Capsule outil : L’homosexualité

L’environnement dans lequel un enfant a grandi a peu à voir avec son homosexualité, du moins masculine. La plupart des études montre que l’homosexualité masculine semble déterminée très tôt dans la vie par des facteurs biologiques, dont certains peuvent être de gènes. Des données qui vont à l’encontre des positions conservatrices voulant que l’homosexualité soit un choix personnel ou le résultat d’influences environnementales.

À cet égard, certains chercheurs militant pour les droits des homosexuels se sont lancés dans la recherche de gènes reliés à l’homosexualité, espérant que la découverte de déterminismes génétiques amènerait une plus large acceptation de l’homosexualité. D’autres, appuyant la même cause, se distancient de cette démarche qui pourrait entraîner au contraire selon eux un ostracisme envers les personnes homosexuelles ou des foetus chez qui ces gènes potentiels pourraient être identifiés.

D’autres scientifiques, enfin, croient qu’il est de toute façon préférable que des connaissances solides prévalent sur les opinions politiques ou sur les idéologies. En cherchant à comprendre les origines de l’homosexualité, ils espèrent aussi mieux saisir des phénomènes plus généraux, en particulier la façon dont les gènes reliés à la sexualité influencent le développement du cerveau, les mécanismes de l’attraction sexuelle toute orientation confondue (voir capsule outil ci-bas), et peut-être même comment l’homosexualité à pu évoluer, ce qui n’est pas évident à première vue dans une perspective darwinienne d’optimisation de la reproduction!

Quand on veut avoir une vue d’ensemble d’un phénomène complexe comme l’homosexualité, il est bon de faire d’abord un petit détour dans le reste du monde animal. Première constatation : nous n’avons pas inventé l’homosexualité. Elle est présente chez des centaines d’espèces sociales, en particulier chez les mammifères et les oiseaux.

Elle a en particulier été bien étudiée chez les grands singes. Chez les gorilles par exemple, on observe des relations homosexuelles entre jeunes mâles qui n’ont pas accès aux femelles monopolisées par le mâle dominant dans son harem. Chez le bonobo, les femelles pratiquent régulièrement une homosexualité dont la fonction est de tisser de forts liens sociaux qui leur permettront même de dominer socialement des mâles, phénomène rare chez les mammifères.

La polygamie qui laisse de nombreux mâles sans accès aux femelles et la nécessité d’alliances renforcées par des relations homosexuelles sont deux facteurs concomitants à l’homosexualité chez toutes les espèces animales  étudiées. Par ailleurs, l’homosexualité exclusive n’existe pas chez ces espèces. Le mâle gorille devient hétérosexuel s’il quitte son groupe de mâles et se constitue un harem. Et la femelle bonobo est bisexuelle pendant toute sa vie d’adulte.

Chez l’humain, il existe également des traditions ou des situations particulières qui imposent ou suscitent des comportements homosexuels.

L’une des plus connues avait cours en Grèce Antique, alors que les jeunes garçons étaient confiés à des éducateurs qui avaient souvent des relations sexuelles avec leur élève. Une pédérastie qui se serait par la suite généralisée, tout en gardant sans doute un rôle dans les alliances sociales.

Un exemple d’homosexualité masculine circonstancielle est celle qui a court dans les prisons, ainsi que dans d’autres lieux où les femmes sont relativement rares, l’armée par exemple. Les prisonniers ayant ces comportements ne se considèrent généralement pas comme des homosexuels : une fois libérés, la plupart reprennent des comportements exclusivement hétérosexuels.

Mais il est toutefois bien établi que la préférence homosexuelle masculine véritable existe chez notre espèce. On en a des preuves depuis le début de l’Histoire, et ce, dans de nombreuses sociétés, sur tous les continents. C’est cependant dans les sociétés occidentales qu’on s’est le plus intéressé à ses déterminants, en particulier à ses déterminants génétiques.

Un premier indice sur l’existence de déterminants d’origine génétique nous vient des études de jumeaux, toujours éclairantes. En effet, les jumeaux identiques, qui proviennent du même ovule, ont le même matériel génétique alors que les jumeaux non identiques n’ont que la moitié de leurs gènes en commun comme de simples frères et sœurs. Parmi les jumeaux identiques, si l’un des deux est gay, les études montrent que le second à environ 50% de probabilité d’être gay lui aussi. Ce pourcentage tombe à 20 % dans le cas de jumeaux non identiques, suggérant une influence génétique partielle mais avérée.

Un autre facteur connu qui influence l’homosexualité masculine est le nombre de grands frères qu’a un individu. Lorsque ce nombre augmente, la probabilité d’être homosexuel s’élève. Et le fait d’avoir été élevé ou non avec les grands frères ne change rien à l’affaire. On est donc en présence d’un véritable effet biologique ne résultant pas d’une influence familiale ou sociale.

