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Chercheur : Terrence DeaconChercheur : Pinker and the Brain
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Histoire : L'hominisationL'hominisation
Outil : La grammaire universelle de Chomsky La grammaire universelle de Chomsky

Le langage comme une fenêtre sur la nature humaine

Une langue étrange à l’origine d’une controverse chez les linguistes

La spécificité du langage humain

En sémiotique (on dit aussi sémiologie), discipline qui se consacre à l'étude des signes et de leur signification, on établit une relation entre un élément perceptible, le signifiant, et le sens donné à ce signifiant à l'intérieur d'un code, le signifié. La sémiologie fait aussi une distinction entre signe et indice (ou index). Ainsi la fumée est un indice du feu, et non un signe, parce qu’elle en est une simple conséquence naturelle. Le signe, lui, répond à une volonté de signifier quelque chose.

Outre l'indice, Charles Sander Peirce, l’un des père de la sémiotique, définissait deux types signes: l'icône, qui renvoie à l'objet signifié à travers une ressemblance avec celui-ci (par exemple la photo ou le dessin de quelque chose) ; et le symbole qui renvoie à l'objet à travers une convention d'ordre culturel (la balance qui symbolise la justice).


On a longtemps cru que l’homme de Neanderthal fut incapable de communiquer verbalement. On pensait qu’il devait bien avoir une forme primitive de langage, mais qu’il était incapable de produire la gamme complète des sons du langage humain. Son larynx n’étant pas encore aussi descendu que celui d’Homo sapiens, il devait avoir beaucoup de difficulté à prononcer les trois voyelles principales (i, « ou » et a) présentes dans la majorité des langues du monde.

Toutefois, certains font remarquer que la maîtrise de la totalité des voyelles n’est pas nécessaire pour parler un langage rudimentaire, en autant qu’il comprend un nombre suffisant de consonnes.

De plus, des recherches récentes remettent en question cette hypothèse de Lieberman, du nom de celui qui en a fait la promotion. Pour plusieurs, il semble difficile de croire que l'Homme de Néanderthal, produisant des outils sophistiqués, s’ornant le corps de bracelets et de colliers, enterrant ses morts et produisant des œuvres d'art, ne communiquait pas ou peu verbalement. Certains croient d’ailleurs que le crâne à partir duquel Lieberman a travaillé n’était pas vraiment représentatif de l’Homme de Néanderthal.

Des reconstitutions à partir d’autres crânes néanderthalien ont au contraire montré qu’il avait une base crânienne permettant l’existence d’un appareil phonatoire très proche de l’homme moderne. Par exemple la découverte, en 1989, d’un crâne d’homme de Néanderthal âgé de 60000 ans et possédant un os hyoïde (l’os qui supporte le larynx) a fait dire à certains chercheurs qu’il pouvait probablement parler.

Chose certaine, les néanderthaliens ont disparu il y a environ 28000 ans, laissant la place à son rival Homo sapiens sapiens qui, lui, avait tout ce qu’il faut pour utiliser un langage symbolique articulé et doté d’une syntaxe.

Lien : Homo neanderthalensisLien : Neanderthal's Gift Of SpeechLien : Language and SpeechLien : Homo neanderthalensis
Lien : Homo sapiens (sapiens)Lien : Homo neanderthalensisLien : L'extinction de l'homme de Néanderthal, pourquoi ?Lien : How Much Like Us Were the Neandertals?
Chercheur : Yves CoppensOutil : La voix et l'appareil de phonation
L'ORIGINE DU LANGAGE

Les théories sur l’origine du langage sont nombreuses et le moment de son apparition varie aussi grandement selon les auteurs, allant de l’époque de l’homme de Cro-Magnon il y a 40 000 ans à environ 2 millions d’années durant le règne d’Homo habilis. Un autre point très débattu est la question de savoir si le langage est né à différents endroits (polygénisme) ou à un seul (monogénisme). Parmi les partisans du monogénisme, deux grands courants se dessinent.

Le premier, influencé par les théories chomskiennes au sens large (voir capsule outil à gauche), part de l’idée que l’espèce humaine telle que nous la connaissons est née d’une improbable modification génétique survenue il y a environ 100 000 ans. Cette réorganisation de certains de nos circuits cérébraux serait à l’origine de notre « instinct du langage » qui aurait ensuite ouvert la voie à l’explosion de toutes les capacités cognitives apportées par ce précieux moyen de communication. Dans cette optique le langage a une composante innée, d’où la possibilité d’établir une « grammaire universelle ». Et la difficulté de concevoir une forme intermédiaire de langage qui fonctionnerait sans toutes les structures grammaticales que l’on retrouve dans les langues d’aujourd’hui. Même si cette vision de l’origine du langage a été critiquée comme anti-évolutionniste, plusieurs penseurs de l’évolution de renom lui ont apporté leur appui.

