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Lien : Temporal Synchronization: A Possible Mechanism for the Binding Together of the Conscious Self
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Chercheur : Interview with Rodolfo LlinásChercheur : Steriade, MirceaChercheur : Koch laboratoryChercheur : Christof Koch
Expérience
Expérience : Human oscillatory brain activity near 40 Hz coexists with cognitive temporal bindingExpérience : Neural dynamics in a model of the thalamocortical system. II. The role of neural synchrony tested through perturbations of spike timing
Capsules originales
Outil : L'imagerie cérébraleL'imagerie cérébrale
Outil : « Cellules grand-mère » ou décharges synchrones de neurones ? « Cellules grand-mère » ou décharges synchrones de neurones?

Rythmes cérébraux : osciller pour mieux lier


Les noyaux intralaminaires du thalamus possède des neurones avec de longs axones qui rejoignent l’ensemble du cortex. Les neurones du cortex qui reçoivent des projections des noyaux intralaminaires envoient en retour des projections qui reviennent de toutes les régions du cortex vers les noyaux intralaminaires, ce qui crée une boucle de rétroaction possible.

Les neurones des noyaux intralaminaires font feu à environ 40 Hz et Llinas pense que leur rythmicité est la source du rythme qu’il détecte à la surface du cortex. À chaque cycle, une onde partirait des noyaux intralaminaires et diffuserait dans tout le cortex, un peu comme sur l’écran des anciens radars la ligne de balayage illuminait tous les objets sur son passage en un cycle.

Par ailleurs, si les noyaux intralaminaires est lésé, la personne tombe dans le coma (bien que des lésions seulement aux noyaux intralaminaires soient rares) ce qui appuie son rôle dans les phénomènes conscients.


Le cerveau a plusieurs états oscillatoires naturels, qui correspondent à différents états fonctionnels. Par exemple quand les neurones thalamiques font deux cycles par seconde, le cerveau est dans un état de sommeil profond. À 10 cycles par seconde (10 Hz) le cerveau humain est éveillé mais ne porte pas attention au monde extérieur. Et à 40 Hz, il est éveillé attentif ou en train de rêver.

Du point de vue du système thalamocortical, les états fonctionnels généraux présents durant le sommeil paradoxal et l’éveil sont fondamentalement équivalents même si la façon de traiter l’information sensorielle et l’information corticale est différente dans les deux états.

Le sommeil paradoxal peut ainsi être considéré comme un état attentif modifié dans lequel l’attention est détournée des entrées sensorielles et tournée vers la mémoire.

En corollaire, l’éveil peut être considéré comme un état de rêve modulé par les contraintes produites par des entrées sensorielles spécifiques. La vie éveillée d’une personne serait alors l’équivalent d’un rêve guidé par les sens, pour paraphraser Llinas.



LES ASSEMBLÉES DE NEURONES ET LA SYNCHRONISATION D'ACTIVITÉ

Le problème de savoir comment on se représente différents objets avec chacun les caractéristiques qui lui sont propres, le fameux "binding problem", s'éclaire, du moins en partie, grâce au phénomène de la synchronisation neuronale autour de 40 Hz. Mais cela ne nous dit pas comment la représentation d’un objet donné devient consciente alors que les autres demeurent inconscientes. Autrement dit, qu’est-ce qui détermine laquelle des nombreuses assemblées de neurones oscillant à diverses fréquences (et correspondant à diverses représentations d’objets différents) va entrer dans l’attention consciente d’une personne.

Durant les années 1990, Rodolfo Llinas et ses collègues ont effectué une série d’études détaillées sur les interactions thalamocorticales qui leur ont permis de développer une théorie qui à la fois intègre les données de l’état conscient de veille et du rêve, s’attaque au problème de liaison, et fournit un critère pour déterminer quelle représentation consciente va être sélectionnée à un moment donné.

