Le financement de ce site est assuré par vos dons, merci!
 
aide

La quête du plaisir

Les paradis artificiels

L'évitement de la douleur


Liens
AideLien : Pain And Itch Responses Regulated SeparatelyLien : Factors that Activate NociceptorsLien : Les douleurs chroniques bientôt soulagées
Lien : Sur la piste des douleurs neuropathiquesLien : Des chercheurs du Douglas identifient une nouvelle protéine reliée à la douleurLien : Neuronal and Neural-Glial Signaling Mechanisms in Pain NeuroplasticityLien : La douleur chronique au tapis
Lien : Une protéine associée aux douleurs chroniquesLien : La douleur chronique démasquéeLien : Social isolation and inflammatory gene expressionLien : Rôle des phénomènes inflammatoires périphériques
Lien : Rôle des neurones sensoriels ou nocicepteursLien : Le facteur de croissance des nerfs (NGF) : nouveau rôle d'un médiateur du système nerveux dans le système bronchiqueLien : Role of rat sensory neuron-specific receptor (rSNSR1) in inflammatory pain : Contribution of TRPV1 to SNSR signaling in the pain pathwayLien : Modulation of NMDA receptors by intrathecal administration of the sensory neuron-specific receptor agonist BAM8-22
Lien : More advanced pathphysiological processes and nociceptive and nueropathic pain responsesLien : The Central Sensitization Cascade
Chercheur
Chercheur : Quirion, RémiChercheur : Activités de recherche de mon laboratoire Dr. Rémi Quirion, Directeur scientifique, INSMTChercheur : Rémi Quirion élargit le champ d'application de la recherche en santé mentaleChercheur : Michael Salter
Capsules originales
Outil : L'anasthésie et l'analgésie L'anasthésie et l'analgésie

 

Certains nocicepteurs sont qualifiés de "silencieux" parce qu'ils ne répondent normalement à aucun stimulus chimique, thermique ou tactile. Mais lors d'une blessure avec inflammation, ils peuvent se "réveiller" et produire des potentiels d'action suite à l'abaissement de leur seuil d'activation par les différentes molécules inflammatoires. Plusieurs nocicepteurs viscéraux sont des nocicepteurs silencieux.

 

Que ce soit pour la sensibilisation centrale ou périphérique, on distingue au moins deux grands mécanismes par lesquels la sensibilité du neurone va être augmentée : un premier qui s'installe en quelques minutes, mais qui n'est que transitoire; et un second qui apparaît plus lentement, en terme de jours, mais dure plus longtemps. Ces mécanismes sont les mêmes qui ont été décrits pour d'autres phénomènes de mémorisation au niveau cellulaire, notamment la potentialisation à long terme.

Dans le premier cas, il s'agit de changements apportés à des protéines membranaires qui existent déjà. Ces protéines chargées de la transduction du stimulus nociceptif en influx nerveux se font par exemple phosphoryler, c'est-à-dire ajouter un groupement phosphate par des enzymes comme les kinases. La phosphorylation induit un changement de forme de la protéine qui deviendra par exemple plus perméable à certains ions. Dans le cas du récepteur canal AMPA du glutamate par exemple (impliqué dans la sensibilisation centrale), la phosphorylation va augmenter sa probabilité et sa durée d'ouverture, permettant ainsi plus d'ions sodium d'entrer dans le neurone, et modifiant ainsi le potentiel de membrane dans le sens d'un abaissement global du seuil d'excitabilité du nocicepteur.

Si le signal nociceptif persiste, l'expression de gènes ou le rythme de traduction de leur ARNm en protéine peut alors être augmenté. S'il s'agit de nouveaux récepteurs, ces nouvelles protéines seront alors acheminées jusqu'au bouton terminal de l'axone où elles contribueront elles aussi à abaisser le seuil d'excitabilité et donc à sensibiliser le neurone.

Les bases moléculaires du toucher se précisent

De nombreuses substances contribuent à la sensibilisation des nocicepteurs. Le facteur de croissance des nerfs (ou NGF), sécrété par des fibroblastes (cellules de soutien dans le tissu conjonctif) et des cellules de l'épiderme après leur stimulation par l'interleukine-1 sur le site de l'inflammation, est l'un de ceux-là. Son récepteur spécifique TrkA se retrouve environ chez 50% des nocicepteurs. L'activation de ce récepteur conduit à la phosphorylation des résidus tyrosine de sa partie intracellulaire et entraîne également la phosphorylation intracellulaire d'autres molécules comme les récepteurs TRPV1 (voir l'encadré à droite), un phénomène qui pourrait rendre compte de l'hyperalgésie à la chaleur induite par le NGF.