Le nombre de frères cadet n’ayant aucune incidence sur l’homosexualité masculine, ni d’ailleurs le nombre de sœurs, on croit qu’il s’agirait d’une immunisation progressive de la mère à des déterminants spécifiques du cerveau de l’embryon mâle. Plus une femme aurait eu de grossesses d’enfants mâles, plus il y aurait brouillage des signaux moléculaires qui déterminent son évolution vers un état masculin. Mais la nature de ce facteur de « brouillage » des signaux demeure mystérieuse et son influence restreinte. On estime par exemple qu’avoir quatre grands frères ne ferait passer les probabilités d’être gay que de 2 à 6 % (le pourcentage de l’homosexualité masculine varie entre 1 et 10 % environ, selon les études et les pays).

Si les hommes homosexuels ont ainsi, en moyenne, plus de grands frères que les hétérosexuels, on trouve aussi de nombreux homosexuels parmi les aînés. Le nombre de grands frères n’explique en effet qu’environ le septième des cas d’homosexualité masculine.

D’autres facteurs sont donc en jeu, comme par exemple l’exposition aux hormones mâles et femelles durant le développement. On peut ainsi chez les rats inverser la préférence sexuelle des mâles en supprimant leur apport en testostérone et en leur injectant des stéroïdes ovariens. Est-ce qu’un phénomène similaire pourrait être à l’origine de certains cas d’homosexualité masculine chez l’humain ? Aucune étude n’a en tout cas éliminé cette possibilité.

Il y a aussi la curieuse observation qu’avoir un père homosexuel multiplie par cinq la probabilité, pour un fils, d’être aussi homosexuel.

Il semble en effet paradoxal, à première vue, que des facteurs génétiques puissent être sélectionnés pour un trait supprimant ou diminuant la reproduction. Les hommes gays, qui peuvent être ou avoir été en couple avec une femme, n’ont qu’à peu près le cinquième du nombre d’enfants qu’ont les hommes hétérosexuels. Mais un gène peut agir différemment selon le sexe de la personne chez qui il se trouve. Ce type de gène, ayant des effets positifs ou négatifs suivant le sexe, est fréquent dans les espèces où on l’a cherché.

Chez l’être humain, des études ont montré une plus grande fécondité dans la lignée maternelle des familles des homosexuels, par rapport aux familles des hétérosexuels, et aucun différence dans les lignées paternelles. Cela pourrait s’expliquer par l’existence d’un facteur féminisant hérité par la mère qui aurait un effet opposé sur la reproduction des frères et des sœurs : augmentation de la fécondité des filles, mais diminution de celle des fils en les rendant homosexuels. Il ne s’agit encore que d’une hypothèse mais une hypothèse qui a reçu la confirmation d’études théoriques.

Par ailleurs, les données disponibles ne semblent pas montrer qu’il y a des investissements familiaux supérieurs de la part des homosexuels envers leurs neveux ou nièces, ce qui théoriquement aurait également pu expliquer la persistance d’un éventuel gène favorisant l’homosexualité dans les familles.

L’identification de facteurs biologiques n’a pas donné de résultats indiscutables. Citons seulement l’une des premières et des plus célèbres études, celle de Simon Le Vay, en 1991. En comparant la matière grise du cerveau d’hommes homo et hétérosexuels après leur décès, il a trouvé une région de l’hypothalamus antérieur connue sous le nom de INAH-3 qui était plus petite chez les hommes gays, c’est-à-dire à peu près la taille de cette structure chez la femme.

D’autres études ont trouvé des résultats similaires mais qui ont aussi été critiquées, ce qui a conduit à des polémiques médiatisées. Par conséquent, on ne peut pas dire que l’on connaît encore très bien les facteurs biologiques possibles pour expliquer l’homosexualité masculine, et ceux déjà identifiés comme assez certains n’expliquent qu’une minorité de cas.

L’homosexualité féminine a été moins étudiée et est donc moins bien comprise. Mais les données disponibles suggèrent qu’elle est probablement différente de l’homosexualité masculine. Par exemple, environ 50% des lesbiennes étaient mariées auparavant, contre 6 % des hommes gays. Et la grande majorité des lesbiennes (85%) ont commencé par une expérience hétérosexuelle, contre 20% des hommes homosexuels.

Les études d’imagerie cérébrale révèlent aussi une excitation sexuelle moins spécifique chez la femme hétérosexuelle, celle-ci étant souvent sensible tant à des images d’hommes que de femmes. Ce qui n’empêchent pas une majorité de femmes de choisir un homme pour fonder une famille.

Ainsi est-il possible que les facteurs biologiques soient moins fréquents pour l’homosexualité féminine : les déterminants personnels et sociaux prennent alors  toute leur importance.

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