Le modèle de Llinas, bien que proche de plusieurs autres, est toutefois unique en ce qu’il propose une solution originale à cette dernière question. Llinas et ses collaborateurs ont élaboré leur modèle en utilisant une technique d’imagerie cérébrale très sensible appelée magnétoencéphalographie (MEG) (voir capsule outil). Grâce à cet appareil capable de mesurer indirectement les courants électriques dans le cerveau, Llinas a observé des oscillations en phase qui parcourent le cortex de sa partie antérieure à sa partie postérieure. Chacune de ces ondes dure environ 12.5 millisecondes (ms) et est suivi d’un repos de 12.5 ms, pour un temps total de 25 ms pour un cycle. Ce cycle se produit donc environ 40 fois par seconde et l’on retrouve donc ici les oscillations gamma à 40 Hz associées au problème de liaison des attributs d’un objet.

 

Ces oscillations seraient apparemment produites par les noyaux non spécifiques du thalamus, comme les noyaux intralaminaires (voir encadré et schéma ci-contre), dont les projections traversent le cortex de l’avant à l’arrière.

Le modèle de Llinas s’appuie donc sur l’interaction entre deux types d’oscillateurs. D’une part, ce système de projections thalamiques diffus responsable de l’onde qui balaie le cortex et fournit 40 fois par seconde un «contexte» à la perception consciente. Et d'autre part, l’autre système bien connu qui relie les noyaux thalamiques spécifiques à ceux des aires corticales spécialisées correspondantes et qui contribue à la liaison des différents attributs d'un même objet. Ce sera, par exemple, le corps genouillé latéral qui reçoit des connexions de la rétine de l'oeil et projette à son tour à l’aire visuelle primaire du cortex occipital.

Décrite sommairement, l’hypothèse de Llinas est que les assemblées de neurones qui correspondent à un contenu conscients sont celles qui oscillent en phase non seulement entre elles pour lier ensemble les différentes caractéristiques d’un objet, mais qui oscillent en plus en phase avec le balayage oscillatoire non spécifique.

Llinas a pu montrer que la présence de ces cycles est corrélée à des expériences conscientes cohérentes : elles surviennent continuellement durant l’éveil et le rêve mais pas durant le sommeil profond.

On observe par exemple une robuste activité neuronale autour de 40 Hz durant l’éveil, lorsque le sujet s’adonne à une tâche cognitive quelconque. Durant l’éveil, les deux familles d’oscillateurs sont donc couplés, et les circuits spécifiques répondent aux signaux externes. Durant le rêve, ils sont couplés, mais les noyaux spécifiques ne répondent pratiquement pas aux signaux externes. Les contenus conscients proviennent de l’interne, des souvenirs emmagasinés par le cerveau (voir encadré). Finalement dans le sommeil profond, les deux familles d’oscillateurs sont découplées et il n’y a pas de contenus conscients.

Certaines expériences ont aussi démontré qu’un son strident va, chez l’être humain éveillé, interrompre l’onde de balayage non spécifique et en repartir une nouvelle, alors que durant le sommeil paradoxal ce même son va produire une réponse corticale mais sans remettre à zéro l’onde de balayage. Ceci pourrait correspondre au fait qu’un tel stimulus va attirer notre attention consciente quand on est éveillé mais pas quand on est en sommeil paradoxal (et encore moins durant le sommeil profond où l’onde de balayage est absente ou considérablement réduite).

Dans une autre série d’expériences, les sujets entendaient une paire de clics sonores séparés par un intervalle allant de 3 à 30 millisecondes (ms). Les sujets étaient capables de distinguer les deux clics quand ils étaient séparés de 13 ms ou plus. Avec des intervalles plus courts, ils percevaient seulement un clic. Les enregistrements faits durant l’expérience avec le MEG révélaient par ailleurs que les intervalles plus courts que 12 ms produisaient une seule remise à zéro du balayage oscillatoire, alors que les plus longs intervalles en produisaient deux. Ces résultats semblent donc mettre en évidence un caractère discret plutôt que continu de la conscience, avec la durée de 12 ms étant le «quantum de la conscience», c’est-à-dire l’unité temporelle de base de l’expérience consciente.

