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Dans les
expériences d’isolations dans des grottes
sur de longues périodes, on observe que
plusieurs paramètres physiologiques comme la température
corporelle adoptent un cycle d’environ 24 heures,
alors que le cycle veille-sommeil adopte plutôt
un rythme autonome de 25 heures par exemple.
Cela amène progressivement une désynchronisation
entre les deux, la température minimale du corps observée
normalement en fin de nuit pouvant survenir en pleine période
d’éveil, ce qui diminue le confort de l’éveil
et la qualité du sommeil, des symptômes similaires à ceux
observés lors d’un décalage horaire ou
du travail
de nuit. |
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Quels processus physiologiques
sont derrière les
nombreux symptômes désagréables ressentis
par les gens qui franchissent en avion plusieurs fuseaux
horaires? Notre compréhension des causes du décalage
horaire s’appuie sur le fait qu’il y a dans le corps
non pas une mais plusieurs horloges biologiques réparties
dans les différents tissus de l’organisme.
Toutes ont des
gènes dont les protéines font des boucles de rétroaction
négative leur conférant des propriétés
oscillatoires endogènes. Ces cycles endogènes dont
la durée est proche de 24 heures (d’où l’expression
rythmes circadiens) sont normalement entraînés à
suivre le rythme du jour et de la nuit grâce à
divers facteurs d’entraînement dont la lumière
est le principal.
Chez l’humain, l’intensité lumineuse
influence directement le
noyau suprachiasmatique (ou NSC) par l’entremise de certaines
cellules ganglionnaires de la rétine. Le NSC reçoit
donc un entraînement direct de la lumière et est considéré comme
le chef d’orchestre sur lequel vont s’ajuster toutes
les autres horloges. Cette synchronisation des horloges
périphériques peut se faire de différentes
façons selon les tissus, parfois rapidement par le système
nerveux autonome, ou bien plus lentement par voie humorale (glucocorticoïdes,
ACTH, etc).
L’une des hypothèses pour expliquer les effets du
décalage horaire est qu’il y aurait un déphasage
entre nos différentes horloges, déphasage causé
par un délai plus où moins long dans la resynchronisation
avec les indices lumineux du nouveau fuseau horaire. L’horloge
centrale du NSC se resynchronise en effet rapidement après
un changement abrupt dans le cycle lumineux. Mais les horloges
périphériques seraient beaucoup plus lentes
à s’ajuster. Le délai nécessaire aux
signaux émis par le NSC pour rejoindre leurs cibles en périphérie
pourrait contribuer à cette désynchronisation de
l’ensemble. Des expériences chez la souris ont permis
de confirmer ce découplage des horloges périphériques
de l’horloge centrale lors d’un changement soudain
dans la régularité
d’un facteur entraînant comme la prise alimentaire
ou la lumière.
Des travaux chez le rat laissent aussi
entrevoir une autre source de décalage possible pour la désynchronisation des
horloges. Chez ce rongeur, on a pu démontrer que l’entraînement
lumineux se faisait beaucoup plus rapidement dans le NSC ventral
que dans le NSC dorsal. En effet, à
l’instar d’autres structures cérébrales, plusieurs
sous-régions sont maintenant connues dans les noyaux suprachiasmatiques.
Et la région ventrale, celle qui reçoit directement
les afférences des cellules ganglionnaires de la rétine,
semble être resynchronisée beaucoup plus rapidement
par un changement brusque de luminosité.
Il pourrait donc y avoir un décalage
qui se produit entre le NSC ventral et dorsal, donc à l’intérieur
même de l’horloge centrale. Concrètement, cela
veut dire que les horloges périphériques recevant
des signaux du NSC seront exposées pendant plusieurs jours à des
patterns d’activité
électrique plus complexe qu’à l’accoutumée.
Ceux-ci pourraient par la suite provoquer le déphasage d’autres
fonctions physiologiques contribuant aux symptômes du décalage
horaire.
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On voit donc que d’une horloge
biologique centrale unique située dans les noyaux
suprachiasmatiques, notre compréhension des rythmes
biologiques est passée à un modèle
ressemblant à un orchestre où le chef est
le NSC et les musiciens l’ensemble des horloges périphériques.
Avec l’étude du décalage horaire, on
découvre que le NSC lui-même peut être
vu comme un ensemble de plusieurs unités fonctionnelles
distinctes et interconnectées. |
L’horloge biologique serait donc beaucoup plus proche d’un
réseau de multiples oscillateurs, certains étant
entraînés rapidement par les changement de luminosité,
d’autres plus lentement, d’autres encore étant
entraînés moins par la lumière que par d’autres
facteurs comme la nourriture.
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