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Communiquer avec des mots |
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Parler-agir
avec un corps-cerveau
L’implication possible des
neurones miroirs dans la communication verbale suggère que la perception
des phonèmes pourrait passer autant par l’audition que par la vision
des mouvements de la bouche. « L’effet McGurk »,
un phénomène mis en évidence au milieu des années
1970 par l’anglais Harry McGurk, vient appuyer cette idée que la
perception de la parole est multimodale. L’effet McGurk se manifeste
lorsque l’on regarde l’image vidéo de quelqu’un qui prononce
une syllabe dont le son a été remplacé par une autre syllabe
: nous percevons alors ni la première syllabe, ni la deuxième, mais
une troisième, différente des deux autres. Si l’on fait par
exemple le montage sonore de "ba" sur une image de quelqu’un que
l’on voit prononcer "ga", l’immense majorité des
gens percevront plutôt un "da" ! |
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DES NEURONES MIROIRS À LA BASE DE LA COMMUNICATION
? | | Les neurones
miroirs ont fait beaucoup parler d’eux suite à leur découverte
par Giacomo Rizzolatti en 1992 parce qu’ils constituent une base possible
sur laquelle un système de communication intentionnel comme le langage
humain a pu se construire. En effet, ces neurones pourraient permettre à
un animal de mimer un mouvement des mains ou de la bouche d’un autre animal
pour copier un geste ou reproduire un son auquel est attaché une signification.
De cette manière, deux individus pourraient en venir à partager
un vocabulaire commun.
 | Cette
hypothèse s’accorde plutôt bien avec la
théorie gestuelle de l’origine du langage où une partie
des zones cérébrales du contrôle moteur aurait pris en charge
celui du larynx. Mais comme on le constate encore aujourd’hui – et
Rizzolatti dont le laboratoire est en Italie en sait quelque chose – le
mouvement des mains continue d’être un complément important
à la parole. | Le fait que le
langage des signes des personnes sourdes soit également d’une grande
efficacité est un autre exemple de complémentarité entre
la bouche et les mains comme outils de communications, deux parties du corps auxquels
sont justement assignés des neurones miroirs. Cette hypothèse
s’accorde également avec les intuitions du psycholinguiste Alvin
Liberman qui, dès 1965, proposait une théorie motrice de la perception
de la parole. Celle-ci postulait que la compréhension des mots se ferait
par comparaison / imitation des gestes articulatoires du locuteur avec son propre
répertoire moteur. Ces gestes en venant ensuite à être inscrits
dans les mots entendus eux-mêmes. D’autres travaux ont par
ailleurs montré que des neurones miroirs existent également chez
l’humain pour les phénomènes d’audition : les mêmes
neurones sont activés lors de l’exécution d’une action
qui produit un son que lorsque l’on écoute simplement le son produit
par cette action. D’autres caractéristiques intéressantes
des neurones miroirs ont été mises en évidence. D’abord
ils vont être activés par une main qui saisit un objet, mais pas
par un outil qui saisit le même objet. Une nuance qui se comprend si l’on
se rappelle que les parties du corps, contrairement aux artéfacts humains,
sont représentées dans les aires motrices et prémotrices
des lobes frontaux. Ensuite, et c’est ici que ça devient intéressant
pour le langage, les neurones miroirs ne réagissent pas à n’importe
quel mouvement de la bouche ou de la main, mais seulement à ceux qui sont
impliqués dans une action orientée vers un but.
Autrement dit, ce n’est que lorsque l’action
a un sens que les neurones miroirs s’activent. Leur
réponse est donc liée à l’expression d’une intentionnalité,
au but du geste observé. Si des neurones miroirs s’activent par exemple
quand un singe manipule un objet, ces mêmes neurones, commandant aux mêmes
muscles, resteront toutefois silencieux quand le singe fera une action similaire
mais dans un but différent (se gratter, s’épouiller, etc.).
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Il apparaît de plus en plus évident
que le
système moteur dans le cerveau n’est pas limité au contrôle
des mouvements mais est aussi capable de lire, d’une certaine manière,
les actions exécutées par autrui. Les neurones miroirs pourraient
ainsi jouer un rôle fondamental pour tous les comportements sociaux des
êtres humains.
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