Le coma est un
état de perte de conscience
dans lequel la personne répond de façon très limitée
à son environnement. Le coma peut avoir différentes causes affectant
la machinerie neuronale du cerveau, certaines étant réversibles,
d’autres non. Une personne dans le coma semble endormie, mais il s’agit
de deux états très différents. Le cerveau est très
actif durant le sommeil, alors que chez la personne dans le coma il est beaucoup
moins actif qu’à la normale et consomme moins d’énergie.
Qu’arrive-t-il si on empêche
un dormeur d’entrer en sommeil paradoxal ? Dans ce type d’expériences
réalisé pour la première fois par William Dement, on guette
les signes du sommeil paradoxal sur l’EEG
et l’EMG de patients endormis et on les réveille dès
qu’ils entrent en sommeil paradoxal. Ils se rendorment ensuite inévitablement
en sommeil lent, et l’on continue le même manège toute la nuit
pour les empêcher d’entrer en sommeil paradoxal.
Étonnamment,
après deux semaines de ce traitement, durant lesquelles le sujet n’a
pratiquement pas eu de sommeil paradoxal, on note peu ou pas d’effet néfaste
sur son comportement. Mais durant les nuits suivant la fin de l’expérience,
on observe un « rebond » de sommeil paradoxal, c’est-à-dire
une durée de sommeil paradoxal très supérieure à la
normale, comme si le cerveau avait besoin de récupérer ce temps
de sommeil paradoxal perdu.
Par ailleurs, les
personnes qui prennent des antidépresseurs comme les
IMAOs ont peu de sommeil paradoxal, voire pas du tout. Pourtant,
même après des mois ou des années de traitement, ils ne présentent
eux non plus aucun signe d’effets néfastes.
Ces
observations permettent de déduire au moins une chose : comme on sait
que la privation totale de sommeil est très dommageable pour l’organisme,
cela implique que si on peut se passer de sommeil paradoxal, le sommeil profond,
lui, semble indispensable à notre survie.
On doit aussi garder
à l’esprit qu’il est difficile de supprimer sélectivement
le sommeil paradoxal sans provoquer des effets non spécifiques dus au "stress"
de la méthode instrumentale ou dus à la multiplicité d'action
des diverses drogues qui suppriment le sommeil paradoxal.
L’alternance du sommeil lent
et paradoxal est aussi une alternance entre un état économe
et un état énergivore du cerveau. Les neurones
corticaux, qui sont activés de façon synchrone et fonctionnent en
quelque sorte au ralenti durant le sommeil lent, réduisent en effet d'un
tiers leur consommation de glucose et d'oxygène. En sommeil paradoxal,
au contraire, les neurones sont hyperactifs et consomment autant sinon plus de
glucose et d'oxygène que lorsque nous sommes éveillés.
Un exercice physique intense durant
la journée ou encore la température élevée d’une
canicule estivale entraîne une augmentation du sommeil lent. Pour ce qui
est du sommeil paradoxal, sa durée est augmentée suite à
des situations nouvelles ou inhabituelles nécessitant un apprentissage
important.
NOS DIFFÉRENTS SOMMEILS
Nous passons environ
le tiers de notre vie à dormir. À 75 ans, nous aurons donc passé
25 ans à dormir. Le sommeil fait partie de la vie de tous les vertébrés
supérieurs. Sa suppression sur une
période prolongée a des effets dramatiques sur l’équilibre
physiologique de l’organisme. Bref, dormir est presque aussi important que
se nourrir ou respirer.
Et pourtant, les scientifiques
ne savent pas encore exactement pourquoi nous dormons ! Cela peut sembler incroyable,
mais malgré nos connaissances de plus en plus approfondies sur les mécanismes
qui font que chaque nuit le sommeil l’emporte sur l’éveil,
très peu de certitudes existent au niveau du rôle du sommeil (voir
capsule outil à gauche).