Le NGF pourrait aussi contribuer à une sensibilisation à plus long terme par sa capacité à moduler l'expression de gènes comme ceux de TRPV1 ou P2X3. On sait en effet que l'ensemble qu'il forme avec son récepteur TrkA peut être internalisé par endocytose dans des vésicules à l'intérieur de la fibre nerveuse. Puis, par transport rétrograde dans l'axone, le complexe NGF/TrkA peut remonter jusqu'au noyau du nocicepteur où il active la synthèse de nombreux peptides comme la substance P et le CGRP. Il peut aussi promouvoir la synthèse de nouveaux récepteurs pour les peptides algogènes sécrétés dans le foyer inflammatoire comme les récepteurs à la bradykinine, les récepteurs vanilloïdes VR1, etc.

Lien : Immune factors inducing painLien : An NGF-TrkA-Mediated Retrograde Signal to Transcription Factor CREB in Sympathetic NeuronsLien : Les bases neurales de la douleur
LES MOLÉCULES QUI PRODUISENT LA DOULEUR

La douleur est un mécanisme essentiel à notre survie. Elle ne survient normalement qu'en présence de stimuli intenses qui sont potentiellement ou effectivement dommageables pour l'organisme. Ceux-ci activent des fibres nerveuses à haut seuil, les nocicepteurs, qui transmettent par des voies ascendantes multiples le signal douloureux jusqu'au cerveau.

Mais il arrive malheureusement que cette douleur aiguë devienne chronique suite à une lésion tissulaire entraînant de l'inflammation ou des dommages au système nerveux lui-même (douleur neuropathique). Les deux peuvent conduire à des douleurs surgissant spontanément sans stimuli périphériques apparents ou encore à une hypersensibilité aux stimuli périphériques.

L'hypersensibilité qui survient après une blessure n'est pas mauvaise en soi. Elle est même adaptative dans la mesure où elle aide la guérison en empêchant tout contact avec le tissue lésé. Mais cette hypersensibilité persiste parfois au-delà de la guérison. Dans ce cas, la douleur engendrée n'a plus aucun bénéfice et est une manifestation de changements pathologiques dans le système nerveux.

Comprendre ce qui produit ces changements revêt donc une importance cruciale pour soulager les douleurs chroniques. Deux mécanismes principaux sont impliqués, soit la sensibilisation centrale et la sensibilisation périphérique. Dans les deux cas, le terme général de "sensibilisation" signifie une augmentation de l'excitabilité des nocicepteurs, peu importe les mécanismes sous-jacents. Les nocicepteurs réagissent donc à une surstimulation en devenant plus sensibles contrairement à la plupart de nos autres récepteurs sensoriels qui deviennent moins sensibles avec des stimulations répétées.

Dans le cas de la sensibilisation centrale, ce changement survient donc dans le système nerveux central, typiquement aux synapses entre les nocicepteurs et les neurones de la corne ventrale de la moelle épinière. À la suite d'une lésion sévère et persistante, l'efficacité de ces connexions synaptiques peut en effet être augmentée suite aux décharges répétées et à fréquence élevée dans les nocicepteurs affectés.

Dans la zone affectée, des mécanorécepteurs sensibles à des stimuli tactiles légers vont alors se mettre à activer des neurones de la moelle épinière qui ne répondent normalement qu'à des stimuli nociceptifs. Le gain du système se trouvant ainsi augmenté, le simple frôlement d'un vêtement sur la peau peut produire une sensation douloureuse. Ce phénomène appelé allodynie n'est pas la seule conséquence possible d'une sensibilisation centrale. La plus grande sensibilité que l'on ressent autour d'une blessure, dans une zone de tissus pourtant intacts, est aussi due à une sensibilisation centrale et peut mener à l'établissement de douleurs chroniques.

Cette augmentation du gain du système est attribuable à des phénomènes de plasticité impliquant le récepteur NMDA du glutamate. Cet acide aminé est en effet l'un des neurotransmetteurs principaux relâchés par les nocicepteurs avec la substance P. C'est donc la fixation d'un grand nombre de molécules de glutamate sur les récepteurs NMDA, modulée par la présence de substance P, qui va induire les modifications biochimiques rendant ces connexions centrales plus facilement excitables.

Il se crée alors une espèce de "mémoire de la douleur" (ou "wind up", en anglais) qui peut être temporaire ou plus permanente selon que les modifications moléculaires sous-jacentes sont de simples phosphorylations ou des changements plus profonds au niveau de l'expression des gènes (voir encadré). Ces modifications rendent aussi moins efficaces les contrôles descendants utilisant les opiacés pour réduire la douleur.

