Capsule outil : Alzheimer : perspectives de traitements

Même s’il n’existe pas de remède ni pour guérir l’Alzheimer, ni pour stopper son évolution, certains médicaments peuvent néanmoins en atténuer temporairement les déficits cognitifs associés. Chez à peu près la moitié des patients qui y sont sensibles, l’atténuation des symptômes débute après 3 à 6 mois d’utilisation et dure en moyenne 6 à 12 mois. L’évaluation de ces traitements médicamenteux est toutefois rendue difficile à cause des variations dans le dosage, la durée, la voie d’administration, etc, des médicaments en question.

Les plus utilisés sont les anticholinestérasiques, des inhibiteurs de la dégradation de l’acétylcholine. Une autre molécule, la mémantine, inhibe pour sa part le récepteur au glutamate et est, elle aussi, d’efficacité moyenne et sans grand effet sur l’évolution de la maladie. Ces médicaments seraient d'autant plus efficaces qu'ils sont pris tôt, au stade léger ou modéré de la maladie.

Pour comprendre le mode d’action des anticholinestérasiques, il faut se rappeler que les neurones qui produisent de l’acétylcholine comme neurotransmetteur sont particulièrement atteints par l’Alzheimer. En empêchant la cholinestérase qui dégrade normalement l’acétylcholine de faire son travail, ces médicaments remontent donc la concentration de ce neurotransmetteur particulièrement impliqué dans la mémoire et l'attention.

La première molécule anticholinestérasique, la tacrine, a été mise sur le marché en 1994. La tacrine avait des effets secondaires indésirables, en particulier au niveau digestif et hépatique. Avec l’avènement d’inhibiteurs de la cholinestérase de seconde génération aussi efficaces qu’elle et mieux tolérés, la tacrine a été retirée des tablettes. Ces trois nouveaux anticholinestérasique, apparus entre 1997 et 2001, sont le donépézil (commercialisé sous le nom de Aricept®), galantamine (commercialisé sous le nom de Reminyl® ou Razadyne®) et rivastigmine (commercialisé sous le nom de Exelon®).

Ils présentent toutefois des effets secondaires légers à modérés au niveau digestif (nausées, vomissement, perte d'appétit, diarrhées) chez 10 à 20 % des patients. Ces médicaments peuvent aussi perdre de leur efficacité avec le temps, étant donné que les neurones des personnes souffrant d’Alzheimer produisent de moins en moins d’acétylcholine.

Le quatrième médicament prescrit couramment contre l’Alzheimer, la mémantine (commercialisé sous le nom de Ebixa® ou Namenda®), est pour sa part un antiglutamate. Apparu vers 2003, c’est le premier traitement médicamenteux approuvé pour les personnes qui présentent des symptômes modérés à sévères de l’Alzheimer.

Le glutamate est un neurotransmetteur excitateur très répandu dans le cerveau. Au cours de l’évolution de l’Alzheimer, il est produit en excès à certains endroits, ce qui a pour effet d’hyperstimuler l’un de ses récepteurs, le récepteur NMDA, et de rendre le glutamate toxiques pour les neurones. La mémantine, qui est un antagoniste du récepteur NMDA, prend la place du glutamate sur ces récepteurs et contre ainsi la toxicité du glutamate en excès. Elle est généralement bien tolérée, ses effets indésirables (vertiges, maux de tête, etc.) n’étant rapportés que par moins de 10 % des patients.

Les traitements futurs en cours de développement ont pour cible le peptide bêta-amyloïde responsable des plaques séniles et les protéines Tau à l’origine de la dégénérescence neurofibrillaire. On cherche par exemple à bloquer les effets délétères attribués à la bêta-amyloïde en inhibant sa formation, en dégradant les plaques amyloïdes déjà formées, ou en modifiant la forme anormale de la protéine tau.

L’une des voies explorées est celle de l’immunothérapie, autrement dit la création d’un vaccin contre l’Alzheimer. Il faut distinguer ici la recherche sur la vaccination active de celle de la vaccination passive. Dans le premier cas, on injecte au patient un antigène pour que son système immunitaire déclenche la fabrication d'anticorps dirigés contre les plaques amyloïdes. Dans le second cas, on injecte directement l'anticorps contre la bêta-amyloïde au patient.

