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L'émergence de la conscience
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AideLien : State of the Art - The Psychology of ConsciousnessLien : Timing of the brain events underlying access to consciousness during the attentional blink
Capsules originales
Outil : Imagerie CérébraleL'imagerie cérébrale

Stanislas Dehaene, une star de l'étude de lla conscience ?

La « réutilisation neuronale » pour enfin sortir de la phrénologie ?


Tout état conscient est un phénomène global impliquant l’activation de nombreuses régions du cerveau. Cela étant dit, on connaît certaines structures cérébrales participant davantage à certains types de phénomènes conscients.

Ainsi, l’aspect “contrôle volontaire et donc conscient du mouvement” et l’aspect “perception consciente des propriétés d’un objet ou de ses qualia” impliquent l’activation de différentes régions cérébrales. Dans la méditation axée sur la relaxation par exemple, ces deux aspects tendent d’ailleurs à se dissocier, avec un sentiment moindre de l’expérience du contrôle moteur conscient chez le sujet mais une augmentation de son expérience sensorielle.

Les expériences d’imagerie cérébrale sur les états méditatifs confirment cette expérience subjective au niveau cérébral en montrant par exemple une augmentation d’activité dans l’hippocampe, le lobe pariétal antérieur et le lobe occipital, des régions reconnues comme étant actives dans le traitement de l’information visuelle et somatosensorielle.

Outil : Expérience mystique et méditation : les corrélats neurobiologiques

Dans les années 1940, Wilder Penfield a effectué plusieurs opérations pour enlever des foyers épileptiques chez des patients anesthésiés localement et donc conscients durant l’opération. Avant de procéder à l’excision d’une zone corticale, Penfield appliquait des stimulations électriques à différents endroits sur le cortex pour être certain de ne pas enlever de régions importantes impliquées dans la parole par exemple. Lorsqu’il stimulait ainsi le cortex moteur primaire de ces patients, les membres correspondants bougeaient, mais les patients affirmaient que ces mouvements étaient involontaires et non intentionnels.

Ces expériences ont donc clairement démontré qu’en ce qui a trait aux mouvements, leur aspect volontaire ne dépend pas du cortex moteur primaire.

L’aire prémotrice et l’aire motrice supplémentaire, quant à elles, sont situées juste en avant du cortex moteur primaire. L’activation de certains groupes de neurones de ces régions produit des mouvements plus spécifiques de nos membres. Mais encore ici, on est loin de pouvoir affirmer que ce sont ces régions qui « décident » d’effectuer tel ou tel mouvement.

Chercheur : Wilder PenfieldChercheur : Wilder Penfield


VERS UNE CARTOGRAPHIE CÉRÉBRALE DES ÉTATS DE CONSCIENCE?

Parler de la conscience au niveau cérébral, c’est d’abord se situer dans une perspective philosophique matérialiste, c’est-à-dire considérer que c’est le cerveau, et donc la matière, qui engendre l’esprit humain. C’est aussi reconnaître que c’est l’activité des neurones qui est à l’origine de tous nos processus mentaux comme l’apprentissage, la mémoire, la perception, le langage, etc. Et la conscience, qui émerge en quelque sorte de toutes les autres propriétés du cerveau, ne fait donc pas exception à cette règle.

Parler du cerveau et de la conscience nous oblige aussi immédiatement à parler de l’inconscient. Le cerveau possède en effet une multitude de circuits spécialisés qui décodent à tout moment différents aspects de notre environnement sans que nous en ayons conscience. De même, la très grande majorité de nos comportements se font automatiquement sans que l’on ait conscience d’initier chaque geste. Même chose pour notre langue maternelle dont on utilise correctement la grammaire sans même nous en rendre compte. Finalement, certaines personnes souffrant de lésions cérébrales sont capables d’effectuer correctement des tâches sans en avoir conscience.

En bout de ligne, force est d’admettre que la très grande majorité de notre vie est réglée par des circuits cérébraux inconscients. Malgré cela, le flux de la conscience demeure omniprésent dans notre vie de tous les jours. Et comme nous allons le voir, ces états conscients sollicitent de vastes régions cérébrales.

Présentons donc d’abord quelques grandes régions du cerveau qui semblent particulièrement impliquées dans le phénomène de la conscience. D’abord la formation réticulée, dont le niveau d’activité influence notre état de vigilance, de veille et de sommeil. Ensuite le thalamus, la gare de triage de l’information en provenance du reste du corps. Et finalement le cortex, dont l’importance est cruciale pour toutes les formes de perception et de contrôle des mouvements volontaires.

