Capsule outil: Différents types de
bilinguisme
Acquérir une langue maternelle demande à un enfant dans
les cinq premières années de son existence un temps très
long passé à écouter, à répéter,
à faire des essais et à se tromper. Impossible de faire
la même chose lorsqu'on suit des cours de langue seconde une heure
ou deux par semaine. Mais comment faire lorsque le professeur ne parle
que la langue à apprendre et qu'on ne comprend que le quart des
mots ? On se débrouille avec les nombreux indices qui aident à
capter le message : l'intonation, qui indique souvent les intentions -
bonnes ou mauvaises - de l'interlocuteur; le contexte, c'est-à-dire
le sujet de la leçon du jour ou la photo qui accompagne le texte
à lire; finalement en apprenant par cur des listes de mots,
des règles de grammaire, la conjugaison des verbes, etc.
Cette façon d'apprendre une seconde langue est
bien différente de celle qu'utilise le petit enfant qui apprend sa langue
maternelle sans s'en apercevoir par essais et erreurs. Une différence importante
entre l'acquisition de la langue maternelle et d'une seconde langue est que le
désir de communiquer est beaucoup moindre dans le second cas, en particulier
dans le contexte scolaire. Le corollaire est que l'apprentissage d'une seconde
langue par immersion dans un milieu où l'on parle cette langue facilite
son apprentissage, probablement parce que son utilisation est encouragée.
Une moins grande motivation a aussi été corrélée avec
des taux de dopamine moindres, ce qui correspond bien à ce qu'on s'attend
d'un neurotransmetteur associé au désir et au plaisir. La
pratique d'une langue dans un environnement où on la parle est ce qui nous
permet d'en internaliser la grammaire. C'est donc par l'exposition répétée
à des phrases d'un certain type qu'on procède à l'encodage
implicite de ses règles grammaticales. C'est ainsi que la compréhension
et la production de phrases dans notre langue maternelle se fera éventuellement
sans effort. Quant au bilinguisme, on en distingue trois types: le bilinguisme
coordonné et le bilinguisme composé, qui sont des bilinguismes précoces,
et le bilinguisme tardif lorsque la seconde langue est apprise après l'âge
de 12 ans. Pour le bilinguisme coordonné, l'enfant développe
deux systèmes linguistiques parallèles, c'est-à-dire que
pour un mot, il dispose de deux signifiants et de deux signifiés. Le bilinguisme
coordonné se développe par exemple lorsque chacun des parents ne
parle qu'une seule langue à l'enfant, ce qui permet à celui-ci de
construire deux systèmes distincts qu'il manipule avec aisance. C'est aussi
le cas des enfants adoptés en bas âge mais qui maîtrisent déjà
une langue maternelle. Encore une fois, la distinction entre les deux langues
est claire pour l'enfant. Pour le bilinguisme composé, l'enfant
n'a qu'un seul signifié pour deux signifiants, de sorte qu'il n'est pas
capable de détecter les différences conceptuelles qui existent entre
les deux langues. C'est le cas des enfants dont les deux parents sont bilingues
et s'adressent à l'enfant indifféremment dans une langue ou dans
l'autre. Bien qu'elle parlera sans effort et sans accent les deux langues, cette
personne ne maîtrisera aucune des deux langues dans leur subtilité.
Autrement dit, elle n'aura pas à proprement parler de langue maternelle.
Il existe bien sûr des cas intermédiaires entre ces deux pôles
idéaux, puisque le milieu scolaire, social et professionnel influence aussi
l'acquisition d'une seconde langue. Quant au bilinguisme tardif, on le définit
par opposition au bilinguisme précoce parce qu'il survient après
la période critique pour le langage. Selon qu'il se fait avec immersion
dans une communauté parlant cette langue ou non (seulement par des cours),
on pense qu'il fait alors appel davantage à la mémoire implicite
dans le premier cas et davantage à la mémoire explicite dans le
second. |