Dès 1999, la vaccination active s’était montrée efficace sur des souris transgéniques qui avaient produit des anticorps contre le peptide bêta-amyloïde, réduit leur taux de bêta-amyloïde et amélioré leur cognition. En 2001, les premiers essais de ce vaccin chez l’humain démarrent, mais sont interrompus un an plus tard suite à des effets secondaires graves (des encéphalites) chez 18 des 300 patients vaccinés (6% des cas). Le suivi ultérieur des patients ayant reçu le vaccin a montré une diminution des dépôts amyloïdes chez certains patients accompagnée d’une amélioration cognitive modeste.

Quant à la vaccination passive, des essais cliniques étaient par exemple en cours en 2008 avec l’anticorps monoclonal Bapineuzumab qui se lie spécifiquement avec la protéine béta-amyloïde. Encore ici, une légère amélioration des symptômes a été observée, mais avec des effets secondaires notables.

Du côté des recherches visant à bloquer l'accumulation des protéines tau défectueuses dans les neurones, les voies les plus prometteuses viennent curieusement de deux médicaments anciens bien connus. D’abord le Rember, qui aurait permis de stabiliser le déclin cognitif de 321 patients du stade léger à modéré de l’Alzheimer. Après 19 mois de consommation d’une dose moyenne de Rember trois fois par jour, le groupe témoin n’avait toujours pas eu de déclin supplémentaire contrairement au groupe placebo chez qui ce dernier s’était poursuivi. De plus, l’imagerie cérébrale a montré chez certains participants que le médicament agissait dans les zones où il y avait le plus de protéines tau défectueuses.

Et ce qui est étonnant avec le Rember, c’est que son composé actif est le chlorure de methylthioninium, plus connu sous le nom de bleu de méthylène. Une molécule synthétisée pour la première fois en 1876 et utilisée depuis contre la malaria, les infections urinaires et bien d’autres affections !

Le latrepirdine ou Dimebon est quant à lui un antihistaminique développé et mis en marché en Russie. Il possède donc lui aussi de multiples propriétés chimiques et aurait un effet bénéfique sur les mitochondries des neurones de personnes atteintes d’Alzheimer. Une étude publiée dans le Lancet en 2008 avait ainsi démontré que, comparé au groupe placebo, il améliorait la mémoire et les troubles du comportement chez des sujets russes atteints d’Alzheimer.

Mais les résultats d’un essai clinique en phase III dévoilés début 2010 et comprenant cette fois des patients d’Amérique du Nord, du Sud, et de l’Europe n’ont pas démontré la même efficacité. Bien que décevante, cette annonce ne signifie pas pour autant que l’efficacité du latrepirdine ne sera pas éventuellement reconnue, comme ce fut le cas pour la mémantine qui eut elle aussi certains essais négatifs. L’organisme américain qui approuve les médicaments (FDA) le faisant généralement quand les deux tiers des résultats sont positifs.

De nombreuses autres avenues de recherche sont explorées pour tenter de trouver des médicaments contre l’Alzheimer, par exemple tout ce qui pourrait améliorer le travail d’un certain type de microglie capable d’éliminer efficacement les plaques amyloïdes. Mais à côté des médicaments, il existe également toute une panoplie d’approches dites « complémentaires » ou « non médicamenteuses » qui peuvent améliorer certains symptômes ou ralentir leur progression. Elles visent souvent à stimuler les capacités restantes de la personne malade afin d'améliorer sa qualité de vie et son bien-être.

On peut citer pêle-mêle la remédiation cognitive qui est une thérapie assistée par l'ordinateur permettant de stimuler les habiletés cognitives nécessaires à l’exécution des activités quotidiennes, notamment l’attention, la mémoire, le langage, la coordination main-œil, etc.; des ateliers dits « de réminiscence » qui, pour susciter la prise de parole, s'appuient sur des objets du passé (photographies, musiques, etc.) suscitant l'évocation de souvenirs anciens; la thérapie Snoezelen qui, en utilisant des expériences sensorielles variées dans un contexte apaisant, améliore l’humeur tout en réduisant l’agitation et l’apathie; d’autres approches basées sur la stimulation émotionnelle passent par l’art, la musique, les animaux de compagnie, etc.

Quant à la prise de vitamines (B, C, E) ou autres substances comme le ginkgo biloba, l’acide folique ou le sélénium, les études n’ont pas démontré jusqu’à présent de façon concluante qu’ils avaient des effets pour prévenir ou ralentir l’Alzheimer.


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