Le paléoanthropologue Ian Tattersall affirme par exemple que Homo sapiens sapiens n'est pas simplement une version améliorée de ses prédécesseurs mais bien un «nouveau concept humain», qualitativement différent des précédents. Pour Tattersall et plusieurs autres, le mécanisme par lequel le langage aurait émergé relève de la combinaison relativement soudaine d’éléments pré-existants n’ayant pas été sélectionnés précisément pour leur apport au langage, mais qui, du fait de leur association, donnent accès au langage. Il s’agit là d’un phénomène maintes fois rapporté durant l’évolution. Le paléontologue Stephen Jay Gould parle d’exaptation pour décrire ce phénomène et de « spandrels » pour la caractéristique qui en résulte (ici, le langage).

Gould pense d’ailleurs, à l’instar de Noam Chomsky, que le langage humain est si différent de tout autre chose dans le règne animal qu’il ne voit pas comment il aurait pu se développer à partir de cris ou de gestes ancestraux alors qu’on peut l’imaginer émergeant tel un effet secondaire de l’explosion de nos capacités cognitives.

L’autre courant privilégie une conception de l’évolution d’Homo sapiens où le langage se développe à partir de facultés cognitives déjà bien établies. Le déclenchement du langage étant issu non pas d’une mutation aléatoire, mais du simple fait d'un outil cognitif de plus en plus puissant. Peu à peu, les groupes d’hominidés ayant développé un langage articulé permettant l’expression d’événements passés ou imaginaires auraient supplanté ceux qui n’auraient encore qu’un protolangage.

On identifie à cet autre courant le linguiste Steven Pinker qui affirme que le langage a très bien pu être la cible de l’évolution et plaide en faveur d’une capacité générale du cerveau pour le langage, une conception souvent associée au courant « connexionniste » en science cognitive. Pinker invoque par exemple l’effet Baldwin comme force évolutive majeure ayant pu mener au langage moderne (voir l'encadré ci-bas). L’habileté à apprendre le langage serait donc devenu une cible de la sélection naturelle, permettant ainsi la sélection de modules d’acquisition du langage ("Language Acquisition Device" en anglais) pré-câblés génétiquement dans nos circuits cérébraux.


"La Tour de Babel" (1604), par Abel Grimmer (1570-1619).

Selon la légende de la tour de Babel, Dieu divisa la langue qui, à l’origine, aurait été la même pour tous.
Résultat : la tour qui devait un jour toucher le ciel, ne fut jamais complétée parce que les bâtisseurs
ne se comprenaient plus.

Cette conception implique également des formes intermédiaires du langage ayant mené jusqu’aux nôtres. Derek Bickerton suggère par exemple que nos capacités langagières auraient évolué en deux temps : d’abord une protolangue de représentations symboliques matérialisées par des signes vocaux et/ou gestuels qui pourrait avoir duré près de deux millions d’années; puis, il y a environ 50 000 ans, l’élaboration d’une syntaxe plus formelle qui aurait permis d’améliorer de façon significative la précision et la clarté des idées échangées. Car en plus d’étiqueter les choses («empreinte de léopard», «danger», etc.), la syntaxe permet d’unir plusieurs étiquettes pour accéder à encore plus de sens («Quand tu vois une empreinte de léopard, fait attention.»)

Par conséquent, si la représentation symbolique, déjà présente dans les protolangues, a rendu possible la construction des premiers modèles de la réalité, c’est l’apparition de la syntaxe qui aurait donné au langage humain toute la richesse qu’on lui connaît. Pour donner une idée du passage possible de l’un à l’autre, Bickerton prend l’exemple des pidgins de l'époque coloniale, ces langues rudimentaires développées par des personnes d’origine culturelle différente ayant besoin de communiquer (voir l'encadré ci-bas). Sans grammaire aucune, les pidgins deviennent, lorsque appris par une deuxième génération, des créoles, c’est-à-dire des nouvelles langues grammaticales issues de plusieurs langues mères.

Un autre chercheur important sur les origines du langage, Terrence Deacon, s’oppose à cette primauté de la grammaire et pense plutôt que c’est le caractère symbolique du langage qui est son élément essentiel.

Pour Deacon, les soi-disant symboles utilisés par les animaux ne sont que des indices (voir l'encadré à gauche ). Pour lui, ceux qui essaient d’enseigner aux chimpanzés le langage s’assurent que les mots ou les icônes utilisés pour désigner les choses apparaissent toujours simultanément avec ces choses dans l’environnement de l’animal, ce qui en fait de simples indices. Ce niveau inférieur du langage basé sur les signes et les icônes, Deacon l’associe à celui des premières années de l’enfant. Le langage articulé de l’adulte dépendrait quant à lui de la spécificité du symbole qui, pour Deacon, réside dans les liens logiques que chaque symbole entretient à l’égard des autres. Et c’est ce réseau de relations, beaucoup plus que la seule occurrence de signes arbitraires, qui caractérise pour lui les symboles utilisés par les humains.