D’un point de
vue purement opérationnel, on peut définir le sommeil comme un état
réversible d’interactions sensorielles et motrices réduites
avec l’environnement. Le coma (voir l’encadré) et l’anesthésie,
qui ne sont pas immédiatement réversibles, sont donc des états
distincts du sommeil.
Grâce à l’utilisation
de l’électroencéphalographe (voir capsule outil à gauche)
dans les années 1950, les chercheurs constatent que le sommeil est loin
d’être un phénomène unitaire, passif et dont la seule
finalité serait la récupération. Au contraire une activité
cérébrale particulière permet de distinguer entre le
sommeil lent et le sommeil paradoxal. Par conséquent, si on analyse
les caractéristiques de ces deux types de sommeil et de l’éveil,
on note d’importantes différences physiologiques un peu partout dans
l’organisme.
- Le tracé
de l’EEG est semblable pour l’éveil et le sommeil
paradoxal avec sa faible amplitude et sa fréquence élevée.
C’est le contraire pour le sommeil lent qui montre plutôt une grande
amplitude et un rythme lent.
- Durant
l’éveil, les sensations sont vives et proviennent
de l’environnement extérieur. Elles sont également vives durant
les rêves du sommeil paradoxal, mais générées intérieurement
cette fois-ci. Quant au sommeil lent, les sensations sont absentes ou très
atténuées.
- Quand
on est éveillé, l’activité motrice
est volontaire
et pratiquement continue. Durant le sommeil lent, elle est occasionnelle et involontaire.
Et lors du sommeil paradoxal, elle est inexistante (sauf pour les mouvements oculaires
rapides). En réalité, les mouvements sont commandés par le
cerveau mais sont bloqués et non réalisés, d’où
une atonie musculaire généralisée.
-
Les mouvements oculaires sont donc très fréquents à
l’état de veille et durant les rêves, mais rares durant le
sommeil lent.
- La pensée,
plutôt logique et progressive chez l’individu éveillé,
devient répétitive avec l’apparition du sommeil lent et carrément
illogique et étrange durant les rêves.
Le
sommeil lent, qui
peut être subdivisé en 4 stades distincts, semble correspondre
à un état fait pour le repos. Les muscles sont plus relâchés,
et les rares mouvements ne servent qu’à ajuster la position du corps.
Le métabolisme général de l’organisme diminue :
température, consommation d’énergie, fréquence cardiaque,
respiration, fonction rénale, tout cela ralentit conformément à
la prépondérance du système
parasympathique durant cette phase du sommeil.
Les
rythmes lents de l’électroencéphalogramme (ou EEG) durant
le sommeil lent indiquent que le cerveau semble également au repos. La
grande synchronisation de l’activité neuronale qu’on y observe,
résultat
d'une activité autonome du thalamus plutôt que de son rôle
de relais habituel, va dans le même sens, à savoir que la plus
grande partie de l’information sensorielle n’atteint même pas
le cortex durant cette phase.
Pas étonnant
que les gens que l’on réveille durant le sommeil lent ne se souviennent
que de vagues pensées et à de rares occasions de scènes oniriques
détaillées. William Dement, un chercheur important sur le sommeil,
parle d’un « cerveau fonctionnant au ralenti dans un corps mobile »
pour résumer le sommeil lent.
À
l’opposé, il définit le sommeil paradoxal
comme l’état d’un « cerveau actif halluciné
dans un corps paralysé ». Dement et ses collègues Eugene
Aserinsky et Nathaniel Kleitman ont commencé, dès le milieu des
années 1950, à réveiller des gens durant le sommeil paradoxal
pour s’apercevoir que la grande majorité d’entre eux rapportait
alors être en train de rêver.
Et de fait, ils pouvaient détailler les événements du rêve,
tantôt vraisemblables mais souvent ponctués de quelques bizarreries.
Le comportement du dormeur et les modifications physiologiques
que subit son corps durant le rêve sont tout aussi singuliers. Il y a d’abord
l’EEG dont la fréquence élevée et la faible amplitude
évoque celui de l’éveil. Des mouvements rapides des yeux accompagnés
de pointes
ponto-géniculo-occipitales (PGO) sur le tracé de l’EEG
sont aussi typiques du sommeil paradoxal. 90 à 95% des gens réveillés
durant ce type de sommeil disent qu’ils étaient en train de rêver.
