Capsule outil: La voix et l'appareil de phonation

Parler sa langue maternelle se fait tellement inconsciemment et sans effort que l'on ne se rend pas compte, outre les processus cognitifs hypercomplexes qui sous-tendent la parole, comment le simple fait d'articuler correctement des mots découle d'une mécanique d'une grande précision.

L'appareil vocal humain peut être comparé à la fois à un instrument de musique à vent et à corde. Il comprend une source de vent, les poumons; une structure qui vibre, les cordes vocales dans le larynx; et une série de caisses de résonance que forme le pharynx, la bouche et les fosses nasales.

Comment tout cela fonctionne-t-il ensemble ? Première composant : l'air pulmonaire, que l'on pourrait définir comme le " générateur ". Quand on parle, les phases d'inspiration de notre respiration deviennent plus rapides et plus courtes. On respire également davantage par la bouche, alors que l'inspiration est normalement exclusivement nasale. Du côté de l'expiration, le volume et la pression de l'air expiré sont augmentés pour pouvoir faire vibrer les cordes vocales situées dans le larynx.

 

Le larynx joue le rôle d'une porte qui préserve les bronches et les poumons des aliments et autres corps étrangers. Le larynx se compose d'une série de muscles et de cartilages plus ou moins mobiles qui peut être relevé ou abaissé. Lors de la déglutition, le larynx s'élève tandis que l'épiglotte, cette lame cartilagineuse située à l'entrée du larynx, se rabat vers l'arrière. Ce faisant, elle bloque l'entrée des voies aérienne supérieure et permet au bol alimentaire d'emprunter l'œsophage pour rejoindre l'estomac.

 

Lorsqu'on parle, l'air expulsé des poumons emprunte la trachée avant d'arriver dans le larynx où il va rencontrer les cordes vocales. Celles-ci sont en fait une paire de muscle et de ligaments de 20 à 25 millimètres de long et recouverts d'une muqueuse. C'est la seconde composante de l'appareil phonatoire : le " vibrateur ".

D'un blanc nacré, les cordes vocales sont attachées horizontalement entre le cartilage thyroïde (la " pomme d'Adam " chez l'homme) situé à l'avant et les cartilages aryténoïdes situés à l'arrière. En faisant bouger ces cartilages lorsqu'on parle, on modifie la longueur et la position des cordes vocales. Lorsque l'on commence dire quelque chose, les cartilages aryténoïdes accolent les cordes vocales l'une contre l'autre, fermant ainsi l'ouverture entre les deux (appelée glotte).

Sous la pression de l'air expiré, les cordes vocales s'écartent, puis se referment aussitôt, entraînant à nouveau une hausse de la pression sous la glotte. En ouvrant et fermant la glotte lors de la phonation, les cordes vocales libèrent de façon saccadée l'air emmagasiné dans les poumons. Au cours d'une phrase, le locuteur modifie ainsi plusieurs fois la fréquence de vibration des cordes vocales pour produire les vibrations acoustiques correspondant à différents sons.

Mais ces sons ne constituent pas encore des mots, ils doivent être sculptés par le reste de l'appareil vocal pour en devenir. La première transformation du son se fait dans la cavité du pharynx, le carrefour où se croisent les voies respiratoires et digestives. Le pharynx et les différentes cavités avec lesquelles il communique (fosses nasales, bouche, larynx) jouent le rôle de " résonateur ou d'amplificateur " qui module les sons émis au niveau des cordes vocales. Certaines fréquences seront amplifiées, d'autres atténuées.

La transformation du son laryngé en parole est ensuite complétée par la position du voile du palais, de la langue, des lèvres et des dents qui agissent en " modulateurs " du son émis. Car si le larynx est l'organe phonatoire par excellence, c'est tout l'appareil buccal qui contribue à donner sa flexibilité et sa souplesse à la voix. Celui-ci agit de différentes façons : le voile du palais en obturant ou pas les cavités nasales supérieures; les mâchoires en étant plus ou moins ouvertes; la langue par son côté polymorphe; les dents en plus ou moins obturées par la langue ou par les lèvres; les lèvres en étant plus ou moins fermées, pincées ou étirées.

