Une des illusions les plus communes est celle
de la pleine lune qui nous paraît énorme quand elle
se lève à l’horizon. Il s’agit clairement d’une
mauvaise interprétation du cerveau puisque la lune, située à
385 000 km de la Terre, couvre par conséquent sur la rétine toujours
le même arc de cercle d’environ 0,5 degrés, qu’elle soit
à l’horizon ou au-dessus de nos têtes.
L’image
formée sur la rétine étant donc toujours la même, c’est
la présence de l’horizon près de la lune qui nous la fait
ressentir comme plus grosse. Pour s’en convaincre, on peut faire un trou
dans une feuille de papier et y regarder la lune se lever, mais sans voir l’horizon.
La lune nous paraît alors plus petite, si bien que si l’on ouvre l’autre
œil qui peut voir l’horizon, les deux yeux vont voir chacun une lune
de taille différente !
Par expérience, nous savons qu’un
nuage, un avion ou un arbre sera plus petit s’il est près de l’horizon
que s’il est au-dessus de nous. Cette règle s’applique à
tous les objets que nous côtoyons sur la Terre. Il semble donc que notre
appareil visuel a
été modelé par l’évolution à
partir de cette réalité et que nous sommes dépourvus quand
vient le temps d’interpréter un objet si éloigné comme
la lune qui occupe la même surface rétinienne qu’elle soit
près ou loin de l’horizon. Notre cerveau interprèterait donc
la lune comme étant plus grosse parce qu’il se dit que si son image
ne devient pas plus petite à l’horizon, c’est que cet objet
doit être vraiment très gros. Et il nous la fait percevoir en conséquence…
Une autre façon de l’expliquer est de dire que la distance par
défaut d’un objet est toujours moindre que celle de l’horizon
pour le cerveau. Bien entendu, le cerveau applique cette règle aux objets
terrestres car ce sont les seuls qu’il connaît… à part
la lune et le soleil. Pour ces deux corps célestes, leur distance ne varie
pas qu’ils soient à l’horizon ou au zénith, ce qui induit
notre système visuel en erreur. Des raffinements à cette explication
ont été proposés et les mécanismes psychologiques
qui provoquent l’illusion de la lune demeurent encore débattus.
LA PERCEPTION VISUELLE DÉVOILÉE PAR LES ILLUSIONS
D'OPTIQUE
Des mécanismes
à l’origine des illusions d’optique ont été localisés
un peu partout le long des voies visuelles. Si certaines prennent
naissance dans la rétine, la plupart sont cependant le fruit du travail
de reconstruction de l’image de notre cortex
visuel (voir encadré en bas).
Car contrairement à
ce que l’on ressent intuitivement, ce que nos sens nous montrent ne correspond
pas directement au « réel ». Avec la vision, il y a par exemple
une très grande réduction de la quantité d’information
entre l’image qui s’imprime sur la rétine et le message transmis
par le nerf optique. En effet, les 125 millions de photorécepteurs
qui reçoivent l’information lumineuse convergent vers 100 fois moins
de cellules ganglionnaires.
Pour compenser cette
masse d’information perdue et nous donner les perceptions riches en relief,
couleurs ou mouvements que nous avons, le cerveau introduit des paramètres
abstraits qui souvent complètent ou amplifient des éléments
fragmentaires de la réalité. Une interprétation tellement
performante qu’elle crée parfois ce qu’on appelle une illusion
d’optique, autrement dit une impression de cohérence là où
il n’y en a pas.
Dans les illusions dites géométriques,
on retrouve généralement un élément "inducteur"
qui provoque la mauvaise interprétation et un élément "test"
qui la subit. Par exemple, dans l’illusion de Zöllner (à droite),
les petites lignes verticales et horizontales sont l’élément
inducteur et les longs traits obliques, l’élément test.
Dans la mise en relation de grandeur, l’assimilation
d’un élément test à des éléments inducteurs
plus grands amène une sous-estimation de celui-ci. L’inverse se produit
avec des éléments inducteurs plus petits qui provoquent une surestimation
de l’élément test. Résultat : bien que rigoureusement
identiques, les deux éléments tests nous paraissent différents
à cause de l’effet
du contexte.
