Le
contexte socio-économique du moment, les pressions politiques ou les valeurs
des historiens affectent le choix des faits qui seront transmis dans la mémoire
des générations suivantes.
MÉMOIRE ET APPRENTISSAGE
L'apprentissage est
une modification relativement permanente du comportement qui marque un gain de
connaissance, de compréhension ou de compétence grâce aux
souvenirs mémorisés. La mémoire est le fruit de cet apprentissage,
la trace concrète qui en est conservé dans nos réseaux de
neurones.
Notre mémoire est fondamentalement
associative : on retient mieux lorsqu'on peut relier la nouvelle information
à des connaissances déjà acquises et solidement ancrées
dans notre mémoire. Et ce lien sera d'autant plus efficace qu'il a une
signification pour nous. Donc prendre le temps de trouver ce lien peut être
payant en bout de ligne.
Et contrairement à
l'image classique d'une vaste collection de données archivées, la
plupart de nos souvenirs sont des reconstructions. En effet, les souvenirs
n'étant pas stockées dans le cerveau comme des livres dans une bibliothèque,
leur rappel exige à chaque fois une reconstruction à partir d'éléments
épars dans différentes aires cérébrales.
Plutôt
que la simple évocation de traces fixes, la mémoire est donc aujourd'hui
considérée comme un processus continuel de recatégorisation
découlant d'un changement
continu des voies neuronales et du traitement en parallèle de l'information
dans le cerveau.
Pour illustrer les deux propriétés
fondamentales de la mémoire, imaginons qu'une classe visite un musée
d'art égyptien un jour de pluie. Dix ans plus tard, le professeur maintenant
à la retraite lit un livre d'histoire qui mentionne le nom d'une momie
qui était dans ce musée. Le nom de cette momie lui rappelle alors
cette visite effectuée dix ans plus tôt. Puis, par association, lui
rappelle certains étudiants à qui il n'avait pas pensé depuis
dix ans. Il pourra même se rappeler leur regard intrigué par la momie
et même certaines questions qui lui avaient été posées.
Bref la mémoire est associative: une chose nous en rappelle une
autre, qui nous en rappelle une autre, etc.
Imaginons
maintenant qu'une étudiante avait trouvé cette visite très
désagréable parce qu'elle avait un oeil sur un camarade de classe
qui lui l'ignorait. Dix ans plus tard, en enlevant son imperméable mouillée,
elle se rappelle elle aussi l'événement. Sauf qu'elle se revoit
tenant la main de son copain, tous les deux fascinés par les explications
du prof. Le petit copain étant devenu son mari et lui apportant aujourd'hui
beaucoup de bonheur, son bonheur présent a embelli son passé. Aucun
souvenir n'est comme une photo que l'on ressortirait identique à chaque
fois. La mémoire est donc aussi une affaire de reconstruction.
La capacité de la mémoire
à court terme est généralement mesurée par la quantité
d'items qui peut être retenue après une présentation unique.
Cette capacité pour la mémoire à court terme est d'environ
7 items plus ou moins 2. Un item serait défini comme un " morceau
" d'information. Par conséquent, la capacité de stockage de
la mémoire à court terme pourrait être augmentée en
augmentant la taille des ces morceaux par une stratégie d'encodage plus
efficace (regroupement, etc.).
Voici deux phénomènes qui plaident
en faveur de deux systèmes mnésique distincts pour la mémoire
à court terme et la mémoire à long terme.
D'abord,
notre propension à mieux retenir les items qui apparaissent au début
ou à la fin d'une liste n'est pas affectée également par
une distraction. En effet, ce sont surtout les items à la fin de la liste
(donc dans la mémoire à court terme) qui sont perdus à cause
de la distraction alors que les premiers sont conservés. En utilisant les
termes techniques, on dirait que l'effet de récence est dû à
la mémoire à court terme alors que l'effet de primauté à
la mémoire à long terme.
D'autre part,
les gens avec une amnésie dite antérograde ne peuvent former de
nouveaux souvenir à long terme, mais ont une mémoire à court
terme intacte.
MÉMOIRE SENSORIELLE, À COURT ET À LONG
TERME
La distinction entre
différents types de mémoire selon leur durée de rétention
a fait l'objet de controverses passionnées au cours des années soixante.
Certains pensaient qu'il était plus élégant d'imaginer un
seul système à durée variable pour rendre compte des données
connues à l'époque. Mais peu à peu cependant, les preuves
se sont accumulées suggérant l'existence d'au moins trois systèmes
distincts.
Mais bien que leurs mécanismes
diffèrent, ces trois systèmes s'enchaînent naturellement et
peuvent être considérés comme trois stades nécessaires
à la mémorisation durable d'un souvenir.
Selon
ce modèle présentement admis, les stimuli détectés
par nos sens peuvent être soit ignorés (auquel cas ils disparaissent
presque instantanément), soit être perçu et entrer dans la
mémoire sensorielle. Celle-ci ne nécessite pas d'attention
car le stockage se fait automatiquement lors de la perception. Elle est toutefois
essentielle car c'est elle qui nous procure l'effet d'unité d'un objet
lorsque nos yeux sautent d'un point à un autre pour en examiner ses détails,
par exemple.
