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À mesure que l’Alzheimer
progresse, la famille et les proches font face à différents deuils.
Le deuil de la prédictibilité, car il devient difficile
de prévoir le comportement de la personne atteinte d’Alzheimer. L'aidant
naturel perd sa tranquillité d’esprit puisqu’il doit maintenant
constamment penser pour l’autre. Le deuil de la normalité,
car la personne atteinte manifeste des comportements si inhabituels que
la vie quotidienne devient forcément différente. Le
deuil du rôle, car il arrive souvent que les rôles
soient inversés, l'enfant devenant responsable du parent, par exemple.
Les tâches sont alors complètement redistribuées. Le
deuil de la relation qui existait, car plus l’Alzheimer progresse,
moins la personne atteinte reconnaît son entourage. Elle est également
désorientée dans le temps et l'espace, ne s'exprime plus correctement,
etc. Bref, l’attachement ne peut plus être ce qu'il était. Le
deuil blanc, c’est-à-dire celui que l'on fait d’une
personne qui n'est pas morte, mais qui a perdu une grande partie de ses capacités
mentales au point de ne plus nous reconnaître. Au
stade très avancé de l’Alzheimer, la personne peut être
physiquement présente, mais sans montrer de signes perceptibles de conscience
de soi ou des autres. |
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LE SOUTIEN FAMILIAL ET SOCIAL |
| L’Alzheimer ne touche
pas seulement la personne atteinte, mais également ses proches. Dans environ
les deux tiers des cas, c'est la famille qui prend en charge la personne atteinte
et lui permet de rester à domicile. L’impact
sur l'entourage immédiat est donc considérable. En France par exemple,
70 % des époux et 50 % des enfants d'une personne Alzheimer lui
consacrent plus de 6 heures par jour. En ce qui concerne les enfants (le plus
souvent une fille), la moitié devront réaménager leur activité
professionnelle pour pouvoir s’occuper de leur parent diminué par
l’Alzheimer. Celui-ci, en perdant petit à
petit sa faculté de raisonner et de s'exprimer, devient de plus en plus
dépendant. Plus de temps et d‘énergie sont alors nécessaires
pour communiquer
avec lui. Des comportements jusque-là peu fréquents chez la
personne, comme l’agressivité, peuvent apparaître plus souvent
et sont difficiles à accepter par le ou les « aidants naturels ». Ceux-ci
en subissent donc les contrecoups à différents niveaux. Au niveau
affectif, ils sont troublés de voir les performances cognitives
et physiques du malade se détériorer. Au
niveau psychologique, la détresse morale, l’épuisement
et la solitude sont les principales menaces. Dans les
stades avancés où la personne Alzheimer nécessite une
grande attention, la majorité des aidants naturels vont diminuer la fréquence
de leurs relations avec la famille élargie, leurs amis ou leurs partenaires
de loisir. S’ensuit une marginalisation sociale susceptible de miner leur
moral. Au niveau physique,
la charge de travail supplémentaire que nécessite la personne Alzheimer
conduit plus de 80 % des aidants naturels à ressentir de la fatigue physique.
La qualité
et de la durée du sommeil sont aussi fréquemment affectées.
Environ un cinquième d’entre eux rapporte une consommation plus importante
de médicaments ou des problèmes médicaux, tout en n’ayant
souvent même pas le temps d’aller consulter leur médecin. Au
niveau financier enfin, les coûts directs et indirects
des soins pour un patient Alzheimer sont de l’ordre de plusieurs dizaines
de milliers de dollars US par année aux États-Unis, par exemple.
Le
nouveau rôle d’aidant naturel survient donc dans un contexte chargé
d’émotivité. La prise en charge progressive des responsabilités
de la personne Alzheimer et des décisions la concernant peut être
une source importante de stress.
Sans parler de la gestion de la médication, de l'alimentation, de l'hygiène,
de la sécurité, etc. Ceux qui assument
cette prise en charge doivent en même temps passer à travers les
étapes d’acceptation d’une maladie
dégénérative. Chacun vit un cheminement qui lui est propre,
et les étapes peuvent s’entrecroiser, mais généralement
l’aidant naturel passe par les étapes suivantes. Le
déni, où il tente de se persuader que le vieillissement
du proche est normal et que la situation n’est pas si pire qu’elle
ne le paraît. La colère, envers le médecin,
le système de santé ou même la personne atteinte, c’est-à-dire
contre tout ce qui confirme le diagnostic. La négociation,
par laquelle l’aidant naturel recherche une solution qui pourrait changer
la situation. La dépression, qui survient souvent lorsque
l’aidant prend conscience que le processus est inévitable et incurable,
et qu’il doit devenir l’accompagnateur de la personne atteinte. L’acceptation,
avec son lot d’émotions contradictoires : d’une part,
l’espoir que cesse au plus vite la perte de qualité de vie du proche,
et d’autre part, le souhait que la perte de l’être cher ne se
produira pas. Pour traverser ces différentes étapes, l’aidant
naturel doit d’abord les reconnaître, puis les accepter comme un processus
normal de deuils successifs (voir l’encadré à gauche). Tout
comme il doit accepter les moments de découragement et d’impatience
qui seront nombreux et tout à fait normaux, considérant l’ampleur
de la tâche. Personne n’est invincible et il est primordial de reconnaître
ses limites et de les respecter. En ce sens, il est toujours préférable
de mettre l’accent sur ce qui peut encore être fait avec la personne
atteinte, plutôt que sur ce qui n’est plus possible. L’aidant
naturel doit donc se montrer indulgent envers soi-même et s’accorder
suffisamment de temps libre. Se prendre du temps pour soi, pour relaxer et se
changer les idées, ne veut pas dire être égoïste ou négliger
la personne atteinte. Au contraire, refaire le plein d'énergie, signifie
pouvoir prendre soin de l'autre mieux et plus longtemps. Outre
l’entourage et les amis, l’aidant naturel peut aussi s’informer
sur les différents types de soutien qu’il peut aller chercher auprès
des professionnels de la santé et des « Sociétés
Alzheimer » présentes dans de nombreux pays. Celles-ci sont
en lien avec plusieurs ressources utiles, comme des centres communautaires, des
services de repas préparés, des services d'aide familiale, des groupes
de soutien et d'échange entre aidants, des services de transport, etc. Certains
centres de jour peuvent par exemple prendre en charge la personne Alzheimer pendant
que l’aidant naturel peut obtenir un peu de répit. Au Canada et en
Belgique, il existe par exemple un service appelé « baluchon Alzheimer
» où une personne peut venir pendant une à deux semaines au
domicile du patient pour permettre à l’aidant naturel de prendre
un congé (et évite donc au patient d’être transféré
dans un centre d’hébergement temporaire).
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