La présence de traits suggérant
un effet de perspective entraîne également des illusions
de grandeur. Pour deux objets de même grandeur, celui qui nous apparaît
plus éloignée à cause de l’effet de perspective sera
perçu comme étant plus grand.
Dans
l’illusion de Zöllner, les grandes lignes sont parallèles même
si on a l’impression qu’elles vont se croiser si on les prolonge (passez
la souris sur l’image pour vous en convaincre). Notre cerveau cherche à
ramener les angles formés par les petits traits avec ces grandes lignes
à des angles droits, « inclinant » ainsi les lignes les unes
vers les autres.
Passez
la souris sur l’image pour vous convaincre que les deux cercles
centraux sont de la même taille.
L’effet
de perspective est ici renforcé par le damier sur lesquels on se fie pour
estimer la taille des deux traits. Passez la souris sur l’image pour vous
convaincre que les deux lignes sont de la même longueur.
Deux points de vue incompatibles entre eux mis en
relation de façon astucieuse.
Jeune fille ou vieille femme ? Le menton de la jeune
correspond au nez de la vieille, l'oeil de la vieille correspond à l'oreille
de la jeune...
Certaines sont construites en combinant deux dessins qui suscitent des
interprétations incompatibles entres elles.
D’autres
portent sur l’ambiguïté, chaque dessin pouvant donner lieu à
au moins deux interprétations visuelles qui s’excluent mutuellement.
Une fois les indices concernant les différentes interprétations
identifiés, l'observateur peut ensuite passer volontairement d'une interprétation
à l'autre. Ce genre d’aller-retour entre deux interprétations
d’une même image s’apparente aux illusions
où la figure et le fond sont interchangeables.
Les
illusions de mouvement sont une autre grande catégorie d'illusions
d'optique. Certaines images peuvent
donner l’illusion que leurs éléments bougent lorsque l’observateur
se déplace légèrement par rapport à celle-ci. Pour
l’image ci-contre par exemple, il faut fixer le point central et avancer
la tête vers la figure pour voir les deux cercles faits de petits losanges
se mettre à tourner en sens opposé.
Pour d’autres images, il n’est même pas nécessaire de
bouger. Un mouvement apparent est généré simplement en regardant
l’image, par le seul arrangement graphique particulier de ses éléments.
C’est le cas avec la figure ci-contre où notre œil a de la difficulté
à établir les contours du cercle central.
L’illusion de mouvement de certaines
des roues de l’image ci-dessous se produit uniquement dans notre vision
périphérique. Sitôt qu’on fixe une roue, elle s’arrête
de bouger, mais pas celles qui se retrouvent en périphérie par rapport
à elle. Bien que cette illusion ne soit pas complètement expliquée,
on sait que l’ordre dans lequel sont placées les quatre zones de
couleur et de luminance différente est déterminant. Plus spécifiquement,
le mouvement illusoire tend à se produire d’une région noire
vers une région foncée adjacente mais de luminance plus élevée
(ici le bleu) ou d’une région blanche vers une région adjacente
colorée mais de moindre luminance (ici le jaune).
Source: Akiyoshi KITAOKA, Department of Psychology,
Ritsumeikan University, Kyoto, Japan
Dans
d’autres circonstances, il nous arrive de percevoir un mouvement quand des
images fixes sont simplement présentées successivement avec un délai
assez court entre les deux. Un exemple familier de ce type d’illusion est
appelé l’effet bêta. Dans sa forme la plus
simple, il peut être observé lorsque l’on fait apparaître
alternativement devant un observateur privé de repères deux points
lumineux légèrement décalés l’un par rapport
à l’autre. Au moment où un point s’éteint, l’autre
s’allume.
En fait, l’effet
bêta est le principe
à la base du cinéma par lequel une série d’images
fixes présentées rapidement nous donne l’impression du mouvement.
Les illusions géométriques
ne naissent pas dans la rétine puisqu’elles apparaissent presque
aussi nettement lorsque l’élément inducteur est placé
devant un oeil et l’élément test devant l’autre oeil.
Elles prennent donc naissance là où convergent pour la première
fois les informations en provenance de chaque œil, c’est-à-dire
au-delà du corps genouillé latéral, dans le cortex
visuel.