Une telle augmentation de la réponse nociceptive à un stimulus donné n'est pas le seul mécanisme pouvant mener à une hypersensibilité. L'abaissement du seuil d'excitation des nocicepteurs eux-mêmes en est un autre. On parle alors de sensibilisation périphérique pour décrire ce qui arrive à ces fibres nerveuses qui deviennent plus sensibles qu'elles ne l'étaient auparavant. Un exemple classique est le changement de sensibilité qu'on expérimente après un coup de soleil. L'eau chaude mais habituellement non douloureuse de la douche produira à l'endroit du coup de soleil une sensation de brûlure.

Encore ici, divers mécanismes, certains rapides, d'autres plus lents (voir encadré), vont contribuer à rendre les terminaisons nerveuses des nocicepteurs de cette région plus sensibles. En effet, lorsque notre corps subit un assaut suffisant pour créer une lésion, les cellules endommagées libèrent leur contenu dans l'espace extracellulaire. Cette véritable "soupe de molécules" va déclencher la sécrétion d'autres molécules dans un processus connu sous le nom d'inflammation. En moins de 15 ou 30 secondes, une rougeur et une chaleur dues à une vasodilatation des vaisseaux sanguins apparaît autour de la blessure. Cette réponse inflammatoire, produisant aussi oedème et libération de substances chimiques, atteint son maximum 5 à 10 minutes plus tard.

Les molécules impliquées dans ces réactions biochimiques locales proviennent de différentes sources, mais l'origine première vient des cellules endommagées elle-même. La lyse cellulaire libère par exemple la plupart du temps des ions potassium en grande quantité. Et il y a une bonne corrélation entre la concentration de potassium et le degré de douleur ressenti.

Même chose pour la concentration extracellulaire d'ions H+, qui contribuent eux-mêmes à activer directement des canaux ioniques au niveau de certains nocicepteurs. Ce type de mécanisme sera par exemple responsable des douleurs musculaires liées à la production d'ATP en condition d'anaérobie qui génère de l'acide lactique lors d'exercices particulièrement intenses.

De façon similaire, l'ATP provenant des cellules lésées contribue à la dépolarisation de certains nocicepteurs en activant directement des canaux ioniques dépendants de l'ATP.

Après une lésion tissulaire, les tissues environnants libèrent également des substances telles que la bradykinine (l'un des plus puissants agents algogènes connus), l'histamine et les prostaglandines. En se fixant sur des récepteurs qui leur sont spécifiques sur la membrane cellulaire des nocicepteurs (voir l'encadré ci-bas), ces molécules déclenchent des potentiels d'action dans les fibres nociceptives.

L'aspirine et les autres anti-inflammatoires non stéroïdiens sont le traitement de référence de ces phénomènes d'hyperalgie, du fait de leur action inhibitrice sur les enzymes impliquées dans la production des prostaglandines.

Par un phénomène connu sous le nom de "réflexe d'axone", les nocicepteurs vont aussi libérer de la substance P dans leurs collatérales en périphérie, c'est-à-dire vers les régions avoisinant le traumatisme. Cette libération en périphérie, atypique puisqu'elle va dans le sens contraire de normale pour un neurone sensoriel (efférent plutôt qu'afférent), étend et amplifie la douleur en provenance de la zone lésée. Cette libération de substance P va d'ailleurs amener certaines cellules comme les mastocytes à libérer eux aussi de l'histamine, provoquant ainsi une activation supplémentaire des fibres nociceptives dans cette région élargie. De là l'efficacité des crèmes qui bloquent les récepteurs de l'histamine (antihistaminiques) pour réduire ces réactions inflammatoires douloureuses.

Outre la libération périphérique de substance P par les nocicepteurs, ceux-ci libèrent également le peptide relié au gène de la calcitonine (calcitonin gene-related peptides ou CGRP, en anglais). Comme la substance P, le CGRP présente une activité vasodilatatrice à la fois directement, par son activité sur les cellules musculaires lisses, et indirectement en favorisant la libération d'histamine par les mastocytes. Et cette dilatation locale des capillaires produisant l'oedème favorisera à son tour la libération de bradykinine.

À cela s'ajoutent bien d'autres substances encore, comme la sérotonine libérée par les plaquettes sanguines qui augmente elle aussi la perméabilité des capillaires sanguins et contribue ainsi à la réaction inflammatoire. Ou encore le facteur de croissance des nerfs (ou NGF), dont on connaît l'importance pour le développement et la survie des neurones, et qui joue également un rôle dans les processus inflammatoires (voir encadré).