Durant le sommeil paradoxal, la consommation d’oxygène
du cerveau, qui reflète sa consommation d’énergie, est très
élevée, et même supérieure à celle du même
cerveau éveillé qui réfléchit à un problème
cognitif complexe. Et que dire de la
perte presque totale de tonus musculaire qui survient durant le sommeil paradoxale
et qui fait que nous sommes littéralement paralysés durant nos rêves
! Nos muscles respiratoires et cardiaques assurent toutefois les « services
essentiels » et nos muscles oculaires (ainsi que les minuscules muscles
de l’oreille interne) demeurent actifs en produisant les fameux mouvements
oculaires rapides.
Durant le sommeil paradoxal,
la température interne du corps n’est plus bien régulée
et tend à glisser vers la température de la pièce, comme
chez les reptiles. Comme le
bébé humain passe énormément de temps en sommeil paradoxal,
on doit éviter les accidents de chauffage dans la pièce où
il dort car ceux-ci pourraient lui être préjudiciables.
De
leur côté, les fréquences cardiaques et respiratoires augmentent
durant le sommeil paradoxal, mais de manière irrégulière.
Finalement, le pénis entre en érection et le clitoris se gorge de
sang et ce, peu importe si le rêve a un contenu érotique ou pas.
Ce phénomène permet d’ailleurs de distinguer entre une impuissance
d’origine psychologique ou physiologique.
L’appareil
d’enregistrement le plus couramment utilisé pour étudier le
sommeil est l’électroencéphalographe (EEG)
(voir capsule outil ci-bas). Cet appareil permet d’enregistrer le
résultat de l’ensemble de l’activité des neurones corticaux
à l’aide d’électrodes disposées en des emplacements
standard du cuir chevelu. L’EEG a permis de distinguer l’éveil
du sommeil, puis les 4 phases du sommeil lent (voir l'image ci-bas).
Comme
chez l’humain le tracé de l’EEG du sommeil paradoxal est très
proche de celui du stade 1 du sommeil lent, deux autres appareils permettent de
les distinguer sans équivoque : l’électromyographe
(EMG), qui mesure le niveau de contraction
musculaire et l’électrooculographie (EOG),
qui enregistre les mouvements oculaires. L’EMG permet de détecter
l’atonie musculaire associée au sommeil paradoxal et l’EOG
d’enregistrer les mouvements oculaires rapides qui ont donné l’appellation
de « REM sleep » (pour Rapid Eye Movement en anglais) à
cet état particulier. Si particulier, en fait, que chez certains animaux
le tracé de l’EEG du sommeil paradoxal est en tout point similaire
à celui de l’éveil, d’où l’appellation
de « sommeil paradoxal » donné par Michel Jouvet
en 1959.
Des tracés typiques obtenus avec ces
différents appareils sont représentés ci-bas pour les différents
niveaux de vigilance.
Lorsque nous sommes privés
de sommeil, nous effectuons naturellement un rattrapage en dormant
davantage la nuit suivante. Mais toutes les phases de nos cycles de sommeil ne
seront pas récupérées de la même façon. C’est
d’abord notre sommeil lent profond que nous allons rattraper en priorité
durant cette première nuit de récupération. Celui-ci est
fondamental puisqu’il sert surtout à restaurer nos fonctions
physiques en sécrétant par exemple l'hormone de croissance, en augmentant
la synthèse des protéines et en intensifiant l’activité
du système immunitaire. C’est pourquoi certains chercheurs n’hésitent
pas à dire que pour passer l’hiver sans rhume, il est probablement
plus important de bien dormir que de mettre sa tuque !
Quant au sommeil
paradoxal, c'est seulement deux nuits plus tard qu'il y aura un léger rebond.
