interpersonnelles pour résoudre les dilemmes moraux. Or cette attitude amène ceux qui les évaluent à leur attribuer un stade moins élevé que les hommes qui se basent plus explicitement sur la justice et l’équité, ce qui les place au stade 5 ou 6.

Carol Gilligan a été la première à faire remarquer que, les interviews de Kohlberg ayant mené à l'élaboration de ses stades ne comportant que des hommes, il était fort possible qu’ils soient biaisés en leur faveur. En écoutant de nombreuses femmes, Gilligan s’est aperçu qu’une moralité s’appuyant sur la sollicitude («morality of care», en anglais) remplaçait bien souvent chez la femme la moralité du droit et de la justice prépondérante chez l’homme et adoptée par Kohlberg.

En fait, Gilligan s’est aperçu que tant chez les hommes que chez les femmes, il semble y avoir toujours deux injonctions dans les jugements moraux : l’injonction de ne pas traiter les autres injustement (basée sur la justice), et l’injonction de s’occuper de quelqu’un dans le besoin (basée sur la sollicitude). Les travaux de Gilligan ont donc eu un impact non négligeable en montrant que l’attention aux autres constitue une composante fondamentale de notre raisonnement moral.

 

D’autres travaux, menés ceux-là par Elliot Turiel et ses collègues, ont permis d’établir une distinction entre d’une part le développement moral de l’enfant et d’autre part des domaines de compétences sociales comme celui des conventions par exemple. Pour eux, cette distinction se fait naturellement à mesure que l’enfant découvre différentes formes d’expériences sociales associées à ces deux catégories d’événements sociaux.

Les événements à contenu moral sont ceux qui ont un effet direct sur le bien-être d’autrui, comme le frapper ou le voler. À l’opposé, les actions qui dépendent de conventions sociales n’ont généralement pas d’effets intrinsèques sur la personne, comme le fait d’appeler un professeur «Professeur», «Monsieur» ou simplement en utilisant son prénom. Le fait que dans un contexte social donné, l’une de ces formules soit considérée comme meilleure qu’une autre montre tout de même que les conventions sociales jouent un rôle important pour faciliter les rapports sociaux.

L’apport de Turiel à notre compréhension du développement moral a été de montrer que la moralité et les conventions sociales suivent deux voies de développement parallèles, plutôt qu’une seule comme l’avait présupposé Kohlberg. Toutefois comme le moindre événement social prend place au sein d’un ensemble social plus vaste, chaque raisonnement moral s’inscrit non seulement dans le cadre de certaines conventions, mais aussi dans le cadre plus large d’un contexte historique et culturel particulier (voir encadré).



Une autre critique adressée à Kohlberg est qu’il ne semble jamais envisager l’utilisation d’un jugement moral à des fins stratégiques. En d’autres termes, qu’il puisse mener tant à instrumentaliser ou à manipuler autrui qu'à s'entendre avec lui.

On voit d'emblée les implications pédagogiques de ce questionnement : suffirait-il d'enseigner l'échelle du développement moral de Kohlberg dans les écoles pour avoir du coup des sujets moraux ? Cela semble bien improbable, et force est d’admettre que l'expérience quotidienne nous montre régulièrement des attitudes de sollicitude qui ne se fondent pas tant sur des principes et des raisonnements moraux mais bien sur des retours d’ascenseur espérés chez les autres.

 

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