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Intuition
et créativité : quand le non optimal devient optimal
L’extinction d’une peur
conditionnée survient lorsque l’on cesse d’appliquer le stimulus
nociceptif et que l’on fait prendre conscience à l’animal conditionné
qu’il n’a plus rien à craindre. Par exemple, si le
planché d’une cage donne un choc électrique aux pattes d’un
rat après qu’une sonnerie se fasse entendre, le rat apprend rapidement
à l’éviter en sautant dans un compartiment adjacent. Si l’on
bloque la porte et cesse les chocs, le rat comprend vite que le son n’est
plus associé au choc et cesse de tenter de traverser. On dit que son comportement
d’évitement est éteint. C’est ce phénomène
qui est à la base des thérapies cognitivo-comportementales utilisées
pour traiter les troubles anxieux. |
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ANORMALITÉS CÉRÉBRALES LIÉES
AUX TROUBLES ANXIEUX | | La peur conditionnée
(voir capsule expérience ci-contre) est considérée comme
le principal mécanisme derrière plusieurs troubles anxieux comme
les phobies ou l’état de stress post-traumatique. On parle d’une
peur conditionnée quand un stimulus neutre est associé de façon
durable à un stimulus aversif. La présentation du stimulus neutre
parvient alors au bout d’un certain temps à déclencher à
lui seul l’anxiété. C’est le bruit sourd du tonnerre
qui plongera soudainement l’ancien combattant dans l’angoisse du champ
de bataille.
Or les troubles anxieux peuvent être traités
avec succès par les thérapies comportementales (voir encadré)
qui reposent sur le phénomène de l’extinction d’une
peur conditionnée. L’extinction, comme son nom le
suggère, est l’affaiblissement progressif d’une peur conditionnée
lorsque le stimulus conditionné (le coup de tonnerre) n’est plus
associé au stimulus aversif (l’horreur du champ de bataille). En
d’autres termes, la personne apprend avec le temps à défaire
l’association qu’elle avait faite entre un stimulus neutre et une
peur. Outre le temps, un changement de contexte peut aussi favoriser l’extinction
d’une peur conditionnée. | |  |
L’extinction est donc un phénomène
adaptatif au sens où si la situation menaçante ne se reproduit plus,
il devient inutile d’avoir peur quand on se retrouve dans son contexte.
Des chercheurs ont par conséquent proposé que certains troubles
anxieux seraient dus à un mauvais fonctionnement du mécanisme d’extinction
des peurs conditionnées. Par ailleurs, plusieurs études
ont démontré que le déconditionnement dû à l’extinction
ne correspondait pas à l’effacement du conditionnement mais bien
à la formation d’un nouvel apprentissage. L’extinction est
donc différent de l’oubli
car la peur originale demeure. Elle est seulement masquée et ne s’exprime
plus.
 | | D’autres
données expérimentales supportent d’ailleurs l’idée
que le conditionnement et l’extinction de la peur sont pris en charge par
des régions cérébrales différentes.
Le rôle de l’amygdale dans la peur conditionnée est bien
établi. Celui du cortex préfrontal dans l’extinction l’est
moins, bien que sa partie ventromédiane joue définitivement un rôle
dans ce phénomène, comme
dans celui de la dépression d’ailleurs. En effet, le
cortex préfrontal est reconnu depuis longtemps dans l’inhibition
de réponses comportementales inappropriées. Des lésions
au cortex préfrontal ventromédian chez l’animal n’empêchent
pas celui-ci d’apprendre une nouvelle peur conditionnée. Mais lorsque
le son qui était associé à un choc électrique est
présenté sans le choc, l’extinction de la réaction
de peur prend beaucoup plus de temps. | Le
rôle précis du cortex préfrontal ventromédian demeure
toutefois ambigu puisqu’il ne semble pas nécessaire à l’expression
de l’extinction, mais seulement au rappel de ce nouvel apprentissage après
un certain délai. Ces observations feraient donc plutôt pencher vers
un rôle de consolidation de l’extinction pour le cortex préfrontal
ventromédian ou encore le rappel du contexte dans lequel l’extinction
a eu lieu.
Le cortex préfrontal ventromédian
reçoit des connexions des aires sensorielles et de l’amygdale, et
retourne des axones à l’amygdale. Il semble donc bien placée
pour exercer une régulation corticale sur l’amygdale, comme générer
le phénomène de l’extinction par exemple. Si ce contrôle
cortical est altéré, l’extinction d’une peur conditionnée
devient donc très difficile. Et justement, l’un des symptômes
les plus classiques suite à des dommages aux lobes
frontaux chez l’humain est l’incapacité d’arrêter
un comportement lorsqu’il devient inapproprié. Il semble
aussi que le cortex préfrontal participerait, au même titre que l’hippocampe,
à la rétroaction négative permettant d’abaisser le
niveau d’hormones de stress lorsque celui-ci devient trop élevé.
Or comme l’hippocampe, le cortex préfrontal pourrait aussi être
altéré par un taux élevé de glucocorticoïdes
qui perdure, brisant du même coup ce mécanisme de contrôle,
et relâchant le frein naturel sur l’amygdale. Par conséquent,
tout nouveau stimulus émotionnel serait plus fortement encodé et
deviendrait très résistant à l’extinction.
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