La durée du sommeil paradoxal semble plutôt liée à
la durée totale de notre nuit de sommeil. Autrement dit, plus on dort,
plus on a de sommeil paradoxal.
Chaque soir,
autour de la même heure, une sensation de fatigue, de manque de concentration
ou de froid nous incite à aller nous coucher. Si nous allons au lit à
ce moment, l’endormissement est généralement rapide, soit
moins de 10 minutes. Nous descendons alors tous les stades du sommeil lent, du
stade 1 plutôt léger au stade 4 très profond. Puis, le
sommeil redevient léger pour quelques minutes et soudainement survient
une première courte période de sommeil paradoxal de 5 à 10
minutes. Ceci termine le premier cycle de notre nuit de sommeil. Selon les individus,
de une heure et demie à deux heures se sont alors écoulées
depuis l’endormissement.
(D'après
Samara/Sommeil Primutam. Cradess)
Une
nuit complète représente l'enchaînement de 4, 5 ou parfois
6 cycles de ce genre. À la fin de la période de sommeil paradoxal
qui clôt chacun de ces cycles survient un moment où l’éveil
est très facile et où l’on se réveille d’ailleurs
très souvent. Puis, on enchaîne avec un nouveau cycle. Nous
ne gardons alors aucun souvenir de ces
brefs éveils, qui durent généralement moins de trois
minutes, et nous en profitons souvent simplement pour changer de position.
Mais si la personne est trop stimulée, cela peut prendre un cycle
complet avant qu’elle ne s’endorme à nouveau. Ces éveils
sont plus longs et plus fréquents après les deux premiers cycles
de sommeil. C’est pourquoi plusieurs connaissent cet éveil qui s’étire
entre 4 et 6 heures du matin et après lequel on réussit finalement
à s’endormir profondément.
Après
une période d’éveil durant la nuit, on repasse nécessairement
par des stades de sommeil lent. Le passage d’un stade d’éveil
directement à un stade de sommeil paradoxal est le propre de la
narcolepsie.
Bien que de durée semblable,
les cycles évoluent au cours de la nuit. Dans le premier tiers, le sommeil
profond domine. En fait, les deux premiers cycles comportent la presque totalité
du sommeil lent profond. En contrepartie, le sommeil lent léger et le sommeil
paradoxal sont proportionnellement plus importants en fin de nuit, la durée
des périodes de sommeil paradoxal pouvant alors atteindre jusqu’à
30 à 50 minutes. Une période de sommeil lent d’au moins 30
minutes semble toutefois nécessaire entre les périodes de sommeil
paradoxal, même en fin de nuit.
Pour l’ensemble de la nuit,
le sommeil paradoxal constitue environ 20 à 25% de notre temps de sommeil,
les stade 3 et 4 du sommeil lent environ 15 à 20 %, et le stade 1 environ
5%. La plus grande partie de la nuit se déroule donc en stade 2, soit 50
à 60 % chez le jeune adulte. Cette précision de l’âge
est importante puisque les
caractéristiques de nos cycles de sommeil se modifient avec l’âge…
Quelle que soit leur origine, les
rêves donnent lieu à des associations libres qui ont fait dire à
certains, comme Hobson, que notre cerveau était fondamentalement créatif.
Cette créativité spontané qui s’exprime durant les
rêves serait rendue possible par l'absence de nombreuses contraintes (somatiques,
cognitives, morales...) qui pèsent sur le sujet éveillé.
Plusieurs ont même affirmé que certaines de leurs créations
artistiques ou scientifiques les plus célèbres leur avait été
inspirées par des rêves : Giuseppe Tartini,
pour sa Sonate du diable; Jean de La Fontaine, pour sa fable
Les Deux pigeons;Auguste Kekulé, pour
la découverte de la structure de la molécule de benzène;
ou encore Otto Loewi, prix Nobel de physiologie en 1936, pour
la découverte de la
transmission chimique de l'influx nerveux !
