Capsule outil : l'étude expérimentale
des émotions Les scientifiques font une distinction entre
les émotions et les sentiments. Pour eux, les sentiments sont quelque
chose de conscient. C'est ce que les gens disent ressentir. En terme neurobiologique,
on dirait que les sentiments passent par le cortex cérébral. En
ce sens, les sentiments ne sont qu'un des aspects du processus émotionnel. Les
émotions sont donc quelque chose de plus vaste qui comprend, outre les
sentiments conscients, des changements physiologiques divers et des comportements
expressifs. Ces autres aspects du processus émotionnel trouvent leur origine
dans diverses structures du cerveau situées sous le cortex et beaucoup
plus ancienne évolutivement parlant. Les chercheurs disposent de
différents appareils pour mesurer ces variations physiologiques ou ces
comportements expressifs. Les réactions physiologiques qui sont le plus
souvent mesurés sont la fréquence cardiaque, la conductibilité
électrique de la peau et la température corporelle. On peut aussi
prendre certaines mesures comportementales comme l'état de contraction
de certains muscles faciaux, le temps de réaction ou tout simplement la
performance à un jeu vidéo. La voix a longtemps été
l'aspect expressif le moins étudié des émotions. Les difficultés
techniques reliées à l'encodage et au décodage du son de
la voix en est la raison principale. Mais cela a changé grâce aux
grandes possibilités de l'enregistrement numérique. Certains chercheurs
en arrive même à penser que nous sommes plus habiles à décoder
les émotions à partir de la voix que du visage ! Pour étudier
les modifications de la voix que produit une émotion, il faut bien sûr
provoquer une émotion chez le sujet et l'amener à verbaliser au
même moment. Ceci n'est pas si simple qu'on pourrait le penser. D'une part,
les émotions induites dans un laboratoire ne sont jamais très intenses
et le sujet peut facilement "décrocher" si on lui demande à
un moment précis de prononcer une phrase standard. D'autre part, si on
fait raconter une histoire au sujet, différentes émotions peuvent
s'exprimer simultanément et brouiller l'analyse. C'est pour cette raison
que des chercheur utilisent des subterfuges comme par exemple un jeu vidéo
à commande vocale. Il permet au sujet de prononcer des réponses
courtes, de façon naturelle et "sous le coup de l'émotion". L'expression
faciale est un outil de communication extrêmement précis et rapide
pour signaler une émotion. Par exemple, on peut détecter un sourire
à plus de 30 mètres de distance. Ou encore, on perçoit le
haussement de sourcil d'un ami qui nous reconnaît même si ce petit
mouvement ne dure qu'un sixième de seconde. Mais cette grand expressivité
du visage en fait aussi un outil idéal pour tromper, ce qui rend son analyse
scientifique parfois difficile. Avec seulement 44 muscles, le visage pourrait
faire jusqu'à 5 000 mimiques différentes. On sait aussi que les
émotions réelles et les émotions feintes peuvent être
distinguées d'un point de vue anatomique. Par exemple, le sourire de deux
amoureux qui se retrouvent va provoquer la contraction vers le haut des muscles
aux extrémités de la bouche mais aussi les muscles du coin de l'oeil
qui va provoquer les fameuses "pattes d'oies" des yeux rieurs. Par contre,
le sourire poli de votre banquier mettra en jeu les muscles de la bouche, mais
pas ceux des yeux. Les premiers humains devaient chasser des proies, se
défendre des prédateurs et élever des enfants avec un très
long temps de maturation. Notre survie dépendait donc très tôt
de notre capacité à décoder rapidement l'état émotif
des autres. Parce qu'elles sont le produit d'impératifs biologiques, plusieurs
expressions humaines sont universelles. Les chercheurs s'entendent ainsi pour
dire que des émotions comme la colère, la peur, la tristesse, le
dégoût, la surprise et la joie sont des émotions qui semblent
inscrites dans le cerveau de tous les humains. Une photo d'un automobiliste New
Yorkais en colère sera tout de suite bien comprise par un moine des hautes
montagnes du Tibet, et vice versa... |