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Le français Michel Onfray
est peut-être le philosophe qui représente le mieux la tradition
hédoniste aujourd’hui. Auteur de nombreux ouvrages aux titres aussi
évocateurs que Le ventre des philosophes, Cynismes, L'art de jouir,
La sculpture de soi, La raison gourmande, Politique du rebelle, Théorie
du corps amoureux sans oublier son Journal hédoniste I, II et III,
Onfray entreprend de replacer le corps au centre de notre vision du monde.
Spécialiste d’une certaine philosophie antique occultée
par deux milles ans de christianisme, Onfray se plait à réhabiliter
la pensée matérialiste et sensualiste pour questionner notre rapport
au monde. Abordant la philosophie comme la confession d'une existence particulière,
Onfray se demande ce que peut le corps et ses sens, qu'il appelle à célébrer
à travers la musique, la peinture ou la gastronomie. Loin d'être
une philosophie des plaisirs faciles de la consommation, l'hédonisme que
propose Onfray serait plutôt une philosophie tragique finalement beaucoup
plus proche de l'acétisme que de la débauche, et compatible autant
avec les idéaux de la gauche qu'avec ceux de Nietzsche. | | |
LES PHILOSOPHIES DU PLAISIR |
| Les philosophies
qui mettent la
recherche du plaisir et l’évitement de la douleur comme moteur
de ce qui doit guider l’action humaine ont une longue tradition.
Parmi
les philosophes qui ont mis le plaisir au plus haut de leur échelle de
valeur, Aristippe de Cyrène, fondateur de l'école cyrénaïque
(435 à 366 av. J.-C.), fut l’un des précurseurs. Convaincu
que l’être humain devait consacrer sa vie à la recherche du
plaisir, il croyait néanmoins à la nécessité d’exercer
un bon jugement pour tempérer les passions humaines. Puis
vint Épicure,
qui insista particulièrement sur l'aspect matériel et sensuel de
nos plaisirs mais sans inciter à la démesure ou au désordre
des sens. L’épicurisme prône au contraire la nécessité
de faire un tri sélectif entre ses désirs afin de parvenir à
un état de repos et d'équilibre authentique (que les grecs appelaient
"l'ataraxie " et que nous appelons aujourd’hui le bonheur). Après
la période sombre du Moyen Âge pour les philosophies hédonistes,
des philosophes comme Erasmus (1466-1536) tentèrent de montrer que la recherche
du plaisir pouvait être compatible avec la volonté de Dieu de voir
les humains heureux. Comme Erasmus, Thomas More (1478-1535) défendra aussi
l’hédonisme sur une base religieuse mais ira plus loin en affirmant
que notre désir pour le plaisir et le bonheur nous incite à agir
moralement.
 | Puis,
au 18e siècle, le thème du plaisir et du bonheur fut exploré
plus systématiquement par des philosophes comme Hume, Locke et Diderot
dont les théories peuvent être considérées comme des
précurseurs de l'utilitarisme. L'utilitarisme
est une philosophie qui évolua d'une morale individuelle Jeremy
Bentham (1823 ) vers une morale sociale avec John Stuart Mill
(1861). Pour ces deux penseurs, le plaisir est désirable en soi, puisque
seul ce qui peut être expérimenté directement a de la valeur.
A
l'origine l'utilitarisme est donc une morale dont la finalité est le bien-être
de l’individu. Dans Introduction to the Principles of Morals and Legislation,
Bentham établit une liste des plaisirs comprenant ceux des sens, ceux des
habiletés, de l'amitié, de la mémoire, de l'imagination,
etc. Tous ces plaisirs sont pour lui accessibles à chaque être humain,
ce qui en fait un utilitariste plus égalitaire que Mill. |
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 | Mill,
en effet, distingue une échelle des plaisirs où les plus raffinés
doivent être les plus recherchés. Pour lui, l’être humain
est capable d’atteindre des plaisirs plus raffinés que ceux énoncés
par Bentham. En ce qui concerne l'imagination par exemple, elle n’était
pour Bentham que les souvenirs ou l’anticipation des événements
heureux, alors que Mill voyait par exemple la poésie comme un plaisir plus
raffiné. Et Mill pensait évidemment que l’amélioration
de notre capacité à atteindre les plaisirs plus raffinés
serait bénéfique pour le bien-être global de l’humanité.
L'utilitarisme dit qu'il faut choisir, entre plusieurs alternatives, celle
qui apporte le plus grand bonheur pour le plus grand nombre. Il s’agit donc
d’une éthique pragmatique prétendant, à partir du critère
du bonheur du plus grand nombre (lui-même déduit de la balance des
plaisirs et des peines individuels), déterminer des lois et des politiques
juste pour la collectivité.
| L'utilitarisme
fonde donc ses principes de recherche du bonheur non pas sur une norme idéelle
(comme Platon ou Kant) mais sur une norme réelle (issue de l'observation
et de l'expérience). John Stuart Mill montre aussi dans L'Utilitarisme
en quoi sa démarche se démarque aussi bien de la morale sensualiste
(Locke, Bentham) que de l'éthique rigoriste de Kant. Pour lui, en définitive,
la source de la justice se trouve non pas dans ce qui est utile pour une personne
en particulier mais ce qui est utile au plus grand nombre.
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