Le financement de ce site est assuré par vos dons, merci!
 
Que d'émotions!
aide
Peur, anxiété et angoisse
Désir, amour, attachement

Liens
AideLien : Comprendre la néoténieLien : NéoténieLien : BIOLOGY OF LOVE
Capsules originales
Histoire : L’hominisation, ou l’histoire de la lignée humaineL’hominisation, ou l’histoire de la lignée humaine
Outil : La monogamie humaine : causes et conséquences La monogamie humaine : causes et conséquences

Pour Maturana, chaque être humain appartient à différents groupes sociaux à la fois, ou différents domaines sociaux (« social domains », pour reprendre ses termes en anglais). Ceux-ci se constituent à travers les liens et les conversations que nous entretenons avec d’autres personnes (nos collègues de travail, nos partenaires de sport, nos voisins, etc). De sorte que l’on en vient, soutient-il, à n’avoir de préoccupations éthiques qu’envers ces individus qui constituent nos différents domaines sociaux. Les autres en sont pour ainsi dire exclus, plus ou moins inconsciemment.

Maturana fait aussi remarquer que, dans la vie de tous les jours, nos préoccupations éthiques peuvent changer selon que l’on se trouve dans un domaine social particulier ou un autre. Autrement dit, ceux qui ne font pas parti du domaine social dans lequel nous partageons des émotions à un moment donné, ne feront pas naître en nous, à ce moment précis, de préoccupations éthiques particulières envers eux.

C’est ainsi que peuvent naître des situations où des individus en abusent ou en exploitent d’autres sans trop se poser de questions éthiques, simplement parce qu'en étant en dehors de leur cercle social du moment, l’humanité de ces individus semble diminuée.

Maturana considère ainsi que les préoccupations éthiques humaines émergent d’une longue histoire d’actions coopératives qui s’actualisent à tout moment avec des individus précis qui prennent place au sein de domaines sociaux particuliers. Il s’agit donc, comme souvent chez l’humain, du développement d’une capacité déjà présente à l’état embryonnaire chez nos cousins les grands singes, celle que les primatologues appellent « l’affiliation », c’est-à-dire la relation privilégiée entre certains individus d’un groupe social.

Lien : Promoting Compassionate Concern in Social Work: Reflections on Ethics, Biology and LoveLien : Importance of cooperation and affiliation in the evolution of primate sociality
L'AMOUR COMME CIMENT SOCIAL

Les êtres humains possèdent une organisation sociale très particulière dans le règne animal, et même chez les primates. Les humains forment en effet des couples qui se partagent les tâches durant plusieurs années pour élever les enfants qui sont très dépendants des adultes durant les premières années de leur vie (voir capsule outil à gauche).

Plusieurs de ces unions relativement stables évoluent dans des groupes qui tissent des liens avec d’autres groupes grâce au phénomène d’exogamie décrit par Claude Lévis-Strauss et confirmé avec d’autres méthodes par les primatologues. Ces échanges et cette étroite coopération sont facilités par le langage qui rend possible la dynamique des sociétés humaines et leur grande diversité culturelle.

Pour comprendre ce qui amène des auteurs comme Humberto Maturana et Gerda Verden-Zoller à donner à une émotion particulière qu’ils désignent par le mot « amour » un rôle central dans l’origine des sociétés humaines, il faut rappeler quelques étapes importantes de notre évolution.

Il y a au moins 5 ou 6 millions d’années, la lignée des primates qui allait donner naissance à Homo sapiens, c’est-à-dire nous, a commencé à maintenir de plus en plus longtemps des caractéristiques de l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Ce phénomène, connu sous le nom de néoténie, a été observé au cours de l’évolution de plusieurs lignées animales. Mais dans la nôtre, il a pris une telle ampleur que ces caractéristiques nous accompagnent durant toute notre vie d’adulte. On pense par exemple à la grande plasticité cérébrale de notre cerveau ou encore aux traits infantiles du visage humain (surtout féminin).

 

 

Maturana et Verden-Zoller soulignent pour leur part à quel point la relation affective mère enfant revêt un caractère néoténique chez l’humain comparativement aux autres primates. Comment, en d’autres termes, la relation d’acceptation du corps de l’autre et de confiance mutuelle totale demeure chez l’humain toute la vie. Et c’est cette émotion amoureuse, au sens où l’entendent ces auteurs, qui aurait été un phénomène crucial ayant permis l’émergence des communautés humaines. L’agression et la compétition, qui jouent un grand rôle chez d’autres primates comme les chimpanzés, sont bien entendu présents dans les sociétés humaines mais ne seraient pas ce qui nous a permis de nous distinguer, justement, de nos plus proches cousins actuels.

Une autre transformation importante de notre lignée, survenue il y a environ 4 millions d’années, et dont les effets vont aller dans le même sens selon ces auteurs, est l’expansion de la sexualité de la femme. En effet, celle-ci va passer d’un cycle annuel de désir d’accouplement à un désir continuel qui va s’harmoniser avec ce désir sexuel constant de l’homme. Le plaisir sexuel peut alors devenir le ciment du couple, le moteur de l’amour romantique, c’est-à-dire ce mode de relation intime qu’on a appelle la monogamie (voir l’encadré) et qui va former l’unité de base singulière des groupes humains.

Un autre phéhnomène particulier à notre espèce, et qui va lui aussi s’ajouter aux autres, est le fait que la femme peut élever simultanément plusieurs enfants en bas âges, et qui sont en plus tous très dépendants d’elle pour leur survie. La femelle chimpanzé, de son côté, n’élève qu’un enfant à la fois durant les 4 ou 5 premières années de vie de celui-ci. C’est dire la charge parentale énorme qui s’est progressivement développée dans notre espèce et qui a sans doute contribué à raffermir les liens de coopération entre l’homme et la femme dans le couple humain.

La séquence exacte de ces événements est encore débattue, mais leurs conséquences sur la formation des caractéristiques fondamentales des sociétés humaines sont bien étayées. Comme l’est aussi, à plus forte raison, le développement du langage chez les hominidés. Il y a au moins deux millions d’années, les prémisses du langage humain ont permis d’accroître la coordination de nos actions et le partage de nos émotions.

Nous devenions alors des « êtres de conversation », une aptitude qui non seulement allait contribuer à raffermir les liens interindividuels, mais aussi à développer notre intelligence et notre diversité culturelle.


  Présentations | Crédits | Contact | Copyleft