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 Capsule outil : La résilience On 
a longtemps cru qu'un enfant qui vit des expériences terribles deviendra 
un adulte perturbé. On sait maintenant que ce n’est pas nécessairement 
le cas. Certains enfants peuvent même en sortir plus forts. On dit alors 
de ces enfants qu’ils sont résilients.    
Le concept de résilience vient de la physique où 
il désigne la capacité d’un matériau à reprendre 
sa forme après un choc ou une grande pression. On dira ainsi que la coque 
d’un sous-marin est résiliente lorsqu’elle se révèle 
capable de supporter des pressions considérables lors de ses plongées 
et lorsqu’elle reprend sa forme primitive lorsque le sous-marin refait surface. 
    En psychologie, le concept de résilience est apparu dans la langue 
anglaise dans les années 1960 grâce à Emmy Werner. Cette psychologue 
américaine était allée à Hawaï faire une évaluation 
du développement des enfants qui n’avaient ni école ni famille, 
et qui vivaient dans une grande misère, exposés aux maladies et 
à la violence. Elle les a suivis pendant 30 ans. Au bout de tout ce temps, 
70% de ces individus étaient en piteux état mais 30% savaient lire 
et écrire, avaient appris un métier et fondé un foyer.   
  La résilience définit donc la capacité de se développer 
avec succès dans des environnements qui auraient dû être néfastes 
pour ce développement. La résilience permet non seulement de «tenir 
le coup» mais bien souvent de rebondir en tirant profit des traumatismes 
passés. Cette aptitude contribue en plus au maintien d'une bonne santé 
et à la résistance aux maladies, en particulier aux maladies mentales.  
  Le terme de résilience vient du latin resalire (re-sauter). Il s’agit 
donc de sauter à nouveau, mais pas à la même place comme si 
rien ne s’était passé, mais ressauter un petit peu à 
côté pour continuer d’avancer. D’ailleurs résilier 
un engagement signifie aussi ne plus être prisonnier d’un passé, 
se dégager de quelque chose. La résilience n’a rien à 
voir avec une prétendue invulnérabilité de certains individus 
mais plutôt avec la capacité de reprendre une vie humaine malgré 
la blessure, sans rester fixé sur cette blessure.     On a pu déceler 
un profil d’enfants traumatisés qui développent une aptitude 
à la résilience. Il s’agit de ceux qui ont acquis la «confiance 
primitive» entre 0 et 12 mois. Un peu comme s’ils se disaient : « 
on m’a aimé donc je suis aimable, donc je garde l’espoir de 
rencontrer quelqu’un qui m’aidera à reprendre mon développement. 
» Ces enfants sont dans le chagrin mais continuent à s’orienter 
vers les autres. Si on leur donne des possibilités de rattrapage, d’expression, 
un grand nombre, 90 à 95%, deviendra résilient. Ces possibilités 
peuvent prendre la forme de tribunes de créativité ou d’épreuves 
: le scoutisme, préparer un examen, organiser un voyage, apprendre à 
être utile. L’expression de ces ressources intérieures va aussi 
bénéficier grandement des mains tendues d’un tuteur ou d’un 
accompagnateur qui va catalyser la reprise de confiance en soi.    L’engagement 
social peut aussi être un formidable facteur de résilience : les 
femmes qui ont subi un viol, par exemple, rejoignent souvent des associations 
de soutien aux victimes. Elles ne parlent pas d’elles, mais à des 
femmes comme elles.     Pionnier de l’introduction du concept de résilience 
en France, Boris Cyrulnik affirme par ailleurs que « chez tout un chacun, 
des "braises de résilience" sont présentes. Qu'on souffle 
dessus à bon escient, et l'enfant meurtri, fracassé, stoppé 
net dans son développement par le deuil, la maltraitance ou les atrocités 
de la guerre sortira de son "agonie psychique" et reprendra le chemin 
de la vie. » Un pouvoir de reprise en main insoupçonné dont 
plusieurs équipes de recherche dans le monde commencent à découvrir 
l’étendu.        |