On entend souvent dire qu’on
peut apprendre durant la nuit en écoutant un enregistrement de la matière
à apprendre. Il n’y a malheureusement aucune preuve scientifique
de ce phénomène. Des études ont montré que le peu
de choses dont les sujets se souvenaient le lendemain correspondait à ce
qu’ils avaient entendu dans les brefs moments d’éveils
spontanés durant la nuit.
En
fait, il semble très difficile pour le cerveau d’intégrer
de nouvelles informations en provenance de l’extérieur durant la
nuit. Si on a à se lever durant la nuit par exemple pour une raison ou
pour une autre, on a souvent oublié l’incident au petit matin.
Les découvertes sur l’efficacité
des protocoles
de visualisation chez les athlètes appuient la conception
du rêve en tant que maintien des comportements adaptatifs. L’utilisation
de la visualisation à l’entraînement se fait bien sûr
éveillé, mais il n’en demeure pas moins que certains rêves
sont très visuels et pourraient ainsi influencer nos performances durant
l’éveil.
"L'état
d'éveil est un rêve guidé par les sens."
-
Rodolfo Llinas
LES RÊVES
Il y a encore beaucoup
d'incertitude sur la ou les fonctions du sommeil en général (voir
capsule outil à gauche). Quant aux rôles possibles du rêve
et aux mécanismes qui les font advenir, ils demeurent encore plus mystérieux.
D’où la grande diversité des théories qui tentent de
les expliquer et de caractériser le
lien qu’ils entretiennent avec le sommeil paradoxal. Certaines sont
compatibles entre elles, d’autres sont mutuellement exclusives. En voici
quelques unes, parmi les plus débattues.
Pour
la théorie psychanalytique de Freud, les rêves sont une
fenêtre sur l’inconscient qui révèle des désirs
et des sentiments refoulés depuis l’enfance. Dans L’interprétation
des rêves, publié en 1899, le neurologue viennois suggère
que les rêves permettent d’assouvir ces désirs inavoués,
d’exprimer des fantasmes sexuels ou agressifs interdits dans la vie courante,
ou encore de nous préparer à affronter des situations angoissantes
de la vie. Selon la théorie psychanalytique, l’interprétation
des rêves pourrait donc aider à mieux comprendre notre vie psychologique
consciente.
La scène du puits, Grotte de Lascaux
(environ 17000 ans avant J.C.)
Parmi
les nombreuses interprétations qui ont été proposées
pour cette peinture rupestre de la grotte de Lascaux qui associe un homme couché
en érection, un bâton surmonté d'un oiseau et un bison blessé,
celle d’un rêveur, du concept ou du contenu d'un rêve a été
évoquée.
En 1977,
Allan Hobson et Robert McCarley proposent leur hypothèse
de «l’activation-synthèse», premier modèle
neurobiologique de l’origine des rêves qui rejette explicitement les
interprétations psychologiques freudiennes. Selon ce modèle, les
images du rêve sont produites par des impulsions nerveuses totalement aléatoires
déclenchées par la libération de l’acétylcholine
par les
cellules REM-On du tronc cérébral. Le cerveau endormi ferait
alors exactement la même chose qu’il ferait durant
l’état de veille avec des signaux visuels ambigus : il tente
de leur attribuer un sens.
Selon ce modèle,
les rêves ne seraient donc rien de plus que des tentatives désespérées
du cerveau de produire des images cohérentes d’après des signaux
confus émis par le pont (dont
les ondes PGO). En résulteraient à chaque nuit les histoires
étranges de notre « cinéma
de l’esprit », amalgame de préoccupations du moment et
d’événements mémorisés avec leurs émotions
associées.
Ce modèle est donc peu compatible
avec les hypothèses de Freud parce que ce ne sont pas des phénomènes
psychologiques (comme l’expression de désirs refoulés ou inavouables)
qui déclenchent les rêves, mais de simples boucles de rétroaction
biochimiques entre des
aires cérébrales très anciennes phylogénétiquement
et d’autres plus récentes. Cette hypothèse provoqua
un tollé chez les psychanalystes, même si elle reçut plusieurs
confirmations expérimentales durant les années qui suivirent.