L’équivalent dans un contexte naturel pourrait être par exemple une personne qui marche sur la rue en réfléchissant. Son cerveau génère alors des oscillations à environ 40 Hz. Tant que les représentations mentales s'accordent avec l'environnement extérieur, le cerveau continue de mettre la scène à jour selon un rythme stable. Mais si un chien menaçant aboie près de la personne, le cycle de 40 Hz est abruptement remis à zéro pour incorporer le nouveau stimulus dans l’ensemble de la scène pour que la nouvelle information puisse être prise en compte.

Chaque onde qui balaie le cortex en 12,5 ms crée ainsi une nouvelle image, mais ces images s’enchaîneraient si rapidement qu’elles nous semblent continues, comme les images fixes d’un film génèrent un mouvement apparemment fluide lorsqu’elles défilent assez rapidement.

 

De nombreux modèles neurobiologiques de la conscience font appel à une forme de compétition entre assemblées de neurones donnant lieu à des «processus sélectifs» des contenus conscients. C’est le cas de Crick et Koch à partir des années 2000, mais aussi d’Edelman, de Dennett, de Baars, etc.

Mais c’est peut-être le neurophysiologiste William Calvin qui intègre le plus en profondeur des processus de sélection Darwinien dans son modèle du fonctionnement cérébral. Son «darwinisme mental» s’appuie sur le concept de «code cérébral» qui est l’analogue du code génétique mais pour la reproduction et la sélection des représentations conscientes. Chacune de nos pensées devient pour Calvin le pattern d’activité cérébral dominant du moment, issu d’un processus de sélection entre de nombreuses autres variantes qui demeurent inconscientes.

Le substrat concret de ce code cérébral, unité de base de nos pensées, Calvin le voit dans les plus petites assemblées de neurones du cortex qui compteraient, selon lui, environ 10 000 neurones compris dans une centaine de microcolonnes. Ces petites assemblées de neurones seraient de taille similaire aux macrocolonnes de 0,5 mm que l’on retrouve dans le cortex associatif ou encore aux colonnes de dominance oculaire du cortex visuel primaire, quoique peut-être moins déterminées génétiquement dans leurs connexions.

Pour Calvin, c’est donc les patterns d’activité électrique de ces colonnes, formant une mosaïque de cellules hexagonales recouvrant tout le cortex, qui entrent en compétition pour devenir une image mentale consciente. Et en se copiant pour se répandre dans l’espace cortical, ce code cérébral introduit des variantes qui peuvent être à l’origine de comportements mieux adaptés.

Cette conception du cerveau comme un système évolutif, en plus d’être cohérente avec le principe de la sélection naturelle, s’harmonise également très bien avec les concepts d’assemblées de neurones de Hebb et de mème de Dawkins.

Enfin, Calvin a aussi élaboré son modèle en constatant que ce à quoi nous pensons sert toujours, en bout de ligne, à l’action. Et comme bien d’autres avant lui (Varela, Llinas, etc.), il résume cet impératif par une formule choc : loin d’être une combinaison de sensations et de souvenirs, nos pensées ne seraient, au fond, que des mouvements qui ne sont pas encore actualisés…

Outil : La sélection naturelle de DarwinLien : William Calvin Book : The Cerebral Code: Thinking a Thought in the Mosaics of the MindLien : The Cerebral Code Thinking a Thought in the Mosaics of the Mind William H. CalvinChercheur : William H. CalvinLien : Livre : THE CEREBRAL CODE: Thinking a Thought in the Mosaics of the Mind (MIT Press, 1996)COMPRESSING THE CEREBRAL CODELien : Danny Yee's Book Reviews: The Cerebral CodeLien : Le nombre magique: 40 Hz +ou- 30 ou les oscillations de la conscience
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