On voit donc comment ces mécanismes biochimiques sont complexes et comment ils agissent en même temps sur deux fronts: en activant directement les nocicepteurs, mais aussi en abaissant leur seuil d'activation, phénomène à la base de la sensibilisation périphérique.

 

Les nocicepteurs possèdent de nombreux récepteurs et canaux transmembranaires responsables de la transduction des stimuli chimiques, mécaniques ou calorifiques. Ceux-ci, en modifiant la conformation de leur molécule cible, vont altérer la conductance membranaire et donc induire des courants locaux. La sommation de ces courants locaux pourra ensuite déclencher des potentiels d'action si elle est suffisante.

Les canaux TRP (de "Transient Receptor Potential", en anglais) sont sensibles à des stimuli nociceptifs de différentes natures. Ce sont en quelque sorte des "généralistes" qui occupent le haut du pavé tant dans la nociception que dans d'autres détecteurs sensoriels. Cette protéine canal formée de six sous-unités transmembranaires laisse entrer du calcium et du sodium dans le nocicepteur. Le sous-type TRPV1 (aussi appelé récepteur vanilloïde, VR1) est par exemple sensible à la capsaïcine, au pH bas créé par les protons extracellulaires (l'acidité) et à la chaleur. Il s'agit donc d'un véritable intégrateur de stimuli chimiques et physiques qui pourrait aussi être activé par différentes protéines kinases. Celles-ci agiraient par l'entremise de voies biochimiques distinctes dont les détails sont loin d'être complètement élucidés.

À l'opposé, des récepteurs comme les ASIC (pour "Acid-Sensing Ion Channels", en anglais) sont des "spécialistes" qui ne répondent qu'à un seul type de stimulus, en l'occurrence ici les protons extracellulaires. Ceux-ci sont relâchés avec le contenu des cellules lésées ou encore produits par la respiration anaérobique, par exemple sous forme d'acide lactique qui rend les muscles endoloris. Un même type de stimulus peut donc interagir avec de multiples récepteurs, comme le montre la capacité des protons extracellulaires à activer non seulement les TRPV1, mais aussi les ASIC.

La transformation des étirements et des déformations mécaniques douloureuses des tissus est encore mal comprise. On pense que des protéines de la famille ENaC/DEG agirait comme transducteur mécanique non seulement dans les nocicepteurs A delta, mais aussi dans les mécanorécepteurs. D'autres candidats figurent aussi parmi les protéines TRP.


D'après : Julius et Basbaum, Nature 2002.

De nombreux autres récepteurs modulés par des substances émises par les réactions inflammatoires vont contribuer à la génération de la douleur. Ainsi, l'ATP extracellulaire produite par l'inflammation va se fixer aux récepteurs purinergiques (par exemple P2X3). Ou encore l'activation des récepteurs aux prostaglandines (PGE2), à la bradykinine (B1R and B2R) et à la substance P (NK1), par leurs ligands respectifs, va aussi contribuer à la réaction inflammatoire.

Cette activation déclenchera souvent une cascade biochimique complexe comme dans le cas du récepteur NK1 par exemple. Celui-ci est couplé à une protéine G et induit l'activation de la phospholipase C qui va à son tour donner de l'inositol tri-phosphate et du diacylglycérol en clivant son substrat, le phosphatidylinositol di-phosphate ou PIP2.

La compréhension du mode d'action de ces différents récepteurs intimement associés à la nociception est essentielle pour ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques. En effet, les antidouleurs déjà existants comme les opiacés et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) agissent également sur des récepteurs en dehors des voies de la douleur, produisant des effets secondaires indésirables.

Lien : Une nouvelle piste contre la douleurLien : Pas de douleur mais toujours du mouvementLien : TRPV1Lien : Cold thermosensationLien : Immunohistochemistry of the pain system

 


     
Liens
Lien : L'OxyContin : Parlons franchementLien : L'étude OPICAN, menée dans 7 villes canadiennes, indique que l'abus des opioïdes d'ordonnance est plus répandu que l'usage de l'héroïneLien : Opioid receptorLien : Protéine G
Lien : OxycodoneLien : Mood elevating endorphine release greater with social than with solitary exerciseLien : Rowing as a group increases pain thresholdsLien : Endorphins
Lien : Neuroanatomy of PainLien : Peripheral opioid receptors: a new therapeutic concept to target inflammationLien : MedscapeLien : Structure-activity studies on nociceptin/orphanin FQ: from full agonist, to partial agonist, to pure antagonist
Lien : Acute pain
Chercheur
Chercheur : Jeffrey S. Mogil
Expérience
Expérience : Induction of Opioid Receptor Function in the Midbrain after Chronic Morphine TreatmentExpérience : Prolonged morphine treatment selectively increases membrane recruitment of ?-opioid receptors in mouse basal ganglia
Histoire
Histoire : Relief of Pain and Suffering