Francis Crick et Graeme Mitchison
suggèrent en 1983 que les rêves seraient une façon de
« faire le ménage » dans le cerveau et de prévenir
ainsi une trop grande accumulation d’information reçu au fil des
jours. Cette théorie s’appuie donc sur l’hypothèse qu’une
surcharge d’information pourrait à la longue nuire aux activités
corticales de stockage des souvenirs.
Le cerveau examinerait donc à
chaque nuit les stimuli reçus durant la journée et éliminerait
celles qui sont dépourvue de sens pour le sujet. L’activation aléatoire
des connexions corticales par les neurones du tronc cérébral participerait
à ce désapprentissage. La façon dont s'effectuerait le tri
entre ce qui est signifiant et ce qui ne l'est pas demeure toutefois difficile
à résoudre.
Cette théorie du « désapprentissage
actif » permettrait en outre d’expliquer pourquoi nous
nous souvenons aussi mal de nos rêves : s’ils sont constitués
d’informations non significatives à oublier, à quoi cela servirait-il
de s’en souvenir ? En précisant, en 1986, que ce serait surtout les
idées
obsessives que le cerveau évacuerait ainsi, la pensée de Crick
et Mitchinson n’était pas sans rappeler celle de Freud sur la nécessité
de purger le cerveau de tensions psychiques néfastes.
Hypothèse
appuyée par une autre observation : chez le jeune nourrisson, la paralysie
musculaire étant imparfaite durant son sommeil paradoxal, celui-ci émet
volontiers des mimiques correspondant aux expressions faciales cardinales (sourire,
peur, dégoût, étonnement…) alors même qu’il
est encore incapable d’offrir un sourire à sa mère durant
l’éveil. Or, ces expressions faciales relèvent d’une
programmation génétique destinée à assurer, au sein
de l’espèce, une communication élémentaire.
Mais
comment cette connaissance préalable codée dans les gènes
est-elle transférée dans l’organisation du système
nerveux ? Car il y a un problème de taille : nous n'avons pas assez
de gènes pour guider la
synaptogenèse et coder l'ensemble des circuits cérébraux
nécessaires à ces comportements de base. Il faut activer ces circuits
en les utilisant pour compléter leur construction, ce qu’on appelle
le
développement épigénétique. Certains pensent donc
que le câblage de notre patrimoine génétique pourrait
être transférées au système nerveux du nourrisson par
les stimulations endogènes intenses qui accompagnent le sommeil paradoxal.
Pour
Michel Jouvet, cette hypothèse du rêve en tant que gardien de la
mémoire de l’espèce rend compte de plusieurs phénomènes.
D’abord les expériences où des
chats, libérés de l’atonie musculaire du sommeil paradoxal,
expriment toutes sortes de comportements propres à son espèce.
Ceci expliquerait pourquoi un chat, élevé et gardé dans un
appartement en ville par exemple, réussira toujours à chasser une
souris s'il se retrouve à la campagne parce qu'il se sera pratiqué
toutes les nuits à le faire. Ensuite chez l’humain, les cas de vrais
jumeaux, séparés par la vie, qui ont parfois des tempéraments
semblables. Mais pour que cette explication de « répétition
générale » soit cohérente, il faut aussi tenir
compte du fait que le sommeil paradoxal occupe près du quart des nuits
de l’adulte humain dont les circuits essentiels à la survie de l’espèce
sont en place depuis longtemps.
C’est ce qu’a fait Jouvet
en 1991 en proposant que chez l'adulte, le sommeil paradoxal servirait
à préserver la personnalité de l’individu ou à
la modifier en fonction de l'expérience vécue, en vue d'une
meilleure adaptation à l'environnement. Cette approche élargie,
où le rêve contribue à la fois à maintenir les bases
génétiques de la personnalité et les comportements appris
qui s’avèrent gratifiants, pose clairement la fonction des rêves
dans une perspective évolutive. Rien n’assure cependant que le sommeil
paradoxal soit seul responsable d'une telle reprogrammation.