Par exemple, pour produire la voyelle " i ", on doit déplacer la langue vers l'avant du palais, ce qui entraîne un élargissement de la cavité pharyngiale ainsi qu'une légère élévation du larynx. Pour le " a ", la mâchoire et la langue doivent plutôt s'abaisser. Les consonnes sont aussi prononcées grâce à de tels mouvements de la langue et des lèvres. La colonne d'air peut par exemple être freinée pour produire un "F" ou un "S"; elle peut être stoppée, puis libérée plus ou moins brutalement pour produire un "B", un "P" ou un "T"; elle peut vibrer pour produire un "V" ou un "J"; elle peut chuinter pour produire un "CH", etc.

L'appareil phonatoire humain essentiel à la parole ?

Si nos cousins primates n'ont pas réussi à accéder au langage humain malgré tous les efforts entrepris (voir capsule expérience intermédiaire), on a longtemps cru que c'était en grande partie dû à l'anatomie particulière de l'appareil phonatoire des singes. Chez ces derniers, comme chez le nourrisson humain d'ailleurs, le larynx est placé très haut dans le cou ce qui le rendrait incapable de produire tous les sons du langage humain. Cette position a toutefois certains avantages puisque les singes et les bébés peuvent par exemple respirer par le nez tout en continuant de s'alimenter.

À l'opposé, la position basse du larynx entraîne chez l'être humain adulte le croisement des voies de l'œsophage et des poumons, augmentant ainsi les risques d'étouffement. Il semble donc que l'avantage que lui procure ce larynx descendu réside dans un système de communication vocal qui vaut le risque d'étouffement.

Des travaux de modélisation et de simulation ont cependant montré que les capacités phonatoires des larynx haut n'handicapent que relativement peu les primates ou les bébés au niveau du langage. D'ailleurs, la position haute du larynx que l'on observe chez les bébés humains ne les empêche pas, dès l'âge de 4 mois, d'imiter les voyelles " i ", " a " et " u " des adultes et, huit mois plus tard, alors que son larynx est encore très haut et sa cavité pharyngiale très peu volumineuse, de produire ses premiers mots… La cause de l' incapacité à parler des primates et des bébés se situerait donc plutôt au niveau des capacités cognitives nécessaires à la maîtrise du langage.

La descente du larynx au cours de l'évolution

Chez les Australopithèques, le larynx n'étant pas encore descendu, l'information se transmettait par cris et par gestes. L'accès à la station debout a ensuite progressivement entraîné le recul et l'élévation de la tête qui a subi un effet de bascule. Cette flexion de la base du crâne a ainsi provoqué l'émergence du cou et la descente du larynx.

Comme le plafond de l'appareil phonatoire correspond à la base du crâne, le registre fossile permet d'avoir une idée de la période où le larynx est descendu. Des indices de cette descente apparaissent ainsi chez Homo ergaster, il y a presque 2 millions d'années. Un crâne d'Homo heidelbergensis d'Éthiopie montre par ailleurs que le larynx avait pratiquement sa position actuelle il y a 600 000 ans. Ce qui amène au constat suivant : un appareil phonatoire capable d'un langage articulé a probablement existé presque un demi million d'années avant l'avènement de la parole.

Par conséquent, il semble peu probable que l'appareil phonatoire humain ait été sélectionné " pour " le langage, bien qu'il puisse avoir conféré certains avantages dans un contexte de communication pré-linguistique. Mais était-ce une pression sélective suffisante ? Certains pensent que cette position aurait apporté des bénéfices au niveau respiratoire. D'autres font remarquer que certaines espèces animales, comme les cerfs, ont un larynx abaissé et pensent pour cette raison que cette caractéristique anatomique aurait pu évoluer parce qu'elle permet d'émettre des sons qui font croire que l'animal est plus gros qu'il ne l'est réellement.

Il ne serait donc pas surprenant que l'appareil phonatoire humain soit une exaptation, c'est-à-dire une adaptation ayant obéi à des pressions sélectives autres que pour favoriser la parole, mais dont le résultat, un larynx descendu, a tout de même facilité l'articulation des mots.


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Lien :  How the Larynx (Voice Box) WorksLien: Anatomy of the LarynxLien :  La descente du larynxLien :  Livre: The sounds of spoken languageLien :  Language and Human Cognition...

 


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