Si cet objet qui est dans
notre mémoire sensorielle est un octogone rouge par exemple, on peut lui
porter attention ou pas. Si c'est le cas, on prend conscience qu'il s'agit d'un
panneau de STOP. Quand on porte ainsi attention à une information, celle-ci
peut passer dans la mémoire à court terme. Celle-ci permet
d'enregistrer des informations limitées pendant un laps de temps de moins
d'une minute. Un effort actif peut être fait pour l'entretenir, comme lorsque
nous nous répétons un numéro de téléphone avant
de le signaler. Sinon, le souvenir s'efface en moins d'une minute.
Le fait de maintenir un certain temps un
souvenir dans la mémoire à court terme lui permettrait éventuellement
d'être transféré dans la mémoire à long terme
pour un stockage plus durable. Ce processus serait facilité par un travail
mental de répétition de l'information (d'où l'expression
de " mémoire de travail " de plus en plus employée
pour la mémoire à court terme). Mais il semble que cette stratégie
basée sur la répétition soit moins efficace que celle qui
consiste à consolider un souvenir en lui donnant du sens, c'est-à-dire
à l'associant à des connaissances préalablement acquises.
Une
fois dans la mémoire à long terme, l'information peut s'y
maintenir pendant une très longue période et parfois même
pour la vie. Toutefois, plusieurs facteurs peuvent rendre ces souvenirs difficiles
à récupérer : la durée qui nous sépare de l'événement
mémorisé, depuis quand nous nous sommes rappelé de l'événement
pour la dernière fois, son degré d'intégration avec nos autres
connaissances, son unicité, sa ressemblance avec un événement
présent, etc.
La mémoire implicite serait ce souvenir
latent dont
on n'a pas conscience, mais qui influencerait néanmoins
notre comportement. Toute la publicité se base d'ailleurs là-dessus.
Nous sommes tellement bombardés par les réclames publicitaires qu'on
a l'impression de ne plus les voir et donc de ne pas les retenir. Mais des expériences
ont montré qu'une fois au magasin devant des produits aux caractéristiques
équivalentes, on va être porté à acheter davantage
celle qui a eu une campagne de pub. Et ce, même si on est incapable de dire
pourquoi !
Le même phénomène expliquerait
aussi ce qui se passe lorsqu'on a une idée géniale que l'on croit
sortie tout droit de notre imagination et que l'on s'aperçoit, quelques
jours plus tard, que c'était dans le journal du week-end dernier qu'on
l'avait lu en diagonal...
DIFFÉRENTS
TYPES DE MÉMOIRE À LONG TERME
D'un point de vue clinique
et physiologique, plusieurs observations nous incitent à penser que la
mémoire à long terme engloberait différents types de mémoire.
Par exemple, certaines amnésies affectent certains types de souvenirs et
pas d'autres. De même, on a découvert que différentes structures
cérébrales étaient spécialisées dans le traitement
de différents types de souvenirs.
L'une
de ces distinctions qui apparaissent comme des plus fondamentales est celle que
l'on fait entre les mémoires explicites (ou déclaratives) et celles
qui sont implicites (ou non-déclaratives), selon que l'on peut ou non en
exprimer verbalement le contenu.
Traditionnellement,
les études se sont concentrées sur la mémoire explicite
où nous pouvons nous rappeler consciemment les faits et les choses. On
demande par exemple à quelqu'un de mémoriser un matériel
donné (liste de mots, images, etc.) qu'il doit ensuite se remémorer
verbalement. Cette mémoire semble donc favoriser l'encodage d'informations
relatives à l'identité, la fonction et les attributs d'un objet.
Plus
récemment, un intérêt croissant en recherche a vu le jour
pour une forme inconsciente de mémoire appelée mémoire
implicite. Il s'agit d'une forme de mémoire où l'on ne retient
pas l'expérience qui en est à l'origine. De plus, le rappel d'un
souvenir encodé dans la mémoire implicite se fait automatiquement,
sans les efforts de rappel nécessaire à la mémoire explicite.
La
mémoire procédurale, qui permet l'acquisition d'habiletés
et l'amélioration progressive de ses performances motrices, est peut-être
la mieux connue des différents types de mémoires implicites. C'est
cette mémoire qui permet, par exemple, de conduire sa voiture ou de manger
sans devoir être totalement concentré sur ces tâches. La mémoire
procédurale est inconsciente, non pas au sens freudien de souvenir refoulé,
mais parce qu'elle est constituée d'automatismes sensorimoteurs si bien
intégrés que nous n'en avons plus conscience. La mémoire
procédurale est souvent préservée chez les patients souffrant
d'amnésie profonde, ce qui plaide pour un système de voies nerveuses
distinct.
Beaucoup de nos conditionnements
émotionnels et de nos réflexes conditionnés
sont également du domaine de la mémoire implicite. L'apprentissage
associatif qui est à la base de ces formes de mémoire est un processus
très ancien phylogénétiquement qui peut se faire sans l'intervention
de la conscience.
L' acquisition d'un souvenir dans
la mémoire implicite se fait à notre insu et elle doit souvent être
mise en évidence de manière indirecte, par des phénomènes
comme l'amorçage ("priming"). L'effet d'amorçage
est une augmentation de la précision ou de la vitesse d'une prise de décision
qui survient suite à l'exposition préalable d'une information pertinente
sur le contexte, mais sans qu'il n'y ait aucune motivation à rechercher
cette information de la part du sujet. Par exemple, la décision que la
chaîne de caractères "docteur" est un mot est prise plus
rapidement lorsque la chaîne de caractères qui le précède
était "infirmière" comparé à "nord"
ou à une chaîne de caractères quelconque comme "nuber".