En fait, il se pourrait bien que les rêves
aient plusieurs fonctions à la fois. Des
hypothèses plus récentes et encore très débattues
proposent ainsi certaines significations psychologiques à nos épisodes
oniriques.
Prendre plus de 15 minutes pour
s’endormir, être éveillé durant des périodes
de plus de 15 à 30 minutes durant la nuit ou dormir moins de 5
heures par nuit sont tous des symptômes de l’insomnie.
Ceux-ci doivent se produire plus de 3 fois par semaine et entraîner
des manifestations
pénibles le jour pour recevoir le diagnostic d’insomnie.
On estime qu’environ 45 %
des adultes ronflent occasionnellement et que 25 % sont des ronfleurs réguliers.
Le ronflement est plus fréquent chez les hommes et les
personnes faisant de l’embonpoint, et le problème s’accentue
généralement avec l'âge.
L’intensité
d’un ronflement peut atteindre 90 à 100 décibels, soit l’équivalent
du passage d'un camion à proximité. Le ronflement peut donc avoir
des conséquences sociales importantes dans les relations avec le conjoint
et le voisinage.
Le bruit du ronflement est produit par la vibration
des parois du pharynx dû à un rétrécissement partiel
des voies respiratoires. Durant le sommeil, le voile du palais, la luette et la
langue se relâchent un peu. Si d’autres facteurs comme un tonus musculaire
insuffisant, des amygdales hypertrophiées, un voile du palais trop long,
des voies nasales obstruées ou déformées, etc. s’ajoutent
à ce relâchement, le passage de l’air dans les voies respiratoire
devient trop difficiles et entraîne leur vibration.
Le ronflement,
bien que pouvant parfois déranger le sommeil du ronfleur lui-même,
n’est pas dangereux en soi à moins d’être le symptôme
d’un trouble plus grave, l’apnée du sommeil.
Il existe
plus de 300 inventions dûment brevetées pour empêcher de ronfler
! Certaines visent à empêcher la personne de dormir sur le dos, position
où le ronflement est souvent le pire, d’autres permettent de repositionner
la mâchoire inférieure ou d’ouvrir davantage les voies nasales.
Une mesure plus radicale et définitive est l’intervention chirurgicale
qui consiste à enlever la luette et une partie du voile du palais.
LES DÉRÈGLEMENTS DU SOMMEIL
On ne réalise vraiment
l’importance du sommeil que lorsqu’on vient à en manquer. Si
ce manque vient d’un choix volontaire de couper sur ses heures de sommeil,
on peu bien sûr contrer les
effets néfastes associés au manque de sommeil en révisant
ses priorités. Si, par contre, cette dette de sommeil provient d’une
incapacité involontaire d’obtenir la quantité ou la qualité
de sommeil nécessaire pour vaquer adéquatement à ses activités
quotidiennes, on parle alors d’insomnie.
La forme plus légère
d’insomnie, l’insomnie transitoire, touche au Canada
environ 15 à 25 % de la population selon les sources. Les difficultés
à s'endormir ou à rester endormis qu’éprouvent ces
individus peuvent être dues au stress,
au décalage
horaire ou simplement à la consommation excessive de café.
Une meilleure hygiène
de vie permet généralement de régler le problème.
Sa forme plus grave, l’insomnie chronique,
est moins commune et affecte environ 10 % de la population canadienne. Elle s’accompagne
d’un déséquilibre des neurotransmetteurs qui contrôlent
le début et la durée des cycles de sommeil et est souvent associée
à des troubles psychiatriques tels que la
dépression.
Les causes de l’insomnie chronique
sont très variées. Les facteurs externes comme
le bruit, la chaleur ou le froid doivent d’abord être envisagés.
Si la cause s’avère plutôt interne, certaines
insomnies peuvent être d’origine organique, d’autres
d’origine psychologique. Des maladies organiques connues
causant de la douleur, de la toux ou de la gêne respiratoire figurent parmi
des causes possibles d’insomnies. D’autres pathologies associées
spécifiquement au sommeil peuvent aussi en être responsable.
