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L’amour et la haine sont souvent perçus
comme des contraires. Mais il semblerait que ce ne soit pas le cas, du moins au
niveau de leur activité cérébrale respective. Le véritable
opposé de l’amour serait en effet bien plus quelque chose comme l’indifférence,
si l’on se fie aux données disponibles. On sait par exemple
que les circuits cérébraux associés à la réaction
de rage sont en relation étroite avec les circuits de la récompense
dans le cortex préfrontal (incluant la récompense de gagner le cœur
d’une personne aimée). Si l’on stimule ces circuits de la récompense
d’un chat, celui-ci montre des signes de plaisir intense, mais dès
qu’on cesse la stimulation, il cherche à mordre. Cette réponse
de frustration agressive à des attentes déçues est très
répandue. En 2008, dans une autre étude, en imagerie cérébrale
cette fois, Zeki et Romaya ont montré qu’il y a un pattern d’activité
propre à la réaction de haine chez l’humain. Un pattern d’activation
qui partage certaines régions avec le circuit de l’amour romantique,
comme le
putamen ou l’insula.
Mais un pattern qui a aussi des zones d’activation qui lui sont spécifiques
et qui diffèrent de celles d’autres émotions comme la
peur. Ainsi, la large portion du cortex, associée au jugement
et au raisonnement, qui est désactivée lors de la romance amoureuse,
ne l’est pas en situation de haine. De même, une région impliquée
dans la prédiction des actions d’autrui voit pour sa part son activité
augmenter. Une réponse qui semble adéquate pour une personne devant
parer les éventuelles attaques de son rival ou de son ennemi. Enfin, dans
certaines régions comme l’insula, le cortex
prémoteur et le cortex fronto-médial (dans l’hémisphère
droit seulement pour les trois) le niveau d’activation était proportionnel
au niveau de haine déclaré par le sujet envers les gens apparaissant
sur les photos qui lui étaient présentées. | | |
DES RÉSEAUX CÉRÉBRAUX POUR DIFFÉRENTS
MOMENTS AMOUREUX | | Le refus d’une relation
sexuelle amène rarement autant de détresse que la rupture ou le
rejet par une personne aimée. On estime d’ailleurs que près
de 40 % des amoureux abandonnés sombrent dans la
dépression. La relation amoureuse implique
l’activation de circuits cérébraux différents de ceux
du désir sexuel. Cette distinction a son importance pour comprendre
les résultats de l’imagerie cérébrale effectuée
sur des personnes récemment rejetées d’une relation amoureuse.
En effet, lorsque celles-ci regardent la photo de
leur ex, on constate une activation des zones
cérébrales associées à la passion amoureuse. Cela
concorde avec le
phénomène de frustration-attraction, une phase initiale qui
suit habituellement la rupture où la personne rejetée en veut à
son ex-conjoint(e) tout en continuant de cultiver sa passion à son endroit.
Plusieurs autres régions
cérébrales montrent également une plus grande activité
à la vue des photos de l’ex-conjoint(e) par rapport à d’autres
photos d’ami(e)s. Par exemple, des régions associées à
la détresse accompagnant une douleur physique et au contrôle des
émotions, ce qui est bien compréhensible dans les circonstances.
Mais aussi des régions situées dans
le cortex orbitofrontal latéral et impliquées dans les
troubles obsessionnels-compulsifs et dans l’évaluation du comportement
d’autrui (la « théorie
de l’esprit »). Encore une fois des données cohérentes
avec ce que l’on sait des pensées en boucle qui habitent la personne
en peine d’amour : « Qu’est-ce que j’ai fait
? Qu’est-ce que j’aurais dû faire ? Qu’est-ce que je devrais
faire à partir de maintenant ? », etc. Clairement, la personne
essaie de comprendre ce qui lui est arrivé. | |
Activation de plusieurs régions cérébrales
suite à la présentation d’un stimulus évoquant le rejet
amoureux. Les régions indiquées par des flèches sont nommées
de gauche à droite. En A : cortex préfrontal ventrolatéral
droit, nucleus accumbens et pallidum ventral, aire tegmentale ventrale; en B :
cortex prémoteur, nucleus accumbens, putamen ventral; en E : insula
antérieure droite, cortex orbitofrontal médian; en F : cortex
cingulaire antérieur, cortex préfrontal dorsolatéral gauche.
R = côté droit. (Source : Fisher et al., 2010) |
Plus surprenant a
été de constater l’activation de voies neuronales associées
à la
dépendance aux drogues et au manque que ressent le toxicomane durant
le
sevrage, en particulier l’aire
tegmentale ventrale. Ces voies souvent désignées comme nos « circuits
de la récompense » sont étroitement liées à
notre suvie. Ce sont également celles qui sont surstimulées chez
les joueurs compulsifs. Pas étonnant alors de
constater que les sentiments douloureux qui nous assaillent suite à une
rupture amoureuse s’apparentent à ceux d’une personne dépendante
en manque de sa drogue. Comme elle, le sevrage est long et pénible, et
peut s’accompagner de rechutes provoquées par un stimulus quelconque
lié à la personne aimée. De plus,
on observe que la
voie méso-limbique, importante pour la mémoire et la motivation
du comportement amoureux, est sollicitée peu importe que l’on soit
heureux ou malheureux en amour, et que ce système est sujet à l’apprentissage.
Et c’est, au fond,
une bonne nouvelle que la rupture amoureuse soit un processus d’apprentissage,
certes difficile, mais un processus d’apprentissage comme un autre. Car
dans les expériences d'imagerie cérébrale, plus les amoureux
avaient rompu depuis longtemps, moins intense était l’activation
des régions cérébrales associées à l’amour
romantique, notamment celles liées à l’attachement. Autrement
dit, si l’amour peut blesser, le temps peut guérir. Mais
encore faut-il donner sa chance au temps... Car pour Helen Fisher, l’une
des scientifiques ayant participé en 2010 à l’étude
d’imagerie cérébrale sur la rupture amoureuse, celle-ci doit
être considérée comme une véritable dépendance
et traitée comme telle. De la même façon qu’une personne
dépendante d’une substance doit éviter l’environnement
où elle consommait sa drogue, Fisher suggère d’éviter
les occasions qui pourraient raviver les circuits de l’amour romantique
envers l’ex (en se tenant loin des photos, des lettres et, bien entendu,
de la personne en question pour quelques années). Et de chasser les idées
noires associées à la rupture, en faisant par exemple de l’exercice,
ce qui est un moyen simple et efficace pour se remonter le moral !
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