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Aide Lien : SPOKEN SPEECH and the INVENTION OF WRITING Lien : A Gene involved in Speech? Taking a closer look at the forkhead domain Lien : FOXP2 and the Evolution of Language
Lien : Language gene found Lien : Mutation of a gene called FOXP2 causes speech and language disorder Lien : Identification of the human FOXP2 gene
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Expérience : Molecular evolution of FOXP2, a gene involved in speech and language
DES GÉNES NÉCESSAIRES À LA PAROLE

Mis en évidence dans la famille KE dont plusieurs membres souffraient d’altérations spécifiques du langage, le gène FOXP2 (pour « forkhead box P2 ») est le premier gène à être associé à notre capacité de parler.

Les problèmes que la mutation de ce gène engendre demeurent toutefois difficiles à cerner, ce qui n’est pas étonnant lorsque l’on considère la famille à laquelle appartient ce gène. Il s’agit en effet d’un gène de la famille FOX qui sont des facteurs de transcription. En d’autres termes des gènes qui produisent des protéines capables, grâce à leur forme fourchue (« forkhead »), de réguler l’expression de plusieurs autres gènes en se fixant directement sur l’ADN.

 


Forme générale de la protéine FOXP2. La partie rouge montre l’emplacement de la mutation qui a causé les altérations spécifiques du langage chez les membres de la famille KE.

Source : Dr. Simon Fisher


On semble donc avoir affaire à un gène important jouant un peu le rôle de chef d’orchestre lors de la mise en place des voies neuronales durant le développement embryonnaire. Et de fait, on constate qu’il est extrêmement bien conservé phylogénétiquement : la protéine qu’il produit est presque identique chez la souris et les primates qui sont séparés par environ 130 millions d’années d’évolution.


Source : Dr. Svante Pääbo

De plus, la protéine produite par le gène FOXP2 humain diffère de celle de ces espèces par deux ou trois acides aminés seulement. Deux ou trois acides aminés qui font vraisemblablement la différence entre des animaux incapables de parler et l’être parlant que nous sommes… On estime par ailleurs que ces mutations ont eu lieu il y a entre 200 000 et 100 000 ans, ce qui correspond grosso modo à la période d’émergence du langage articulé chez l’humain.

L’étude détaillée de la séquence du gène FOXP2 défectueux chez plusieurs membres de la famille KE a aussi permis d’identifier le site précis de la mutation responsable du mauvais fonctionnement du gène chez ces individus. La mutation survient sur l’exon 14 du gène FOXP2 lorsque la guanine d'un nucléotide est remplacée par une adénine. Notons au passage que cette région où se produit la mutation est justement celle qui code pour la partie « forkhead » de la protéine, celle qui se fixe sur l’ADN d’autres gènes. Ce changement d’un seul nucléotide sur le gène FOXP2 aura ensuite une répercussion directe sur la protéine correspondante : le remplacement d’un acide aminé arginine par un histidine.

Or chez les centaines de sujets normaux testés, la protéine produite par FOXP2 a toujours un arginine à ce locus particulier. Et chez les membres de la famille KE souffrants d’altérations spécifiques du langage, toujours un histidine. Il n’y a donc pas l’ombre d’un doute sur la mutation qui cause ce déficit. Ceci dit, il est tout de même étonnant de constater que la mutation d’une seule des 2 500 bases nucléiques du seul gène FOXP2 est suffisante pour ruiner une faculté aussi vitale que le langage!

À partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, le généticien des populations Luca Cavalli-Sforza a entrepris la construction d’arbres généalogiques établissant des liens entre les populations à l’échelle de l’humanité. Ce projet ambitieux a ouvert un champ de recherche fertile ayant appuyé certaines hypothèses. Par exemple, des données croisées sur plusieurs dizaines de gènes montrent une filiation entre les Amérindiens et les Asiatiques. Une observation qui s'accorde avec l'explication la plus courante du peuplement du Nouveau Monde rendue possible par la grande glaciation qui l’a relié à la Sibérie au niveau du détroit de Béring il y a 30 000 ans.

Ces résultats ont pris une importance plus grande encore lorsqu’ils ont été rapprochés d’études analogues sur les langues. La comparaison faite par Cavalli-Sforza des arbres généalogiques établis par les généticiens et ceux des linguistes a donné des résultats étonnants : la quinzaine de grandes familles de langues réunit des populations génétiquement proches, à quelques exceptions près. L’explication évidente de cette remarquable concordance est évidemment qu’une population qui se déplace apporte avec elle sur son nouveau territoire autant ses gènes que sa langue.

Mais plusieurs critiques ont été adressées à cette approche, notamment sur la manière de définir une population. En effet, dans les travaux de Cavalli-Sforza et de ses successeurs, on définit la population, entre autres, linguistiquement, et on établit ensuite des corrélations avec des langues, ce qui semble une approche dangereusement circulaire. On remarque d’ailleurs que ces études sont plus convaincantes à grande ou à petite échelle, mais beaucoup moins au niveau intermédiaire. Cela s’explique par le fait qu’il est plus facile de délimiter les Esquimaux par rapport aux Bantous que de délimiter les différentes populations de langue bantoue.

De plus, dans de nombreuses études les prélèvements d’ADN sont fait à partir de banques de sangs accompagnées de fiches qui peuvent être biaisées ou fausses; pour différentes raisons, les gens peuvent déclarer une ethnie qui n’est pas la leur. D’où encore une fois des risques d’erreur qui peuvent surgir lors du contrôle tant des données linguistiques que génétiques.

Lien : Gènes et langues ont-ils la même histoire ? Lien : Genetic Distance and Language Affinities Between Autochthonous Human Populations Lien : The Great Human Diasporas: The History of Diversity and Evolution Lien : On the origin of speeches Lien : A tale of two scientists
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