 

La prise chronique d'opiacés exogènes diminue les effets inhibiteurs sur les voies nociceptives produits normalement par les ligands opioïdes endogènes. Cette diminution s'explique entre autres par un découplage entre les récepteurs opioïdes et les protéines G qui court-circuite la cascade de réactions biochimiques subséquentes. Les récepteurs opioïdes eux-mêmes sont aussi désensibilisés. Et la synthèse de leur ligand naturel, les enképhalines par exemple, peut être diminuée. Enfin, la morphologie même des neurones est modifiée par une diminution des neurofilaments et l'inhibition du transport axonal.

Ces changements ne sont pas sans altérer profondément l'activité nerveuse dans les circuits de la douleur. Ils aboutissent à une réduction de l'efficacité de notre système analgésique naturel aux endorphines ainsi qu'aux phénomènes de tolérance et de dépendance.

 

Un agoniste est une molécule qui agit comme un ligand naturel en se liant au même récepteur que lui. La morphine est par exemple un agoniste de la bêta-endorphine car elle se fixe sur les récepteurs mu pour produire des effets similaires. La méthadone, un composé synthétique utilisé pour amoindrir les syndromes du sevrage aux opiacés comme l'héroïne ou la morphine, est également un agoniste des récepteurs mu.

L'antagoniste d'une molécule se fixe lui aussi sur le même récepteur que cette molécule, mais sans produire son effet. Comme une clé rentrée dans la mauvaise serrure, il bloque le récepteur en occupant son site actif et prévient par le fait même toute liaison avec le ligand naturel. C'est ainsi qu'agit la naloxone, l'antagoniste le plus connu des opiacés..

Celle-ci est par exemple utilisée par voie intraveineuse après une overdose d'héroïne qui a fait chuter la fréquence respiratoire à deux ou trois respirations par minute. En compétitionnant rapidement avec l'héroïne présente dans le sang du patient pour l'occupation des récepteurs opioïdes responsable de la dépression respiratoire, la naloxone peut ramener en quelques secondes la fréquence respiratoire à quinze à vingt par minute.

Plus anecdotique, mais aussi révélateur, lorsqu'on injecte des antagonistes aux opioïdes à des gens capables de manger de très forts piments de type jalapeno, le plaisir des mangeurs se transforme rapidement en douleur atroce, leurs endorphines ne pouvant plus faire leur travail.

Il existe aussi ce qu'on appelle des agonistes partiels. Ceux-ci occupent eux aussi les récepteurs du ligand et produit le même effet, mais d'intensité moindre. Des doses croissantes d'agonistes partiels sont donc accompagnées d'effets croissants, mais à un certain point l'effet plafonne malgré les doses toujours croissantes. À ces fortes doses, l'agoniste partiel se comporte un peu comme un antagoniste s'il est mis en présence du ligand naturel: il déplace progressivement ce dernier des sites actifs des récepteurs et en réduit d'autant son effet.

La buprénorphine est un agoniste partiel des récepteurs opioïdes de type mu utilisé comme la méthadone pour le traitement substitutif de la dépendance aux opiacés.

Lien : Notion d'agonisteLien : Notion d'antagonisteLien : AgonistLien : Buprénorphine
Lien : Methadone

 

Notre système opioïde interne semble jouer un rôle dans la dépendance psychique aux drogues. On a par exemple démontré que des souris dépourvues de récepteurs opiacés de type " mu " ne s'auto-administrent pasd'alcool ou de cocaïne alors que les souris normales utilisent abondamment ce dispositif permettant l'autostimulation.

Dans une autre expérience, des rats reçoivent une injection de morphine et sont ensuite placés dans un compartiment au mur coloré. Le jour suivant, les rats reçoivent un placebo et sont placés dans un autre compartiment au mur d'une couleur différente. On continue ainsi plusieurs fois cette alternance et l'animal apprend ainsi à associer un environnement spécifique avec les effets positifs de la morphine.

Après cette période de conditionnement, les rats sont replacés (sans injection de drogue ni de placebo) dans l'un, puis dans l'autre des compartiments. Lorsqu'un rat est placé dans l'environnement associé à l'injection de morphine, on constate une augmentation de la concentration synaptique des enképhalines dans le noyau accumbens de son cerveau. Mais quand on le met dans le compartiment associé à l'injection du placebo, c'est plutôt une diminution des enképhalines que l'on observe.