Grâce aux techniques d’imagerie cérébrale (voir la capsule originale à gauche), on peut aussi voir les étapes qui mènent à l’émergence d’une image mentale consciente. Par exemple, quelles régions du cerveau sont sollicitées en premier, et quelles sont les autres qui s’activent ensuite pour avoir une perception visuelle consciente ?

Pour répondre à cette question, Claire Sergent, Sylvain Baillet et Stanislas Dehaene ont réussi à suivre l’évolution de l’activité nerveuse lorsqu’un mot brièvement projeté sur un écran est perçu consciemment ou non. Cette prise de conscience dépend de la durée de la projection : une durée courte d’environ un quart de seconde n’est pas perçu consciemment, mais une durée plus longue de l’ordre de trois quart de seconde, elle, va l’être.

Qu’observe-t-on alors dans le cerveau lorsque l’on projette un mot brièvement ou plus longuement ? Que le mot soit perçu ou pas, les 275 premières millisecondes (ms) sont identiques : seul le cortex visuel est activé. Cela correspond bien au traitement modulaire bien connu du cortex visuel. Mais par la suite, selon que le mot est rapporté comme ayant été vu consciemment ou non, l’activité cérébrale diffère (voir l'animation ci-contre).

Quand le mot est vu consciemment, l’activation est largement amplifiée et réverbérée d’abord à travers le cortex frontal (dès 275 ms), ensuite préfrontal (dès 300 ms), cingulaire antérieur (dès 430 ms) et finalement pariétal (dès 575 ms). Mais lorsque le mot n’est pas vu consciemment, l’activation demeure localisée dans le cortex visuel et s’éteint progressivement jusqu’à ce que toute activité cesse à partir de 300 ms.

Pour qu’il y ait conscience, il semble donc qu’il doit y avoir échange ou résonance entre différentes régions du cerveau. On le voit, les phénomènes conscients n’émergent pas d’un endroit unique dans le cerveau mais sont le fruit d’un système impliquant de multiples régions cérébrales. D’ailleurs, quand le cerveau d’un individu subit des lésions localisées, sa conscience peut être modifiée, mais elle s’évanouit rarement complètement.

La conscience ne semble également surgir que lorsque des aires dites «supérieures» comme le cortex frontal, qui est relié aux circuits de l’émotion et de la prise de décision, sont activées.

En avant des lobes frontaux se trouvent les lobes préfrontaux qui reçoivent d’innombrables connexions des autres régions du cerveau humain. Les voies visuelles ventrales et dorsales en provenance des lobes temporaux et pariétaux y aboutissent, pour ne citer que celles-là.

Il est difficile de définir clairement le rôle du cortex préfrontal. Mais il semble être impliqué dans la détermination de la séquence temporelle nécessaire pour une action donnée. Les patients ayant souffert d’une lésion au cortex préfrontal à qui l’on demande de reproduire une série de mouvements ont par exemple tendance à reproduire les bons mouvements mais dans le mauvais ordre.

Dans des tests où on leur demande de montrer différents usages pour un objet donné, ils font preuve d'une grande rigidité comportementale et une répétition excessive des comportements. En se cantonnant à l’usage le plus commun de l’objet, c’est comme s’ils échouaient à inhiber cet usage le plus commun pour laisser venir les autres.

Ces personnes aux lobes préfrontaux endommagés, comme le célèbre cas de Phineas Gage (voir la figure ci-contre et les liens ci-bas), peuvent aussi réagir de manière stéréotypée à la vue d’un objet, même si le contexte social est inapproprié. À la vue d’une brosse à dent, ils peuvent par exemple la prendre et se mettre à se brosser les dents, même s’ils sont chez quelqu’un d’autre et que la brosse ne leur appartient pas. Quand le caractère déplacé de leur comportement leur est souligné, ils deviennent confus ou inventent simplement une histoire justifiant leur comportement.

Parce qu’ils sont ainsi à la merci des moindres déclencheurs environnementaux, les personnes ayant un déficit aux lobes préfrontaux ont beaucoup de difficulté à formuler des plans et à les suivre. Ils peuvent aussi avoir des problèmes de mémoire quand la remémoration implique une stratégie de recherche. Et ils manquent bien souvent de spontanéité, en plus d'être plutôt indifférents à soi-même et aux autres. Et malgré tout, leur intelligence générale est intacte, de sorte qu’ils peuvent répondre correctement à des questions théoriques ou factuelles, mais ne vont pas souvent initier une conversation ou demander de l’information.

 


Le 13 septembre 1848, un ouvrier américain des chemins de fer, Phineas Gage, eut le crâne traversé par une barre de fer suite à une explosion. Contre toute attente, Gage se remit de son accident, mais son comportement changeât radicalement. L'étude de ses lésions permit de mieux comprendre les fonctions du lobe frontal. Source: Joan M.K. Tycko


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