Au XXe siècle, le cinéma
et la
télévision ont contribué de façon non négligeable
à la transmission des valeurs
culturelles et sociales par la puissance d’évocation du réel
qui les caractérise. On a longtemps cru que le phénomène
de persistance rétinienne permettait d’expliquer
pourquoi l’on ressent la
succession d’images fixes d’un film comme des scènes en
mouvement.
Comme ce phénomène nous permet de garder
en mémoire une impression visuelle de quelques centaines de millisecondes
après la disparition d’un stimulus, on a déduit qu’il
pourrait « remplir les noirs » entre les images fixes qui nous sont
projetées rapidement lors d’un film. De telle sorte, disait-on, que
chaque image s’imprime sur la rétine avant que l’impression
de la précédente ne soit complètement disparue, fondant pour
ainsi dire les deux images ensemble et nous donnant l’impression de continuité
du mouvement.
Cette
explication de l’illusion du mouvement au cinéma a cependant été
rejetée par les psychologues pour plusieurs raisons. D’abord parce
que nous continuons d’avoir une impression de mouvement quand les images
fixes nous sont présentées à un rythme aussi bas que dix
images par secondes et même moins.
D’autres
difficultés ont également été soulignées. Par
exemple, le fait que si la persistance rétinienne jouait un rôle
significatif pour créer l’illusion du mouvement, elle le ferait en
empilant les nouvelles images sur les anciennes encore discernable, ce qui créerait,
à cause du décalage de position entre les deux images, une traînée
semblable à celle que crée les
séries de photos qui décortiquent le mouvement.
Plus
embêtant encore pour cette théorie, la persistance rétinienne
n’apparaît qu’environ 50 millisecondes après la cessation
de l’image. Or durant cette période, au moins deux images fixes sont
vues par le spectateur lors
d’une projection normale. Par conséquent la première image
du film ne « persisterait » pas avant l’apparition de la deuxième,
ce qui cause un sérieux problème à la thèse de la
fusion des images persistantes pour assurer l’effet de mouvement…
L’illusion du mouvement au cinéma serait donc produite par un
autre phénomène qu’on appelle l’effet
bêta . Celui-ci se manifeste dès que deux images légèrement
décalées sont présentées rapidement l’une à
la suite de l’autre. Notre cerveau y voit alors automatiquement un mouvement,
résultat du travail d’intégration des champs
récepteurs des cellules rétiniennes et des différentes
aires corticales visuelles impliquée dans la détection et l’orientation
du mouvement.
Nous
sommes donc en quelque sorte victimes de l’effet bêta chaque fois
que nous voyons des images fixes se succéder rapidement devant nous : dans
les films de fiction, de documentaire, d’animation, ou tout simplement dans
les petits livres dont les images s’animent lorsque nous en feuilletons
rapidement les pages (voir encadré).
Quant à la persistance
rétinienne, elle s’est plutôt vue attribuer un rôle de
réduction de l’effet de scintillement de l’image cinématographique
causé par l’ouverture et la fermeture de l’obturateur du projecteur
48 fois par seconde. Mais
même cette fonction a été remise en question…
La persistance rétinienne renvoie en fait
à deux phénomènes distincts. Le premier, l’image
résiduelle positive (« positive afterimage » en anglais),
est celui qui a longtemps été invoqué pour expliquer le principe
de fonctionnement du cinéma. On le remarque entre autre quand quelqu’un
prend notre photo avec un flash : l’image du flash persiste telle quelle
une fraction de seconde après celui-ci.
Le second phénomène
peut durer plusieurs secondes après l’arrêt du stimulus et
est donc plus facile à percevoir. On parle ici d’une image
résiduelle négative (« negative afterimage »)
puisque l’image qui persiste a les couleurs complémentaires et la
luminance inverse de l’image originale. Par exemple si
l’on fixe pendant un certain temps quelque chose en vert, cette chose apparaît
pendant quelques secondes en rouge lorsque l’on détourne
le regard vers une surface blanche tout de suite après.
Il existe une façon très simple
de créer des petits films d’animation et de constater le fonctionnement
de l’effet bêta. Appelés « flipbooks » (en anglais),
il s’agit simplement de petits livres où chaque page contient un
seul dessin légèrement différent du précédent.
En feuilletant rapidement les pages, notre œil voit un bref instant chaque
image et interprète leurs modifications successives comme du mouvement.