Cette production d'enképhalines dans un site clé du circuit de la récompense semble donc être impliquée, du moins en partie, à l'anticipation d'une récompense. Par ailleurs, rappelons que la dopamine, neurotransmetteur grandement associé au plaisir, est libérée sous l'influence de deux types de neuropeptides : les cholécystokinines et… les enképhalines qui se fixent sur des récepteurs opioïdes de type " mu " et " delta " !

Expérience : Endogenous enkephalin modulation of dopamine neurons in ventral tegmental areaExpérience :Mu opioid receptor involvement in enkephalin activation of dopamine neurons in the ventral tegmental areaExpérience : Dopamine Depletion Reorganizes Projections from the Nucleus Accumbens and Ventral Pallidum That Mediate Opioid-Induced Motor Activity
LES MOLÉCULES QUI DIMINUENT LA DOULEUR

Les substances opioïdes extraites de plantes sont utilisées depuis des siècles pour soulager la douleur. Au début des années 1970, la découverte de récepteurs membranaires spécifiques à ces molécules et, quelques années plus tard, des peptides endogènes qui s'y lient , a jeté les bases de notre compréhension des mécanismes complexes de notre système à endorphines.

Les récepteurs aux endorphines constituent les éléments clés qui permettent de comprendre l'action anti douleur des endorphines ou des médicaments analgésiques opioïdes (voir la capsule outil). Comme la plupart des récepteurs, il s'agit de grosses protéines insérées dans la membrane cellulaire du neurone.

On distingue quatre grandes familles de récepteurs opioïdes qui toutes sont formées de protéines ayant 7 domaines transmembranaires. La partie exposée au milieu extracellulaire possède un site spécifique dont la forme est complémentaire à celle des substances opioïdes qui donc peuvent s'y fixer. Cette fixation provoque une modification de la forme du récepteur qui va activer, du côté intracellulaire, une protéine G formée de trois sous-unités (alpha, bêta et gamma).

Cette activation conduit au remplacement, sur la sous-unité alpha, de la molécule de guanine diphosphate (ou GDP) qui y était liée par une molécule de guanine triphosphate (ou GTP). La GTP induit à son tour la dissociation de l'ensemble alpha, bêta et gamma en une sous-unité alpha et une sous-unité bêta-gamma.

D'après Roger Summers

Chacune de ces deux entités contribuera ensuite à la transduction du signal, c'est-à-dire le déclenchement d'une cascade de réactions biochimiques (on parle aussi de " seconds messagers ") à l'intérieur de la cellule suite à un événement déclencheur à l'extérieur de la cellule. Dans le cas de la fixation d'un peptide opioïde endogène ou d'une substance opiacée d'origine externe sur un récepteur opioïde, les effets sont généralement inhibiteurs sur l'activité nerveuse de la cellule.

D'après Roger Summers

Les mécanismes les mieux connus de ces inhibitions impliquent l'adénylate cyclase, une enzyme qui transforme de l'ATP en AMP cyclique. La diminution d'AMP cyclique, un second messager important qui interagit avec plusieurs autres protéines, est à l'origine par exemple de l'hyperpolarisation neuronale observée suite à la fixation d'agoniste mu ou delta sur les récepteurs opioïdes. Des canaux potassiques sont ici affectés par l'AMP cyclique pour produire cette baisse d'excitabilité neuronale qu'on appelle hyperpolarisation.

Un autre effet produit par la cascade de seconds messagers initiée par la protéine G concerne les canaux calciques sensibles au voltage situés sur le bouton terminal de l'axone (près de la synapse). L'effet ici est une diminution de perméabilité au calcium de ces canaux qui entraîne une baisse de la libération de neurotransmetteurs, notamment de la substance P et du glutamate, présents dans les afférences sensorielles nociceptives des fibres C.

Cet affaiblissement de transmission de l'influx nerveux au niveau présynaptique, tout comme l'élévation du seuil de déclenchement des potentiels d'action dans le neurone post-synaptique (hyperpolarisation), va diminuer l'activité globale dans les voies ascendantes de la douleur (voir l'encadré) et par conséquent sa perception.

Dans chaque grande famille de récepteurs opioïdes, on compte aussi différents sous-types dont l'activation peut être sélective pour certains ligands. Ceux-ci produiront des effets différents selon la nature particulière du sous-type de récepteur auquel il se fixe, mais aussi selon le type de neurone où l'on retrouve ces récepteurs.

On connaît au moins quatre grandes familles de récepteurs opioïdes, désignés respectivement par les lettres grecques " mu ", " delta ", " kappa " et la quatrième par le sigle ORL-1 (pour " Opioid Receptor-Like ", en anglais).