Deacon pense donc qu’on ne doit pas chercher à comprendre l’évolution du langage en terme de fonctions grammaticales innées, mais bien en terme de manipulation de symboles et de relations entre les symboles. Il y a certes une prédisposition humaine pour le langage, mais elle serait le produit d’une coévolution entre le cerveau et le langage. Ce qui est inné pour Deacon est un ensemble de capacités mentales qui nous confèrent certaines tendances naturelles, lesquelles se traduisent par les mêmes structures langagières universelles. Il s’agit donc d’une conception différente de celle de Chomsky où ce qui est à l’origine de la grammaire universelle est associé à une innovation cérébrale spécifique au langage.

Cette coévolution du cerveau et du langage, Deacon la voit prendre racine dans la complexité de la vie sociale des humains, avec une grande coopération entre les hommes et les femmes de la communauté pour l’acquisition des ressources, mais également des liens monogames exclusifs assurant les soins nécessaires aux enfants très dépendants durant les premières années. Un mélange explosif qu’on ne retrouve dans aucune autre espèce (les grands singes sont par exemple autonomes pour leur alimentation) et qui nécessite des rituels et des interdictions pour assurer la stabilité des groupes. En d’autres termes des abstractions que seules des capacités symboliques peuvent appréhender.

Un pidgin est le nom donné à un langage créé spontanément à partir du mélange de plusieurs langues. Poussés par le besoin de communiquer, ceux qui développent un pidgin s’accordent sur un vocabulaire limité, afin de permettre à des locuteurs de langues différentes de se comprendre. Par conséquent, les pidgins ont une grammaire rudimentaire et un vocabulaire restreint. En taï boï, un pidgin franco-vietnamien, cela donne des phrases du genre: « Moi faim. Moi tasse. Lui aver permission repos. Demain moi retour campagne. »

Le premier pidgin documenté, la Lingua Franca, était utilisé par les marchands méditérranéens au Moyen-Âge. Un autre pidgin bien connu fut développé à partir d’un mélange de Chinois, d’Anglais et de Portugais pour faciliter le commerce à Canton dans la Chine du 18e et 19e siècle. Un autre cas classique est celui des esclaves des Caraïbes, dont les origines culturelles étaient trop variées pour permettre à leurs langues de se perpétuer après leur transplantation forcée.

Les enfants qui grandissent ensemble et apprennent un pidgin tendent à leur imposer spontanément une structure lexicale pour en faire des créoles, c’est-à-dire de véritables langues dont le vocabulaire provient d’autres langues. Mais ce n’est pas le cas de tous les pidgins et certains se perdent ou deviennent obsolètes.

Pour des chercheurs comme Derek Bickerton, les personnes se retrouvant dans les circonstances particulières décrites plus haut retrouvent une forme de communication ancienne, que Bickerton nomme protolangage, et dont le pidgin serait la manifestation moderne.

Lien : Encyclopedia: PidginLien : Nicaraguan Sign LanguageLien : Creoles and Pidgins


En 1896, James Mark Baldwin propose un mécanisme évolutif qui recevra bientôt le nom «d’effet Baldwin». Il s’agit d’un phénomène par lequel un comportement qui devait être à l’origine appris peut éventuellement devenir inné, c’est-à-dire fixé dans le programme génétique. L’efficacité de l’apprentissage joue un rôle clé dans l’effet Baldwin, ce qui le distingue de l’hérédité des caractères acquis de Lamarck.

L’effet Baldwin peut se comprendre si l’on garde à l’esprit que des individus capables d’un apprentissage efficace dans un domaine donné peuvent acquérir au cours de leur vie des avantages que n’obtiendront pas les moins doués côté plasticité cérébrale. La sélection naturelle aura donc tendance à favoriser ceux qui apprennent toujours plus vite jusqu’à ce que, à un moment donné, l’apprentissage ne soit plus nécessaire du tout. Le comportement est alors devenu instinctif.

À noter que l’effet Baldwin présuppose que l’environnement demeure relativement stable puisque s’il était trop changeant, il n’y aurait pas de sélection contre la plasticité puisque celle-ci deviendrait un facteur adaptatif important. Mais si l'environnement est stable durant une longue période, une sélection peut se faire pour favoriser une mutation rendant le comportement inné et donc plus robuste et économe. L’effet Baldwin, en tant que mécanisme évolutif qui prend pour cible les capacités d’apprentissage, a été simulé avec succès sur de nombreux programmes informatiques. Il est considéré par plusieurs chercheurs comme ayant pu jouer un rôle prépondérant dans l’évolution du langage.

Lien : The Baldwin Effect: IntroductionLien : The Evolution of Phenotypic Plasticity Through the Baldwin EffectLien : Book Review : Evolution and Learning: The Baldwin Effect Reconsidered. Lien : Can the Baldwin effect really explain the evolution of the LAD?Lien : Lamarckian inheritanceChercheur : Jean-Baptiste de LamarckOutil : Qu'est-ce que l'évolution?Outil : La sélection naturelle de Darwin Lien : Evolution, Learning, and Instinct: 100 Years of the Baldwin EffectLien : Inné et acquis : les réponses d'Henri Atlan

 

 


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