C’est le cas par exemple du syndrome des jambes sans repos
qui comporte deux manifestations souvent associées chez le même individu.
La première, le syndrome d'impatiences des membres inférieurs
correspond à une sensation très désagréable de picotement
ou de brûlure dans les jambes qui s’accompagne d’un besoin impérieux
de bouger. Ces impatiences, qui survient surtout le soir et la nuit, sont favorisées
par l'immobilité et soulagées, du moins en partie, par le mouvement.
C’est pourquoi elles gênent l’installation du sommeil en obligeant
la personne à se lever et à marcher.
La seconde
manifestation est le syndrome des mouvements périodiques (ou
des jambes agitées). Il s’agit de mouvements des jambes qui se produisent
au cours du sommeil, de façon involontaire. Ces mouvements périodiques
surviennent chaque 5 à 90 secondes durant le sommeil profond. Ils touchent
en général les muscles des jambes, le plus souvent les muscles des
extrémités, entraînant une flexion du pied et des orteils
mais parfois s'étendent au genou ou à la hanche. Ces mouvements
involontaires sont responsables d’un sommeil haché en plus d’être
fort dérangeants pour le compagnon ou la compagne de lit.
Le syndrome d'apnée du sommeil
est une autre pathologie du sommeil caractérisée par des
arrêts respiratoire durant la nuit. Les personnes qui en souffrent,
généralement des hommes corpulents d’âge mur, peuvent
se réveiller des centaines de fois au cours de la nuit, de sorte qu’ils
sont très fatigués durant la journée.
L’apnée
du sommeil est causée par un affaissement des voies respiratoires qui bloque
le passage de l’air et provoque un fort ronflement. Cet affaissement est
favorisé par le ralentissement du rythme respiratoire et du tonus musculaire
durant le sommeil. Si du poids excédentaire comprime les voies respiratoires
comme dans le cas de l’obésité, le pharynx aura alors tendance
à s’affaisser d’autant plus. Le niveau d’oxygène
diminuant alors rapidement dans le sang, le dormeur a le réflexe de prendre
une bruyante bouffée d’air, ce qui peut le réveiller des centaines
de fois par nuit. Il se réveille alors épuisé, bien que n’ayant
pas eu conscience de ces nombreux réveils. Si elle n’est pas traitée,
l’apnée du sommeil peut causer des problèmes cardiovasculaires
et raccourcir de manière significative l’espérance de vie.
Dormir autrement que sur le dos ou perdre du poids peut améliorer la situation.
Dépression
et anxiété sont aussi deux états qui peuvent
perturber considérablement le sommeil.Alors que la dépression
provoque le plus souvent des éveils prématurés en fin de
nuit, l’anxiété
amène aussi bien des difficultés d'endormissement que des éveils
dans la nuit.
L'insomnie peut enfin recevoir l’appellation
de psychophysiologique lorsque, après une première
période d'insomnie ayant une cause bien définie, la personne développe
un conditionnement négatif par rapport au sommeil. À force de ne
plus avoir confiance en son sommeil, la peur de ne pas dormir entretient à
elle seule l’insomnie.
Si
la vie d’un insomniaque n’est pas reposante (c’est le cas de
le dire), l’inverse, c’est-à-dire les hypersomnies,
ne le sont pas plus. Les hypersomnies, dont la
narcolepsie est le représentant le plus connu, n’est pas qu’une
simple somnolence diurne excessive due au manque de sommeil. Elles résultent
plutôt d’un dysfonctionnement particulier du réseau neuronal
de l’éveil ou du système anti-éveil.
Quant
aux parasomnies, on désigne par là toute une panoplie
de phénomènes anormaux qui surviennent au cours du sommeil. Les
parasomnies sont particulièrement fréquentes chez l’enfant
et comprennent le somnambulisme,
les terreurs nocturnes, le bruxisme, etc…