Les récepteurs de type delta furent les premiers à être décrits vers le milieu des années 1970. Ce sont les enképhalines qui ont la plus grande affinité avec les récepteurs delta et elles sont pour cette raison considérées comme leur ligand naturel. Les enképhalines peuvent cependant aussi se fixer aux récepteurs mu et kappa, mais avec une affinité moindre.
Lien : Récepteurs opioïdesLien : Delta Opioid receptorLien : The delta receptorChercheur : Louis Gendron, Ph.D.

Difficiles à caractériser au début à cause de la faible durée de vie des enképhalines, on connaît un peu mieux les récepteurs delta depuis que des peptides qui leur sont spécifiques ont pu être synthétisés. On sait par exemple que l'activation des récepteurs delta produit une analgésie, quoique moindre que celle des récepteurs mu. Mais celle-ci semble cependant s'accompagner aussi de moins d'effets secondaires indésirables, notamment au niveau de la dépression respiratoire, de la constipation et de la tolérance. D'où l'intérêt dans la recherche sur la douleur chronique pour les agonistes (voir l'encadré) sélectifs du récepteur delta.

Une autre caractéristique intéressante du récepteur delta est son effet régulateur sur l'humeur. Des souris mutantes ne possédant pas le gène du récepteur delta ont démontré un degré d'anxiété plus élevé et des comportements dépressifs. Encore ici, des agonistes spécifiques pourraient s'avérer précieux dans le traitement des troubles de l'humeur.

Les récepteurs delta sont bloqués par la naloxone, mais celle-ci s'y fixe avec une moins grande affinité que sur les récepteurs mu.

D'après : http://opm.phar.umich.edu/protein.php?pdbid=2iql

Lien : How Does The Opioid System Control Pain, Reward And Addictive Behavior?Lien : mu Opioid receptorLien : Mu Opioid Receptor Regulation And Opiate Responsiveness

Les récepteurs de type mu ont comme ligand naturel la bêta-endorphine, second peptide opioïde identifié après les enképhalines. Celles-ci s'y fixent d'ailleurs aussi avec une bonne affinité, ce qui n'est pas le cas des dynorphines dont l'affinité pour les récepteurs mu est faible.

C'est également sur les récepteurs de type mu que se fixent préférentiellement la morphine et les autres dérivés opioïdes exogènes. Ces analgésiques morphiniques produisent cependant des effets secondaires indésirables (dépression respiratoire, constipation, tolérance, etc) principalement par l'entremise du récepteur mu.

Les techniques de la biologie moléculaire ont permis d'identifier de multiples variantes du gène du récepteur mu. Un premier sous type, le récepteur mu-1, est davantage associé à l'effet analgésique et un autre, le récepteur mu-2, aux effets respiratoires et de motilité intestinale.

On a également proposé un rôle des récepteurs mu dans l'attachement mère enfant et dans le circuit de la récompense. Cette dernière implication pourrait d'ailleurs être à l'origine des comportements de dépendance induits par des substances comme l'éthanol, la nicotine, l'héroïne ou la morphine. Cette dépendance ne s'installe d'ailleurs pas chez les souris dont les récepteurs mu ont été désactivés.

La distribution des récepteurs mu dans l'organisme correspond aux effets qu'ils produisent. Ceux-ci sont par exemple largement présents dans la région des centres respiratoires du tronc cérébral. Ou encore au niveau pré-synaptique dans la substance grise périaqueducale et la corne dorsale de la moelle épinière où ils contribuent à l'inhibition descendante de la douleur.

Ce contrôle descendant, à l'œuvre aussi dans l'effet placebo, est d'ailleurs bloqué par la naloxone, un antagoniste puissant des récepteurs de type mu.

Les récepteurs de type kappa ont la plus grande affinité pour la dynorphine, peptide opioïde découvert à la fin des années 1970. Encore ici, l'affinité des différents sous-types de dynorphine pour les récepteurs kappa varie cependant. Comme les autres récepteurs opioïdes, les récepteurs kappa induisent une analgésie, mais provoquent également des nausées, de la dysphorie et autres effets psychiques indésirables, ce qui ajoute aux difficultés liées au développement d'agoniste de synthèse pour ce type de récepteur.
Lien : kappa Opioid receptorLien : ?-Opposing actions of the ?-opioid receptor Expérience : The Effect of κ-Opioid Receptor Agonists on Tetrodotoxin-Resistant Sodium Channels in Primary Sensory NeuronsExpérience : The Dysphoric Component of Stress Is Encoded by Activation of the Dynorphin κ-Opioid System

On trouve aussi de nombreux liens entre le stress chronique, ses effets néfastes sur la santé et les dynorphines. Le système à dynorphine, et donc en bout de ligne ses récepteurs kappa, contrôlerait certains circuits neuronaux reliés au stress, produisant ainsi les effets dysphoriques qui accompagnent cet état de tension permanente.

De façon plus générale, de plus en plus de données montrent que l'activation des récepteurs kappa produit des effets qui s'opposent à ceux qui découlent de l'activation des récepteurs mu (analgésie, tolérance, récompense, mémoire, etc.). Ces effets opposés impliqueraient aussi une localisation des deux types de récepteur sur différentes catégories de neurones dans ces circuits utilisant les peptides opioïdes.

Lien : kappa Opioid receptorLien : ?-Opposing actions of the ?-opioid receptor
Le plus récent récepteur opioïde à avoir été mis en évidence est le récepteur à la nociceptine ou ORL-1 (pour " opioïd receptor-like ", en anglais). Ce récepteur a une grande affinité pour la nociceptine (aussi appelée orphanine) tout en ayant très peu pour les trois autres grandes familles d'endorphine. Et inversement, les peptides opioïdes autres que la nociceptine ne se fixent guère sur les récepteurs ORL-1.

Voilà qui est assez singulier pour un récepteur qui montre une grande homologie de structure avec les trois autres classes de récepteurs opioïdes. Cette singularité se manifeste aussi au niveau des fonctions du récepteur ORL-1 qui, selon la dose et le site d'action, peut être tantôt un antagoniste aux effets des opiacés, tantôt un analgésique. De plus, l'activation du récepteur ORL-1 affecterait directement ou indirectement (par l'entremise du GABA), le taux de dopamine. La pharmacologie du récepteur ORL-1 semble donc très complexe selon les données disponibles actuellement.


 

Les endorphines et leurs récepteurs sont très largement distribués dans le système nerveux, tant au niveau supraspinal, spinal que périphérique. Ils sont particulièrement représentés dans les régions impliquées dans le contrôle descendant de la douleur.

Au niveau supraspinal, la présence de récepteurs opioïde est très documentée dans la substance grise périaqueducale: les études d'autoradiographie ont montré leur présence dans la substance grise périaqueducale; la micro-injection de morphine dans cette structure s'est avérée profondément analgésique, de même que sa stimulation électrique; cet effet pouvait être bloqué par la naloxone, un antagoniste des récepteurs opioïdes (voir le deuxième encadré à gauche), etc.

Ce sont les stimuli nociceptifs en provenance de la moelle épinière ainsi que les connexions de nombreuses autres structures du tronc cérébral et des centres supérieurs qui peuvent normalement déclencher la libération d'endorphine dans la substance grise périaqueducale.

D'autres sites d'action supraspinaux probables pour leur libération incluent la formation réticulée, la substance noire, les noyaux du raphé, l'hypothalamus, l'hippocampe, le noyau caudé, l'amygdale et le cortex préfrontal ventral, etc.

Au niveau spinal, les récepteurs opioïdes sont situés au niveau des terminaisons axonales des fibres C et sur les corps cellulaires des neurones nociceptifs des couches superficielles de la corne dorsale de la moelle épinière.

Plusieurs interneurones localisés à proximité des terminaisons axonales des fibres C ou A delta dans ces couches superficielles de la moelle épinière émettent des enképhalines comme neurotransmetteur. Celles-ci peuvent être relâchées par l'activation des fibres sérotoninergiques en provenance de la formation réticulée. La porte d'entrée du signal nociceptif peut donc être fermée soit par la diminution de substance P ou de glutamate émis par les fibres C ou A delta, soit par la baisse d'excitabilité des neurones nociceptifs de la moelle épinière. Mais l'un comme l'autre résulte de la fixation des enképhalines sur leurs récepteurs spécifiques.

Au niveau périphérique, des récepteurs opioïdes ont été identifiés sur plusieurs terminaisons de fibres sensorielles, notamment les fibres nociceptives de type C. Les trois principaux types de récepteurs opioïdes sont produits dans les corps cellulaires de ces neurones (situés dans les ganglions spinaux) et acheminés par transport axonal jusqu'aux terminaisons périphériques.

L'effet analgésique médié par ces récepteurs opioïdes périphériques serait particulièrement important dans les fibres nociceptives déjà sensibilisées par une inflammation. Des lésions tissulaires stimulent d'ailleurs l'expression des récepteurs opioïdes.

L'administration d'un médicament opioïde par voie orale ou intraveineuse exercera donc ses effets analgésiques à plusieurs niveaux. Le fait que des cellules immunitaires expriment également des récepteurs opioïdes, indique que ces effets pourraient être encore plus larges.

  Présentations | Crédits | Contact | Copyleft